Intervention de Alain Milon

Commission des affaires sociales — Réunion du 30 mai 2018 à 8h35
Audition du pr. sophie caillat-zucman en vue de sa reconduction à la présidence du conseil d'administration de l'agence de la biomédecine en application de l'article l. 1451-1 du code de la santé publique

Photo de Alain MilonAlain Milon, président :

Conformément aux articles L. 1418-3 et R. 1418-6 du code de la santé publique, le président du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine est nommé pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.

En application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, le Premier ministre a demandé au président du Sénat que la commission des affaires sociales procède à l'audition de Mme Sophie Caillat-Zucman, actuelle présidente du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine, qu'il envisage de reconduire à ce poste et que nous avons le plaisir d'accueillir ce matin.

La présidence du conseil d'administration n'est pas exécutive mais le conseil délibère notamment sur le budget et sur les orientations pluriannuelles. Nous entendrons ensuite Mme Anne Courrèges, directrice de cette agence, sur son rapport sur l'application de la loi de bioéthique.

Mme Caillat-Zucman, nous vous avions reçue il y a trois ans, préalablement à votre nomination. Vous êtes chef de service du laboratoire d'immunologie et histocompatibilité de l'hôpital Saint-Louis et chef du département d'immunologie de Saint-Louis - Robert Debré depuis septembre 2015. Pourriez-vous nous dresser un premier bilan de votre action ?

Pr. Sophie Caillat-Zucman, candidate à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine. - Je suis très heureuse de me trouver devant vous, dans le cadre de la procédure de renouvellement éventuel de la présidence du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine.

Voici rapidement mon parcours professionnel, pour que vous compreniez mon intérêt pour l'Agence de la biomédecine. J'ai 59 ans, je suis médecin, professeur d'immunologie à l'université Paris-Diderot et chef de service du laboratoire d'immunologie et d'histocompatibilité de l'hôpital Saint-Louis à l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP). Je m'intéresse à la greffe depuis mon internat, et ai poursuivi ma carrière en immunologie de la transplantation. Mon laboratoire à l'hôpital Saint-Louis fonctionne comme une plateforme régionale pour réaliser tous les tests de compatibilité donneur-receveur de la totalité des greffes d'organes et de la grande majorité des greffes de moelle ou de cellules souches hématopoïétiques de la région Île-de-France, soit environ 30% de l'activité nationale de greffe. Outre mon activité hospitalière, je dirige une équipe de recherche de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dont la thématique principale porte sur le rôle de certaines populations de lymphocytes chez les patients greffés. Mes centres d'intérêt médicaux et scientifiques sont très axés sur la greffe et me conduisent à rester informée de toutes les avancées dans ce domaine.

Je connais bien l'Agence de la biomédecine puisqu'avant d'avoir présidé son conseil d'administration depuis juin 2015, j'ai été pendant plusieurs années membre de son conseil médical et scientifique. J'ai une très grande estime pour les différents membres de l'Agence de la biomédecine qui exercent leur mission non seulement avec beaucoup de professionnalisme, mais aussi avec un très grand engagement personnel ; je pense notamment à sa directrice générale, Anne Courrèges, avec qui je travaille en excellente collaboration et que vous rencontrerez tout à l'heure.

L'Agence de la biomédecine a été créée par la loi de bioéthique en 2004, faisant suite à l'Établissement français des greffes en tant qu'agence sanitaire compétente pour les greffes d'organes, de tissus et de cellules depuis 2004. En plus, l'Agence de la biomédecine s'est vu confier des missions supplémentaires sur la procréation, l'embryologie et la génétique humaine. Elle couvre désormais tous les domaines thérapeutiques utilisant des éléments du corps humain, à l'exception du sang, qui relève de l'Établissement français du sang. L'Agence de la biomédecine est également compétente en matière de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires.

Elle est d'abord une agence sanitaire opérationnelle, qui pilote l'organisation des greffes au niveau national : elle veille à ce que les patients en attente de greffe d'organe puissent trouver un organe compatible et être greffés rapidement. Pour cela, elle gère les listes nationales de patients en attente de greffe et assure la régulation des prélèvements d'organes et la répartition des greffons sur le territoire national. Dans le domaine de la greffe de moelle osseuse ou de cellules souches hématopoïétiques, l'Agence gère le registre national France greffe de moelle (RFGM) de donneurs de cellules souches hématopoïétiques et d'unités de sang placentaire et elle assure le lien avec les registres internationaux de donneurs lorsqu'il n'existe aucun donneur national compatible avec un receveur. Cette mission opérationnelle de pilotage de l'organisation de greffe s'accompagne d'une mission de promotion du don d'organes, de moelle osseuse et de gamètes, qui est encouragée au travers de campagnes d'information audiovisuelles, de journées thématiques et d'interventions auprès du public et des associations.

