Intervention de Michel Vaspart

Réunion du 29 mai 2018 à 15h00
Nouveau pacte ferroviaire — Question préalable

Photo de Michel VaspartMichel Vaspart :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ont présenté une motion tendant à opposer la question préalable. Vous ne serez pas surpris que, au nom du groupe Les Républicains, je vous annonce que nous voterons contre. Permettez-moi de rappeler tout d’abord que la motion tendant à opposer la question préalable aboutit à une absence de discussion sur le texte proposé.

Le quatrième paquet ferroviaire européen, adopté en décembre 2016, ouvre le réseau de la SNCF à la concurrence à partir de 2020. Nous devons prendre des mesures de transposition avant la fin de cette année, pour une ouverture à la concurrence des services conventionnés – TER, Transiliens ou Intercités – à partir du 3 décembre 2019, et des services commerciaux dès le mois de décembre 2020.

Cette nécessaire adaptation de la SNCF à la concurrence est un révélateur qui nous oblige à nous pencher sur la situation globale de notre système ferroviaire. Il apparaît clairement que les performances de la SNCF sont insuffisantes et nécessitent modernisation et adaptation de l’entreprise. Son statut actuel n’est pas compatible avec le nouveau paysage ferroviaire européen. Notre système ferroviaire n’est toujours pas prêt pour la concurrence.

La dette du gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, a atteint 46, 6 milliards d’euros à la fin de l’année 2017 et poursuit une trajectoire particulièrement inquiétante. Elle augmente chaque année de deux à trois milliards d’euros, sans que le service soit vraiment satisfaisant.

Ce rythme n’est clairement pas supportable. L’écart entre les coûts de production de notre groupe public ferroviaire et les autres entreprises ferroviaires a été estimé à près de 30 % dans le rapport de Jean-Cyril Spinetta. Ce manque de compétitivité ne sera pas soutenable dans un contexte d’ouverture à la concurrence.

La perte d’attractivité du rail par rapport aux autres types de transport témoigne aussi de cette inadaptation : sa part modale a été réduite, passant de 10 % en 2011 à 9, 2 % en 2016, alors qu’elle augmente chez nos voisins européens.

Pour le fret, les chiffres sont encore pires, avec une part modale passant de 15 % en 2001 à moins de 10 % aujourd’hui.

Le projet de loi, dont nous souhaitons poursuivre l’examen, ne se limite pas aux questions d’ouverture à la concurrence, mais traduit une réforme plus globale de l’organisation du système ferroviaire français. C’est l’une des voies qu’avaient proposées notre collègue Hervé Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre dans la proposition de loi que nous avons débattue en mars dernier.

Le présent projet de loi laisse en suspens un certain nombre de questions, comme les conditions de transfert des salariés ou les garanties d’aménagement du territoire. Notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, soucieuse que la réforme du système ferroviaire fasse l’objet d’un véritable débat parlementaire, a très largement complété le projet de loi en adoptant des amendements substantiels et attendus.

Elle a également tenu à préciser les demandes d’habilitation en vue de fixer un cadre plus exigeant pour les ordonnances que le Gouvernement prendra et de les orienter en fonction des priorités du Parlement.

Nous avons ainsi permis de dessiner plus précisément les contours de la réforme ; le texte issu des travaux de notre commission complète très largement celui qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

Notre objectif a été de proposer une organisation plus efficiente de la SNCF. Je pense notamment à la transformation des établissements publics de la SNCF en sociétés anonymes à capitaux publics, et à la filialisation de SNCF Gares & Connexions vis-à-vis de SNCF Réseau. De plus, dans le cadre des négociations en cours, nous avons introduit dans le présent texte le caractère incessible du capital de ces trois entités. Cette disposition devrait rassurer celles et ceux qui craignaient une privatisation du groupe ou de ses filiales.

En matière financière, la reprise de 35 milliards d’euros de dette vient d’être annoncée par le Gouvernement. Cette somme sera, in fine, payée par le contribuable. C’est pourquoi il est non seulement normal, mais même absolument indispensable, que cet effort soit lié à un engagement de la part de l’entreprise et de ses personnels.

Nous avons entendu les préoccupations des salariés de SNCF Mobilités quant aux conditions de leur transfert à de nouveaux opérateurs. Le texte de notre commission propose un cadre sécurisé pour les salariés transférés.

Nous avons souhaité que le nombre de salariés à transférer soit arrêté par les régions, et non pas par l’opérateur sortant.

Nous avons également souhaité que, en cas de reprise par les autorités organisatrices de transport, les coûts liés aux matériels roulants soient équitablement répartis.

Nous avons enfin souhaité préserver l’intégralité des dessertes TGV, dans un souci d’aménagement du territoire.

Madame la ministre, les villes moyennes ont besoin de dessertes directes ; il y va de l’aménagement du territoire lui-même. Or le système de modulation des péages proposé dans le texte du Gouvernement faisait courir un risque à la desserte TGV directe des villes moyennes, dans un contexte d’ouverture à la concurrence : nous ne l’avons donc pas retenu.

À nos yeux, la responsabilité du maintien de ces dessertes directes ne saurait peser uniquement sur les régions. En l’absence de financement spécifique pour ces collectivités territoriales, nous avons introduit la possibilité, pour l’État, de conclure des contrats de service public – M. le rapporteur l’a rappelé précédemment – pour répondre aux besoins d’aménagement du territoire et, ainsi, préserver des dessertes directes, sans correspondance.

Dans un contexte de concurrence intermodale forte et de perte d’attractivité du mode ferroviaire, il nous est apparu primordial que l’État garantisse le maintien des dessertes directes. Nous pensons avec force que l’ouverture à la concurrence doit se traduire par une amélioration du service rendu aux voyageurs, et non par une offre réduite. Les dessertes TGV ne peuvent être limitées aux seules métropoles.

Mes chers collègues, cette nouvelle réforme du système ferroviaire français semble donc plus que nécessaire.

L’ouverture à la concurrence – nous en sommes convaincus – permettra de renforcer la compétitivité de l’opérateur historique et, je l’espère, de le sauver. Elle sera également positive pour les usagers du transport ferroviaire. C’est en tout cas ce que l’on constate dans beaucoup de pays qui ont mis en œuvre cette réforme avant nous.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons soutenir cette motion de procédure marquant le refus de poursuivre l’examen d’un projet de loi qui est, selon nous, essentiel pour notre pays.

J’ajoute que le travail effectué par le Sénat, par notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, notamment par notre rapporteur, Gérard Cornu, rappelle et démontre à ceux qui en douteraient encore tout l’intérêt du bicamérisme.

Sur ces sujets, le Sénat aura travaillé en anticipation, avec la proposition de loi Maurey-Nègre, et il aura largement contribué à l’amélioration de la rédaction de la loi, malgré les délais fort contraints qui nous ont été imposés.

Le Sénat va même permettre au Gouvernement de sortir de l’impasse où il se trouve : il a considérablement amélioré ce texte en tenant compte à la fois d’un certain nombre de demandes et de souhaits des partenaires sociaux et des amendements déposés au nom du Gouvernement.

Voilà, s’il en était besoin, la preuve de l’intérêt d’un équilibre des pouvoirs, non seulement entre les deux chambres du Parlement, mais aussi entre l’exécutif et le législatif. J’espère que, pour d’autres textes, pour d’autres propositions de loi émanant de la Haute Assemblée, le Gouvernement saura enfin nous écouter.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les membres du groupe Les Républicains voteront contre cette question préalable, pour que le débat démocratique ait bien lieu au sein de la Haute Assemblée !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion