Intervention de Olivier Jacquin

Réunion du 29 mai 2018 à 15h00
Nouveau pacte ferroviaire — Discussion générale

Photo de Olivier JacquinOlivier Jacquin :

Avec la réforme de 2014 et le vote du quatrième paquet ferroviaire, l’ouverture à la concurrence était sur de bons rails – la discussion de la proposition de loi Maurey-Nègre l’a montré –, nous n’avions plus besoin que de trois éléments : les dates et le mode d’ouverture à la concurrence et les conditions de transfert du personnel.

Profitons donc de ce débat au Sénat pour sortir au plus vite de ce conflit, en respectant les cheminots, les usagers et les Français. Il suffit pour cela, mes chers collègues – nous avons une proposition –, d’adopter notre amendement visant à conditionner le recrutement au statut à la signature de la convention collective ferroviaire nationale, dont les chapitres étaient pour moitié signés avant le début de cette réforme.

Sachez en effet que, dans les cinq ans à venir – cela va peut-être en surprendre certains –, sur les 130 000 salariés de SNCF, quelques centaines d’agents seulement seront concernés par des transferts ; il y en aura dans tous les cas moins de 1 000, et même, probablement, je le répète, quelques centaines, dont seulement quelques dizaines refuseront un transfert vers un nouvel opérateur. Or la question de ces transferts est la raison de l’acharnement du Gouvernement à brutaliser aussi rapidement les cheminots et leur statut, les faisant ainsi sortir dans la rue.

Le temps ferroviaire est long. Ainsi, en Allemagne, l’ouverture à la concurrence a eu lieu en 1994. Aujourd’hui, vingt-quatre ans après, la Deutsche Bahn conserve la quasi-intégralité des grandes lignes et les trois quarts du marché régional. Nous pouvons donc lever la contrainte qui pèse sur ce débat. Soyons raisonnables, mes chers collègues, adoptons cet amendement et laissons la négociation avancer ; c’est du bon sens.

Par ailleurs, avec la même énergie que pour réformer le statut des cheminots, vous voulez mieux unifier encore le groupe ferroviaire ; c’est bien. Cela prolongerait la réforme de 2014, qui avait notamment permis de mettre fin à la partition stérile qui existait entre Réseau ferré de France, ou RFF, et SNCF.

Vous souhaitez transformer la SNCF en société anonyme, mais, pour cela, il faut désendetter la SNCF et transférer la dette à l’État, c’est la règle. C’est ce que les socialistes n’ont pas fait durant le précédent mandat, ai-je déjà entendu dire par les uns ou les autres. Pourtant, bien des solutions avaient été imaginées. Pourquoi n’avons-nous pas pu reprendre cette dette ? Tout simplement parce qu’il n’était pas possible de le faire. La France avait, début 2012, un déficit public de 5, 2 % du PIB, et avait subi un déclassement de sa note par les agences de notation, tout le monde s’en souvient.

Il fallait rétablir les comptes publics, nous l’avons fait et, aujourd’hui, sur la base du budget pour 2017, la France est sortie la procédure européenne de déficit excessif pour la première fois depuis dix ans, ce qui rend possible ce désendettement.

Vous annoncez une reprise de dette à hauteur de 35 milliards d’euros ; c’est un montant tout à fait significatif, mais nous attendons des précisions, et surtout, nous souhaitons que cela soit consigné par écrit parce que d’ici à 2020 et à 2022, de l’eau aura coulé sous les ponts. Qui nous dit en effet que vous ne diminuerez pas alors d’autres contributions de l’État – les liens financiers entre l’État et la SNCF sont nombreux – pour combler la reprise de dette ? Il conviendrait donc d’écrire un protocole d’accord et de définir une nouvelle trajectoire financière sur le long terme, ainsi qu’un nouveau contrat de performance.

Rien ne nous dit d’ailleurs que cette réforme permettra de sortir de la logique malthusienne qui prévaut dans le rail français depuis des décennies. On coupe de petites lignes, on réduit des vitesses de circulation, on supprime certains services et, ainsi, on limite l’offre. Le rapport Spinetta expliquait bien cette logique selon laquelle on suggère de compenser une dette et des pertes d’un côté par, de l’autre côté, une suppression du réseau, 30 % de celui-ci ne supportant que 2 % des voyageurs. À Bercy, dans un tel cas, on coupe ; Spinetta le proposait aussi.

C’est cela, la logique malthusienne.

En agissant ainsi, on limite l’effet de réseau du rail ; quand on réduit le service à l’extrémité d’une ligne, parce qu’il est moins fréquenté, on n’incite pas le recours au train sur le début du parcours, parce qu’on provoque une rupture de charge. On entre alors dans une spirale infernale…

Ceux qui ont vu l’effet du cadencement réussi, dans certaines régions, sont étonnés : avec une augmentation de l’offre, il est possible de diminuer les coûts unitaires. C’est ainsi dans les industries de réseau, plus la voie est utilisée, plus il y a de passages de trains – fret ou voyageurs –, plus les coûts unitaires baissent, car on travaille, in fine, au coût marginal. C’est mathématique. C’est possible, certains pays y parviennent.

Le Gouvernement nous vante souvent le modèle allemand, mais, si on l’observe bien – je me suis rendu outre-Rhin –, je ne suis pas sûr qu’il mérite tant d’éloges. J’aurais préféré que votre réforme soit inspirée du modèle suisse – je suis également allé en Suisse –, un modèle d’intermodalité, de ponctualité et de complémentarité entre le transport de voyageurs et le fret. Mais voilà, la Suisse est un pays trop petit, trop montagneux et trop riche, me dit-on. Pourtant, elle représente, avec le Japon, où je ne me suis pas encore rendu

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion