Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 30 mai 2018 à 10h00
Proposition de résolution relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Depuis plusieurs années, l'absentéisme est sanctionné de manière très sévère au Sénat, de manière plus sévère d'ailleurs qu'à l'Assemblée nationale. La sanction est entièrement automatique : quand un sénateur n'assiste pas à plus de la moitié des séances de questions d'actualité au Gouvernement ou à plus de la moitié des votes solennels, y compris les explications de vote, ou à plus de la moitié des réunions de commission du mercredi matin avec un ordre du jour législatif au cours d'un trimestre de la session ordinaire, un prélèvement est automatiquement opéré sur son indemnité de fonction au cours du trimestre suivant.

L'indemnité de fonction est une partie de l'indemnité parlementaire, la partie minoritaire. Si, au cours d'un trimestre, le parlementaire est absent à plus de la moitié des séances de questions d'actualité au Gouvernement, plus de la moitié des votes solennels et plus de la moitié des réunions de commission du mercredi matin avec un ordre du jour législatif, de façon cumulative, la retenue financière est égale à la totalité de l'indemnité de fonction et, jusqu'au 1er janvier dernier, un prélèvement automatique était également opéré sur l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). La nature de cette indemnité était hybride : d'un côté, l'instruction générale du Bureau rappelait que son usage devait être strictement consacré à la couverture des dépenses liées au mandat, dont les principales catégories étaient énoncées avec précision ; de l'autre, cette indemnité libre d'emploi était assujettie à des prélèvements sociaux, à l'instar de n'importe quel revenu de nos concitoyens. Ce caractère hybride, justifié par des dépenses de frais de mandat, mais traité par ailleurs, sur le plan des prélèvements sociaux, à certains égards comme un revenu, faisait qu'un prélèvement sur ce revenu pouvait être considéré comme une sanction, une sanction automatique.

Parallèlement, notre Règlement prévoit la possibilité de prononcer des sanctions disciplinaires en cas de manquement à la déontologie, sans que cela ait été explicité dans le détail. L'absentéisme était considéré comme une faute déontologique si bien que, en cas de manquement encore plus grave à nos obligations de présence, il n'était pas impossible que le Bureau décidât de sanctions disciplinaires : une procédure contradictoire permet alors à la personne de justifier les raisons du comportement réputé fautif et, éventuellement, de s'exonérer de sa responsabilité. Cela implique aussi que la sanction n'est pas automatique : elle suppose une décision motivée prise par le Bureau du Sénat, sur proposition du Président.

Le régime de la sanction automatique, incluant l'IRFM, a paru suffisant pour que le recours à la procédure disciplinaire ne soit pas envisagé comme le mode de régulation normal de la présence dans les différentes séances de travail.

Depuis la loi pour la confiance dans la vie politique, que le Parlement a adoptée l'an dernier, notamment pour réformer le régime de prise en charge des frais de mandat en supprimant l'IRFM au 1er janvier 2018 et en prévoyant la possibilité d'une avance de frais de mandat, le régime de la sanction de l'absentéisme ne vaut plus pour la partie concernant le prélèvement sur l'IRFM. Il faut donc inventer un nouveau dispositif pour que cette loi, qui crée pour les parlementaires des contraintes nouvelles, n'implique pas, paradoxalement, un relâchement des possibilités de sanction de l'absentéisme.

On aurait pu envisager un prélèvement automatique sur l'avance de frais de mandat, mais il est immédiatement apparu que cette hypothèse ne pouvait pas prospérer. À la différence de l'indemnité de frais de mandat, l'avance pour frais de mandat n'est en aucun cas assimilable à un revenu et ne peut pas faire l'objet de prélèvements sociaux. Le sénateur sanctionné ne bénéficierait plus alors du régime d'avance, mais il bénéficierait toujours du régime de remboursement de ses frais de mandat sur justificatifs, si bien que la sanction porterait sur les modalités de prise en charge des frais de mandat et ne serait pas en réalité une sanction pécuniaire.

Aussi, nous prévoyons le maintien du système de prélèvement automatique sur l'indemnité de fonction et l'engagement automatique d'une procédure disciplinaire quand l'absentéisme est plus élevé que celui qui justifie le prélèvement sur l'indemnité de fonction. Cette sanction disciplinaire, avec toutes les garanties que recouvrent la procédure contradictoire et la motivation de la décision, conduirait à opérer un prélèvement sur l'indemnité parlementaire elle-même. Ce prélèvement est déjà possible en cas de sanction disciplinaire, mais il n'était pas expressément inscrit dans le dispositif de lutte et de prévention de l'absentéisme. Ce prélèvement sur le revenu du parlementaire sera d'ailleurs potentiellement supérieur au prélèvement qui pouvait avoir lieu sur l'indemnité de frais de mandat.

Telle est l'économie générale du dispositif proposé. Après son examen par le Bureau et son dépôt, ce texte a fait l'objet d'un avis très circonstancié de la part du comité de déontologie parlementaire du Sénat, présidé par notre collègue François Pillet et composé d'un représentant de chaque groupe parlementaire. Cet avis, que j'ai tenu à adresser à tous les membres de la commission, comportait un certain nombre de propositions que j'ai reprises dans les amendements qui vous seront présentés ultérieurement.

La proposition de résolution intègre également des dispositions déontologiques qui étaient déjà prévues par l'instruction générale du Bureau, mais qui ne figuraient pas dans le règlement. La loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique exige que celles-ci soient désormais inscrites dans le règlement de notre assemblée.

Telles sont les observations préliminaires que je souhaitais formuler.

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