Il y a deux ans, nous avons autorisé le Gouvernement à réformer par ordonnance Action Logement. C'est l'objet de la loi du 1er juin 2016 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) et la distribution des emplois de cette participation. La ratification des deux ordonnances attendues étant inscrite à l'article 31 du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ÉLAN), il nous semblait important d'examiner la mise en oeuvre de cette réforme préalablement.
La première ordonnance procède à la réorganisation d'Action Logement. Elle a été prise dans un délai de quatre mois et demi, alors que huit mois étaient prévus. Je rappelle que le délai moyen pris par le Gouvernement pour déposer une ordonnance dans ce délai d'habilitation est de 6,6 mois. Cette adoption rapide de l'ordonnance s'explique par la volonté des partenaires sociaux de voir la réforme entrer en vigueur le 1erjanvier 2017.
Cette ordonnance simplifie l'organisation d'Action Logement en remplaçant l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) et les 21 collecteurs interprofessionnels du logement (CIL) par trois entités : Action Logement Groupe, association loi 1901, dont les membres sont des représentants des employeurs et des salariés, structure faîtière chargée de conclure la convention quinquennale et de fixer les orientations stratégiques du groupe ; Action Logement Services (ALS), chargé d'assurer la collecte de la PEEC, de distribuer les emplois de la PEEC, de mener des concertations pour évaluer les besoins territoriaux - il est réputé agréé en qualité de société de financement - et Action Logement Immobilier (ALI) chargé de gérer les participations.
L'ordonnance précise les règles de fonctionnement de ces différentes entités et les principes qui leur sont applicables, notamment le respect du principe de non-discrimination entre les bailleurs sociaux. S'agissant de son organisation territoriale, Action Logement a mis en place douze comités régionaux (CRAL), répartis en fonction des nouvelles régions, et cinq comités territoriaux en outre-mer. Il convient de noter que ces CRAL n'ont pas d'existence sur le plan législatif, mais sont mentionnés dans la convention quinquennale État-Action Logement.
L'ordonnance prévoit la mise en place d'un comité des partenaires du logement social chargé d'émettre des avis sur les orientations applicables aux emplois de la PEEC en matière de construction, de réhabilitation et d'acquisition des logements sociaux et au suivi de la distribution de ces emplois. Ce comité doit comprendre des représentants du groupe Action Logement, des représentants des bailleurs sociaux et des collectivités territoriales. Or ce comité, censé jouer un rôle de vigie quant aux orientations et à la distribution de la PEEC entre les organismes et entre les territoires, n'a toujours pas été mis en place plus d'un an après la mise en oeuvre de la réforme, faute d'adoption des décrets relatifs à sa composition et à son fonctionnement.
Selon la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), les modalités de désignation des membres du comité doivent faire l'objet d'un décret simple et les autres mesures réglementaires d'un décret en Conseil d'État. Ces deux décrets ne pouvant être disjoints, il a été décidé d'insérer l'ensemble de ces dispositions dans le projet de décret en Conseil d'État. Ces dispositions auraient toutefois été concertées avec l'ensemble des parties prenantes fin 2017.
Selon Action Logement, le projet de décret prévoirait que le comité comprend trois collèges de cinq membres désignés pour trois ans : un pour Action Logement, un pour les collectivités territoriales et un pour les bailleurs sociaux. Le nombre de membres par collège a, semble-t-il, donné lieu à discussion et ce nombre pourrait être porté in fine à huit membres.
La seconde ordonnance du 19 janvier 2017 modifie les objets de l'Association pour l'accès aux garanties locatives (APAGL) et de l'Association Foncière Logement (AFL). Elle a été prise dans le délai de 7,5 mois. Ces deux entités n'ont pas été intégrées dans le groupe Action Logement, mais l'article 31 du projet de loi ÉLAN prévoit de procéder à ce rattachement.
Après cette présentation rapide, j'en viens maintenant aux premiers effets de la réforme. Celle-ci devait notamment mettre fin à une concurrence inutile et coûteuse entre les collecteurs, baisser les coûts de fonctionnement grâce à la centralisation de la collecte, permettre la mise en place d'un meilleur service aux entreprises et aux salariés et donner à Action Logement une meilleure visibilité dans les territoires.
S'agissant de la diminution des coûts de gestion, la convention quinquennale 2018-2022 fixe un objectif de réduction des frais de fonctionnement des entités d'Action Logement de 10 % sur la durée de la convention. La nouvelle organisation d'Action Logement a permis de diminuer le nombre d'emplois au sein du groupe, sans qu'il soit procédé à un plan social, en raison du reclassement de certains salariés dans les entreprises sociales pour l'habitat du groupe.
Néanmoins, la réforme induit dans un premier temps des coûts supplémentaires, résultant, par exemple, du recrutement de personnel qualifié pour assurer la mise en oeuvre des exigences réglementaires découlant de l'agrément d'Action Logement Services comme société de financement ou encore de la nécessité d'entretenir 21 systèmes de gestion informatique différents - qui correspondaient aux 21 CIL - le temps qu'un service unique soit mis en place. Toutes les rémunérations n'étaient pas du même niveau, et les harmonisations se font rarement à la baisse...
