Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 29 mai 2018 à 15h00
Nouveau pacte ferroviaire — Question préalable

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au deuxième jour de la douzième séquence de grève des cheminots, nous entamons l’examen au Sénat du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire.

Ce matin, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a reçu les syndicats de cheminots de la SNCF, la CGT, la CFDT, l’UNSA, SUD Rail, ainsi que ceux de plusieurs pays – l’Italie, l’Espagne, le Luxembourg, l’Allemagne, la Belgique ou encore l’Angleterre. Puis, à treize heures, nous étions présents au rassemblement de l’intersyndicale devant le Sénat, rassemblement qui montre que, à l’évidence, la mobilisation contre ce projet ne s’essouffle pas.

Que ce soit ici ou ailleurs, les cheminots ont tous un dénominateur commun : ils défendent avec détermination et courage leurs droits, leur outil de travail, et ils portent une certaine vision du service public ferroviaire.

Nous partageons cette vision fondée sur les missions d’intérêt général de l’entreprise publique et le droit à la mobilité pour tous et partout.

Il faut les entendre et ne pas balayer d’un revers de main les résultats du « vot’action » qui s’est clos la semaine dernière et qui démontre, n’en déplaise aux esprits malins, une opposition majoritaire à cette réforme. Celle-ci n’était d’ailleurs pas inscrite dans le programme du candidat Macron, mais elle a été décidée ensuite par celui-ci, une fois élu Président de la République, réalisant ainsi un vœu cher à la droite. Pour nous, ce sont les cheminots les premiers de cordée, ceux qui défendent ce que nous avons en commun : les services publics.

Avant d’en arriver au contenu du texte, je veux aborder une nouvelle fois la méthode, que nous jugeons contestable et dangereuse, je veux parler de cette méthode gouvernementale qui interroge par son peu de respect pour le Parlement et pour les parlementaires, mais également pour les forces sociales de notre pays, taxées d’être irresponsables lorsqu’elles exercent un droit constitutionnellement reconnu, celui de faire grève et de porter des revendications, voire de manifester.

Le message de fermeté envers les syndicats est inacceptable. Il témoigne d’une vision autoritaire de l’exercice du pouvoir. Si la place de chacun doit être claire, le dialogue social ne peut se résumer à des coups de menton des plus hauts responsables de l’État.

Par ailleurs, nous regrettons le choix de la commission de ne pas avoir réalisé l’audition de l’intersyndicale – j’ai bien dit « de l’intersyndicale », monsieur le rapporteur – que nous avions demandée. Les partenaires sociaux doivent être respectés !

J’en viens maintenant au parcours de ce projet de loi, parcours pour le moins curieux. Madame la ministre, votre gouvernement, en s’appuyant sur un rapport d’expert – le rapport Spinetta –, a fait le choix de forcer le passage par la voie des ordonnances, jugées plus rapides et plus efficaces. Votre modernité, c’est aussi cela : recentrer les pouvoirs au risque de rompre l’équilibre des pouvoirs. Drôle de conception de la démocratie parlementaire…

En tacticien maladroit qui cherche à affirmer sa posture idéologique, ce même gouvernement a indiqué aux syndicats que, s’ils étaient constructifs, des mesures plus précises seraient directement insérées dans la loi. C’est le cas, mais seulement sur des sujets connexes puisque, d’après le Premier ministre lui-même, sur le « dur », rien n’est négociable.

Quant à l’incessibilité, elle a été introduite, à la suite de l’engagement du Gouvernement, au travers d’un amendement du groupe La République En Marche, qui a été adopté en commission. Toutefois, la vigilance s’impose, car, vous le savez comme moi, mes chers collègues, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire ! §Nous aurons d’ailleurs des propositions pour renforcer cette incessibilité.

En revanche, le Gouvernement a annoncé, sans concertation, au cours de l’examen du texte, la fin du statut de cheminot pour 2020 et la filialisation du fret. Il s’agit là d’une véritable provocation. Résultat, le texte a triplé de volume lors de son passage à l’Assemblée nationale et s’est encore épaissi après son examen par la commission du Sénat.

Nous nous retrouvons dans une situation incroyable : le texte qui nous est soumis n’a fait l’objet ni d’une étude d’impact ni d’un avis du Conseil d’État, puisque son contenu est issu très largement d’amendements du Gouvernement.

Pourtant, la portée de ces amendements est majeure. En effet, c’est par un simple amendement que le statut de la SNCF a été transformé, ce qui ouvre la voie à sa privatisation, comme cela a été le cas pour toutes les entreprises publiques qui ont vu leur statut modifié – GDF, EDF ou France Télécom, par exemple.

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