Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 6 juin 2018 à 14h30
Autorisation d'analyses génétiques sur personnes décédées — Vote sur l'ensemble

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, chers collègues, tout d’abord, je tiens à saluer l’idée défendue par Alain Milon à travers cette proposition de loi. Il s’agit là d’un objet concret et nécessaire, et il a fait œuvre utile en déposant le présent texte.

De même, je salue le travail accompli par notre rapporteur, Catherine Deroche : il a permis de réunir l’ensemble des membres de la commission en un vote favorable.

L’enjeu est simple, et il est établi par l’Agence de la biomédecine depuis plusieurs années : le cadre législatif en vigueur pour les analyses génétiques à but médical n’a été pensé que dans le cas où la personne analysée est l’unique bénéficiaire des résultats de cet examen et des démarches médicales qui peuvent en découler. Est ainsi exclu le cas où la pathologie n’est pas détectée du vivant de la personne.

Dès lors, des familles subissant un décès en leur sein sont privées d’informations d’ordre génétique qui permettraient non seulement d’apporter des éléments complémentaires quant à la cause du décès, mais aussi et surtout d’engager des démarches de surveillance et de prévention auprès de proches potentiellement porteurs du gène en question.

Nous nous souvenons tous ici des débats relatifs aux analyses génétiques, qui avaient animé les deux chambres du Parlement en 2004, lors de la révision des lois de bioéthique.

Ces discussions avaient été profondément marquées par l’émoi suscité par l’affaire Yves Montand, et elles avaient conduit à ce que l’alinéa de l’article 16-10 du code civil relatif aux affaires de filiation protège de l’exhumation toute personne n’ayant pas expressément consenti à des analyses génétiques de son vivant.

La société tout entière avait ainsi pris acte du fait que, dans les affaires de filiation, « la génétique devait s’arrêter à la porte des cimetières », selon l’expression alors employée par Jean-François Mattei.

Toutefois, force est de constater que, si la proposition de loi soumise aujourd’hui à notre vote a bien trait à la génétique et au respect de la personne défunte, en aucun cas elle ne remet en cause les grands principes posés par nos lois de bioéthique.

Tout d’abord, l’autorisation d’analyses génétiques post mortem n’est possible qu’à des fins de santé publique : est ainsi protégé le cadre que j’évoquais précédemment en matière de filiation.

À cet égard, le présent texte ajoute dans la loi le cas où l’intérêt direct des analyses pour la santé n’est plus seulement celui de la personne analysée, puisqu’en l’occurrence elle est décédée, mais bien l’intérêt de ses ascendants, descendants et collatéraux.

Par ailleurs, la volonté du défunt est entièrement respectée, puisque la personne reste libre d’exprimer son refus de son vivant.

Madame la rapporteur, je salue également votre choix de n’autoriser ces examens qu’à partir d’éléments du corps prélevés préalablement au décès ou dans le cadre d’une autopsie réalisée immédiatement après celui-ci. Votre décision présente le double avantage de couvrir la grande majorité, et même la quasi-totalité des situations, tout en évitant des dérives potentielles. §L’intégrité du corps du défunt est bien respectée.

Pour ce qui concerne les personnes de la famille qui peuvent demander que l’on procède à ces analyses, je tiens à rappeler un point de vigilance quant aux termes, utilisés dans la proposition de loi, de « membres de la famille potentiellement concernés ».

À mes yeux, cette rédaction ne respecte pas nécessairement les critères de rigueur scientifique et de précision juridique. Il m’aurait semblé plus prudent de préciser qu’il s’agit des membres potentiellement concernés sur le plan génétique, c’est-à-dire envers qui des démarches médicales peuvent être engagées.

Toutefois, madame la rapporteur, je sais que vous avez entendu et pris en compte ces inquiétudes, et je vous en remercie.

Je conclus par un aspect très important de ce texte : l’information des personnes potentiellement concernées sur le plan médical.

Vous avez pris grand soin, d’une part, de préciser davantage encore les modalités de transmission de ces informations, qui peuvent être extrêmement lourdes de conséquences, notamment sur le plan psychologique, et, d’autre part, de consacrer le respect au droit à la non-information dont disposent les apparentés du défunt : on peut vouloir ne pas savoir si l’on est porteur d’anomalies génétiques ayant des conséquences sur la santé.

Mes chers collègues, ce texte répond à une forte demande de la part des professionnels concernés et des familles, et il s’inscrit dans la continuité des progrès techniques accomplis dans le domaine de la génétique à but médical.

En outre, pour les raisons que j’ai précédemment évoquées, il corrige ce qui, à mon sens, s’apparente davantage à un impensé de la part du législateur qu’à un souhait délibéré, pour des situations qui se présentent de manière très ponctuelle. Il comble une lacune sans toucher en rien l’édifice forgé par nos lois de bioéthique.

Madame la ministre, je vous donne acte de la cohérence de votre position : vous souhaitez joindre l’étude de ce texte à la révision des lois de bioéthique. Mais je relève que ce travail s’achèvera dans un délai relativement long, a priori en 2019. Or, nous l’avons vu, la modification dont il s’agit ne touche pas aux principes de nos lois de bioéthique et, disons-le clairement dans cette enceinte, elle porte sur des examens qui sont parfois déjà pratiqués sans filet par les professionnels concernés. Il est donc souhaitable de remédier au plus vite à cette situation, qui n’est ni positive ni heureuse pour qui que ce soit !

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