Intervention de Olivier Jacquin

Réunion du 29 mai 2018 à 15h00
Nouveau pacte ferroviaire — Discussion générale

Photo de Olivier JacquinOlivier Jacquin :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on nous annonçait une révolution ferroviaire, nous avons pour l’instant un beau désordre dans le pays, avec une grève historique qui pénalise tout le monde – les cheminots en premier lieu, mais également les usagers, qu’ils soient voyageurs ou qu’ils aient besoin dans leur activité économique du fret ferroviaire. Profitons de ce débat pour apporter les solutions permettant de sortir de ce conflit par le haut ; c’est possible !

Madame la ministre, je crains que les Français ne soient déçus au lendemain du vote, car le temps ferroviaire est long, très long dans cette industrie lourde, très lourde. Même en 2022, il n’y aura pas beaucoup de signes des changements induits par votre réforme.

En effet, l’offre ferroviaire, bien qu’imparfaite dans notre pays, est abondante, et nos tarifs plutôt faibles – les études réalisées au sein des pays de l’OCDE le montrent. Rien ne dit que l’usager verra les tarifs diminuer, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays ; mais peut-être ciblait-on le contribuable plutôt que l’usager ?

Surtout, la réforme est menée à l’envers. Nous aurions pu avoir une grande loi sur les mobilités, complète et cohérente, qui aurait permis de fixer une trajectoire, notamment financière, au ferroviaire, lequel tient une place cruciale dans la chaîne des mobilités, mais vous mettez la charrue avant les bœufs en commençant par le ferroviaire, le projet de loi d’orientation sur les mobilités, ou LOM n’étant prévu que pour… plus tard !

Quant à la façon de légiférer, cette méthode hétérodoxe ne saurait nous satisfaire. Vous deviez aller très vite et, par ordonnances, décider, imposer et dépasser le temps parlementaire dans une fulgurance jupitérienne, mais depuis les premières annonces vous n’avez fait que reculer.

Premièrement, le Premier ministre, fort du surprenant rapport Spinetta, a eu vite fait de différer la question des petites lignes. Prudence, mes chers collègues, car elles ne sont pas sauvées pour autant…

Deuxièmement, nouvelle reculade, il avait annoncé une nouvelle organisation autour de sociétés anonymes, mais, dès lors que la presse a eu révélé une réunion secrète avec la SNCF ouvrant la brèche à une possible privatisation, le Gouvernement a amendé le texte et a proposé l’incessibilité, alors même que vous aviez émis, madame la ministre, un avis défavorable sur un amendement ayant le même objet à l’Assemblée nationale. Donc prudence encore, mes chers collègues.

Dans le même sens, vous annoncez que, dorénavant, une règle d’or sera observée, mais vous ne faites en réalité qu’améliorer celle qui a été créée avec raison par Frédéric Cuvillier en 2014. Tant mieux !

De même, quant aux ordonnances, le projet de loi comportait huit articles en arrivant à l’Assemblée nationale, et nous voilà au Sénat face à vingt-quatre articles, ce qui donne l’impression de légiférer au doigt mouillé, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État. S’il y a des marges de concertation, c’est sans aucun doute grâce à la pression démocratique…

Enfin, la brutalité des mots du Président de la République et du Premier ministre à l’encontre des cheminots a provoqué, humilié et menacé injustement ces derniers. Les voilà dans la rue, et même devant le Sénat ! Vous êtes les responsables, madame la ministre, du désordre qui règne en ce moment dans le pays.

Pourquoi avoir mis ainsi le feu et avoir voulu le scalp des cheminots et de leur statut, sinon pour anticiper d’autres réformes dans les services publics et préparer la réforme des retraites en tentant de désespérer les résistances à venir ?

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