L'Agence de la biomédecine a aussi une mission d'encadrement, par exemple dans le domaine de la génétique humaine et de la recherche d'embryons pour lesquels elle délivre des agréments et des autorisations. Elle évalue les résultats des centres d'aide médicale à la procréation et promeut la recherche au travers d'un appel d'offres scientifique annuel, qui permet de subventionner des projets de recherche sélectionnés par le conseil médical et scientifique dans les domaines de l'agence. Les compétences de l'Agence de la biomédecine sont très larges et font appel à des expertises à la fois médicales, scientifiques, juridiques et éthiques de haut niveau.

L'Agence s'appuie sur les lois de bioéthique dont elle veille à faire respecter les règles fondamentales d'éthique, d'équité, de sécurité et de solidarité. Le conseil d'administration de l'Agence délibère sur les sujets les plus importants, notamment sur les orientations stratégiques pluriannuelles ainsi que sur les budgets et moyens alloués à l'Agence. La présidence du conseil d'administration n'est pas exécutive : c'est la direction générale de l'agence qui a ce rôle.

Le bilan des trois dernières années est satisfaisant ; l'Agence a rempli les objectifs stratégiques fixés dans le contrat d'objectifs et de performance. Le nombre de greffes d'organes a augmenté de 15% en trois ans, pour atteindre 6 100 greffes en 2017, grâce notamment à l'augmentation du nombre de greffes à partir de donneurs vivants - c'est le cas de 16% des greffes rénales. Depuis fin 2014 est mis en place progressivement le programme dit Maastricht III de prélèvement sur des donneurs chez lesquels il y a eu une décision d'arrêt des thérapeutiques actives en réanimation. Ce programme est encadré de manière très rigoureuse par l'Agence de la biomédecine, pour assurer une étanchéité complète entre les procédures de fin de vie et les procédures de prélèvements. Il concerne désormais une vingtaine d'équipes en France et a permis 234 greffes en 2017.

Deuxième objectif atteint, le nombre de donneurs de cellules souches hématopoïétiques inscrit sur le registre national de France greffe de moelle a augmenté pour atteindre 263 000 donneurs, chiffre dépassant nos attentes, même si nous devons davantage recruter des hommes jeunes - les meilleurs donneurs - et j'en profite pour lancer un appel.

Troisième objectif, le nombre de donneurs de gamètes a augmenté, bien que le nombre de donneurs actuels ne permette pas l'auto-suffisance nationale.

L'Agence a réalisé certaines modifications requises dans le cadre de la loi de modernisation du système de santé, comme intégrer à son conseil d'administration des représentants d'associations d'usagers du système de santé. La compétence en matière de bio-vigilance pour les activités de prélèvement et de greffe a été transférée de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vers l'Agence de la biomédecine. Nous gérons aussi le registre national des refus de don d'organes.

Le contrat d'objectifs et de performance de l'agence 2017-2021, signé avec la Direction générale de la santé, formalise les grandes orientations de l'Agence, en lien avec les trois plans d'action ministérielle concernant la greffe d'organes et de tissus, la greffe de cellules souches hématopoïétiques et la procréation, embryologie et génétique humaine. Ce contrat est organisé autour de deux axes stratégiques : un axe médical et scientifique vise à accroître l'accès à la greffe d'organes avec un objectif de 7 800 greffes en 2021 - contre 6 100 en 2017, dont 1 000 à partir de donneurs vivants, et à accroître l'accès à la greffe de tissus et de cellules souches hématopoïétiques et l'accès à l'aide médicale à la procréation, avec un objectif d'autosuffisance nationale du don de gamètes. Deuxième axe, nous poursuivons des objectifs transversaux tels que la promotion de la recherche, la communication avec le public et la formation des personnels de santé, dans un contexte d'efficience imposée. Bien sûr, l'Agence de la biomédecine a apporté son expertise aux travaux de réexamen de la loi de bioéthique qui sont engagés cette année.

Je suis très motivée à poursuivre mon action à l'Agence de la biomédecine et à y apporter mes compétences. Ma fonction me fait aborder des sujets en lien direct avec mon activité hospitalo-universitaire, mais qui prennent une dimension humaine, beaucoup plus vaste, avec des personnes d'horizons très différents, dans les domaines qui m'ont passionnée dès le début de mon activité de médecin.

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