On ne peut qu'approuver une proposition de résolution qui arrive à point nommé, puisque le Parlement européen a voté avant-hier le projet de révision de la directive par 456 voix contre 147. La proposition de résolution met bien en évidence les insuffisances de cette révision, fruit du compromis entre les différents pays : le point 23 le « salue », mais « considère qu'il doit permettre de mieux respecter les droits sociaux des travailleurs et lutter contre les distorsions de concurrence »... Cela montre bien qu'il reste du chemin à faire !
Trois mesures phares vont dans le bon sens : la rémunération doit être la même pour tous, y compris les primes prévues dans les conventions collectives. Les employeurs ne pourront plus inclure dans le salaire les frais d'hébergement et de nourriture, ce qui semble normal. Les calculs de ces frais se feront malheureusement sur la base du pays d'origine - ce qui est une demi-avancée. Le détachement est limité à douze mois, alors que la durée moyenne dans l'Union européenne est de quatre mois - cette limitation reste donc théorique. Il y aura toujours distorsion de concurrence, grâce au mode de calcul des frais et à l'absence d'encadrement de la sous-traitance. Le point 26 dit très bien que les accords d'entreprise devraient s'appliquer aux travailleurs détachés. Enfin et surtout, les charges sociales seront toujours celles du pays d'origine.
En conclusion, le point 20 de notre résolution rappelle l'objectif du détachement : « permettre de répondre à un manque de main d'oeuvre dans un secteur précis et faciliter la mobilité au sein de l'Union européenne » -, or c'est loin d'être le cas. Je lisais une page locale du journal l'Alsace sur la récolte des asperges - laissez-moi vous dire à ce propos que l'Alsace en produit d'excellentes ; le Rhin ayant divagué pendant des millions d'années, nous avons beaucoup de terrains sablonneux. Le titre de l'article disait : « Récolte des asperges : les Polonais se font rares ». S'ils se font rares, c'est parce que - Dieu merci pour eux - ils gagnent de mieux en mieux leur vie et sont dès lors moins tentés de prendre des congés sans solde pour gagner un peu plus d'argent par ce travail saisonnier. On le voit, ce problème ne se réglera qu'avec l'élévation du niveau de vie des travailleurs dans les pays d'origine, comme c'est le cas en Pologne.
D'après l'article, les Polonais sont remplacés par des Roumains. Si tout se passe bien, ils seront demain remplacés par des Macédoniens ou des Albanais... Il y a 550 000 travailleurs détachés en France, c'est énorme ! En Grande-Bretagne, il y en avait beaucoup plus et cela n'a pas été sans influence sur le Brexit : ils étaient 1,2 million, poussés avec plus ou moins de délicatesse vers la sortie. Il nous faut penser à nos compatriotes en bas de l'échelle, qui pointent à Pôle emploi, et voient des étrangers travailler chez nous parce que le patron paie des charges sociales beaucoup moins élevées qu'en France - où elles sont parmi les plus élevées d'Europe... Cela favorise forcément le populisme.