Je voudrais tout d’abord souligner à quel point il est essentiel que ce type de débat, suscité par l’amendement déposé, au nom de la commission des affaires économiques, par notre collègue Bruno Retailleau, puisse avoir lieu au sein de notre assemblée. En effet, sur de tels sujets de société qui passionnent nos concitoyens, les positions des uns et des autres doivent pouvoir s’exprimer ailleurs que dans la presse.
De même, et je rejoins sur ce point la majorité des orateurs qui se sont exprimés précédemment, il ne faut pas, à mon sens, donner l’impression que les commissions ad hoc qui ont été créées détiennent la vérité et qu’il n’y a donc plus lieu de débattre au Parlement. Si tel était vraiment le cas, notre rôle se trouverait réduit à néant !
De la dialectique de la contradiction doit émerger une position qui soit, à la fois, collectivement responsable et adaptée.
La question qu’a posée M. Retailleau, au travers de son amendement, se justifie pleinement, puisque la solution de l’amende avait été évoquée, tout comme celle de la suspension d’ailleurs, dans le rapport Olivennes. En effet, lors des discussions entre les partenaires qui ont précédé et suivi les accords conclus à l’Élysée, les positions se sont affinées jusqu’à ce que la solution qui apparaissait comme étant la plus sage soit finalement adoptée.
Même si le Parlement doit bien sûr jouer pleinement son rôle, il ne doit pas négliger pour autant les résultats de ce travail préparatoire, fruit de la réunion de quarante-sept partenaires et qui avait tellement fait défaut lors de l’examen du projet de loi DADVSI en 2006. Il ne faudrait pas prendre le risque de faire éclater un consensus acquis de haute lutte.
Après avoir pesé le pour et le contre et examiné la question sous tous ses aspects – sans disposer, malheureusement, de l’expertise technique de notre collègue Bruno Retailleau –, notre groupe s’est prononcé majoritairement contre l’amende. Je vais m’en expliquer.
Cela étant, l’idée qui consiste à réaffecter aux artistes et à la création une partie du produit de l’amende, pour réparer le préjudice subi, nous semble tout à fait intéressante. En effet, l’enjeu, dans cette affaire, est bien le renouvellement de la création et le respect du travail des créateurs. Dans la discussion générale, nous avions bien rappelé qu’il fallait garantir un juste équilibre entre les droits légitimes des internautes et ceux des auteurs, sans lesquels il n’y aurait plus de création artistique et culturelle, ni guère de contenu sur internet.
Il faut donc trouver la meilleure arme de dissuasion à mettre en œuvre au terme d’une procédure préventive. Elle doit être à la fois juste et pratique à utiliser.
Tout à l’heure, certains orateurs ont prétendu que l’amende aurait des vertus pédagogiques. Nous ne le pensons pas, une amende étant toujours perçue comme une taxe indue. En revanche, en privant temporairement l’internaute de l’outil qui a servi à la piraterie, la suspension nous semble revêtir un caractère symbolique.
Certes, la suspension pose d’autres problèmes, nous ne le nions pas. Par le biais de nombreux amendements examinés ce matin, nous avons cherché à rééquilibrer le texte en faveur du respect des droits de l’internaute. Nous avons insisté, en particulier, sur le fait que l’internaute récidiviste devra avoir été largement mis en garde, par le biais d’une série d’avertissements, avant que la suspension n’intervienne.
Je reprendrai, à cet instant, l’exemple de la voiture, qui a déjà été souvent évoqué. On se souvient sans doute davantage du jour où l’on a retrouvé sa voiture à la fourrière que de celui où l’on a dû payer une amende ! Certains préfèrent d’ailleurs acquitter une contravention de temps à autre plutôt que de mettre de l’argent régulièrement dans le parcmètre !