Lors des débats, les organismes d'HLM avaient fait part de plusieurs sujets d'inquiétude concernant la distribution de la PEEC aux bailleurs sociaux et la possibilité pour Action Logement d'utiliser la collecte de la PEEC pour acquérir des titres dans des organismes d'HLM.
Des règles spécifiques pour garantir l'absence de discrimination entre les filiales d'Action Logement et les autres organismes de logement social ont été édictées : le principe de non-discrimination a été inscrit dans le code de la construction et de l'habitation et des dispositifs de contrôle du respect de ce principe en amont et en aval de la décision de distribution des fonds ont été instaurés.
En amont, il revient à Action Logement Groupe de veiller à ce qu'Action Logement Services respecte ce principe de non-discrimination dans la distribution des emplois de la PEEC. Les commissaires du gouvernement peuvent exercer conjointement leur droit de veto sur une délibération qui ne respecterait pas ce principe. Peut-être aurait-on pu envisager un droit de veto individuel : obtenir un veto de tous les commissaires du gouvernement sera difficile. Enfin, le comité des partenaires dans lequel siègent des représentants des bailleurs sociaux est juridiquement chargé d'émettre un avis sur les orientations applicables au suivi de la distribution de ces emplois dans le respect du principe de non-discrimination. Je regrette que ce comité des partenaires n'ait pas encore été mis en oeuvre.
En aval de la décision, il reviendra à l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) de contrôler la mise en oeuvre du principe de non-discrimination. Son rapport sur cette première année de fonctionnement ne sera disponible qu'à la fin de cette année.
Je me suis interrogée sur les conséquences de l'agrément d'Action Logement Services comme société de financement. En raison de son nouveau statut, il devra détenir des fonds propres, dont le montant sera fonction de son niveau de risque. Je ne vous cache pas mes craintes qu'ALS soit plus exigeant dans le choix des bailleurs bénéficiaires de la PEEC, alors même que ces derniers sont pour un certain nombre dans une situation financière difficile en raison de l'application de la réduction de loyer de solidarité (RLS). Il ne faudrait pas que ces nouvelles règles conduisent à ne pas distribuer entièrement la PEEC - il y a un risque : les exigences seront les mêmes que pour la Caisse des dépôts et consignations. Action Logement s'est voulu rassurant. Il nous faudra être extrêmement attentifs à l'impact de ces nouvelles règles, surtout dans le contexte actuel de restructuration du secteur social.
S'agissant de la possibilité d'utiliser la PEEC pour acquérir des titres dans des sociétés d'HLM, l'ordonnance a inscrit dans le code le principe de distribution maîtrisée des dotations en fonds propres et édicté des mesures permettant à l'État de contrôler la distribution des fonds.
En pratique, aucune acquisition de titres au cours de l'exercice de 2017 n'a eu lieu. Par ailleurs, dans le contexte de réorganisation du secteur social, Action Logement a rappelé qu'il « n'avait pas vocation à utiliser les fonds disponibles pour acquérir le patrimoine existant d'opérateurs de logements sociaux externes, ou dans lesquels il détient une participation très minoritaire ».
Nous nous étions longuement interrogés sur l'impact de la réforme d'Action Logement sur la redistribution territoriale de la PEEC. L'ordonnance pose le principe d'un déploiement territorial de l'action du groupe Action Logement.
Chaque région comprend un CRAL composé de vingt membres représentant à parité les organisations d'employeurs et de salariés, qui ne peuvent siéger dans les conseils d'administration d'Action Logement Groupe, d'ALS et d'ALI. Chaque CRAL se réunit au minimum six fois par an.
Le CRAL a notamment pour missions de représenter politiquement Action Logement au niveau territorial, de recueillir et faire la synthèse des besoins des entreprises et des salariés, de conclure des conventions-cadres de territoires pluriannuelles et de veiller à la distribution équitable des produits et services proposés par Action Logement.
Alors même qu'une centaine de conventions ont été conclues avec les collectivités territoriales, les CRAL n'en sont pas tous au même stade de mise en oeuvre de leur politique de partenariat avec les élus locaux. Les personnes que j'ai entendues ont regretté de ne pas être plus associées aux travaux des CRAL et que les discussions entre Action Logement et les acteurs du secteur social se fassent en « tuyaux d'orgue », sans débat conjoint ni regards croisés.
S'agissant de la distribution de la PEEC entre les territoires, les CRAL ont élaboré des plans régionaux d'orientation et d'action qui ont permis, sur la base de l'analyse du besoin des territoires, de proposer la répartition de l'enveloppe de la PEEC.
Chaque CRAL dispose de crédits d'ingénierie mobilisable pour accompagner les territoires dans l'identification de leurs besoins locaux, de poser des diagnostics ou encore d'étudier des projets. Trois millions d'euros par an y sont dédiés.
S'agissant des crédits de financement des opérations, le cadrage des enveloppes se fait au niveau régional sur proposition des CRAL, le contenu des enveloppes régionales faisant l'objet d'une validation par Action Logement Services. Les membres des CRAL attribuent les financements sur chaque opération dans le périmètre de leur région.
Ici encore, je ne peux que regretter que le comité des partenaires censé assurer le suivi de la distribution de la PEEC au niveau territorial ne soit pas mis en place. Je souhaite que l'ANCOLS se penche attentivement sur la répartition territoriale de la PEEC.