Mes chers collègues, nous accueillons le ministre d'État, ministre de l'intérieur, dans une maison qu'il connaît bien et qu'il aura à coeur de défendre lorsqu'il viendra nous présenter le projet de loi organique et le projet de loi dit « ordinaire », ce qui est un peu dévalorisant eu égard au sujet, de réforme des institutions.
Croyez bien que nous irons spontanément à votre rencontre quand il s'agira de veiller à la fois aux droits fondamentaux du Parlement, au bon fonctionnement du bicamérisme et à l'ancrage territorial des sénateurs et des députés.
Vous savez, pour avoir siégé longtemps dans notre maison, que le Sénat, représentant des territoires de la République, est particulièrement attaché à ce que le lien démocratique qui unit les représentants de la Nation à nos concitoyens dans les territoires soit fortifié et non distendu.
Toutefois, l'objet de l'audition d'aujourd'hui est autre, même si cela ne vous empêche pas de nous annoncer quelques avancées qui pourraient témoigner de cette main tendue que j'appelle de mes voeux sur la réforme des institutions. Nous sommes ici réunis pour discuter d'un projet de loi que vous avez élaboré et fait adopter en conseil des ministres, puis à l'Assemblée nationale, moyennant quelques amendements et une discussion qui n'a pas été de tout repos...
Le Sénat aborde ce texte avec un esprit constructif, qui ne nous empêchera pas d'être attentifs à un certain nombre de dispositions. Nous constatons des progrès dans les délais de traitement des demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), notamment en raison, de l'action du précédent gouvernement qui a considérablement augmenté les moyens de cet établissement.
Reste le problème de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) où 25 000 dossiers restent en instance. Vous avez certainement des propositions pour remédier à cette situation, étant entendu que, pour éloigner efficacement les déboutés du droit d'asile, qui ont tendance à demeurer sur le territoire national, il faut pouvoir traiter leur situation le plus tôt possible et éviter de trop longs délais administratifs.
Nous aurons également des questions en matière d'éloignement. Vous souhaitez allonger la durée de rétention. Si cela est réellement utile, nous ne nous y opposerons pas, mais vous aurez à nous le démontrer. Le Sénat, traditionnel protecteur des libertés publiques, ne peut consentir à des restrictions aux libertés individuelles que dans la mesure où ces restrictions sont effectivement nécessaires pour procéder à l'éloignement des personnes concernées.
En outre, nous nous interrogeons sur l'extension de la réunification familiale. Il ne faudrait pas que les dispositions qui permettent à un mineur étranger de faire venir ses parents s'étendent à la famille au sens large, à savoir les frères, les soeurs et, pourquoi pas, les cousins.
Nous aurons aussi beaucoup de questions sur la rétention des mineurs, dont la situation particulière a suscité de très vives préoccupations. Nous vous demanderons des données objectives permettant de connaître le nombre de mineurs demeurant en rétention au-delà d'une durée de quatre jours. Là encore, il nous faut prendre des dispositions pour protéger cette population particulièrement vulnérable sans entraver l'organisation de l'éloignement des étrangers et de leur famille en situation irrégulière.
Un autre sujet de préoccupation concerne les passeurs et le délit d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers sur le territoire national. Nous ne souhaitons pas affaiblir cette incrimination, car ce faisant nous risquerions de favoriser l'action des filières de passeurs. Il s'agit d'un instrument que les tribunaux utilisent à bon escient, sans excès. Nous nous montrerons vigilants sur cette question.
Nous vous interrogerons également sur l'accès à la nationalité française, notamment à partir de la proposition de loi de notre collègue Thani Mohamed Soihili que le président du Sénat a transmise pour avis au Conseil d'État.
Enfin, nous avons constaté que votre projet de loi ne comportait que peu d'éléments relatifs à l'intégration. Or, selon nous, une politique de fermeté à l'égard de l'immigration irrégulière doit avoir pour corollaire le renforcement des mesures d'intégration des étrangers en situation régulière sur le territoire national.