Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi de nos collègues de Legge et Mouiller fait œuvre de justice et de bon sens. Elle répond à une demande des associations d’anciens combattants et répare une inégalité persistante entre militaires français, selon qu’ils ont été engagés en Algérie avant ou après le 2 juillet 1962.
Comme cela a été rappelé, 50 000 d’entre eux étaient encore présents sur le territoire algérien en 1964 et 535 ont perdu la vie après l’accès de l’Algérie à l’indépendance. Ce chiffre n’est pas anecdotique, il équivaut presque au nombre de soldats français morts pour la France de 1964 à nos jours.
Le devoir de reconnaissance que nous devons aux militaires français engagés après les accords d’Évian fait consensus au Parlement depuis longtemps. Les désaccords entre certaines associations ont été levés, et le monde combattant est maintenant unanime. Pourtant, les gouvernements successifs ont refusé d’accéder à leurs demandes. Pourquoi ?
Premièrement, on avance des raisons budgétaires. Cet argument est faible dans l’absolu, lorsque l’on parle d’hommes qui ont risqué leur vie pour la France, mais il est en outre de moins en moins pertinent à mesure que la population concernée diminue. Cette mesure coûterait 37, 5 millions d’euros au titre de la retraite du combattant et entraînerait une dépense fiscale que l’on peut évaluer à 30 millions d’euros au titre de la demi-part fiscale, soit une dépense totale de 70 millions d’euros.
Reconnaissons que, face aux dépenses abyssales, passées ou à venir, engagées par l’État pour gommer des fautes de gestion – je pense à AREVA, mais aussi à la reprise de la dette de la SNCF, dont nous avons discuté récemment – cette somme est dérisoire. N’est-ce pas, monsieur le secrétaire d’État ? §Elle l’est encore plus au regard des sacrifices consentis par nos soldats. Elle est enfin appelée à diminuer avec le temps, les combattants de la fin des années cinquante ayant aujourd’hui plus de quatre-vingts ans, le nombre de décès parmi eux ne cesse malheureusement de croître.
Deuxièmement, on avance un argument diplomatique : cette mesure nous brouillerait avec l’Algérie. À mon sens, elle aurait précisément un effet contraire et permettrait de tourner la page de ce conflit en nous conduisant à assumer les opérations qui ont eu lieu après les accords d’Évian, non pour remettre ces derniers en question, mais pour les consolider et permettre une transition pacifique.
Le Président de la République a eu des mots justes lors de sa visite en Algérie en décembre dernier : il ne faut rien renier du passé, n’avoir aucun tabou, mais regarder vers l’avenir d’une relation assainie et refondée.
Cette proposition de loi permet de reconnaître symboliquement une dimension de notre passé commun, qui doit enfin être assumée pour être dépassée.
Les oppositions sont donc aujourd’hui levées. Nous sommes entrés dans l’ère du consensus. Nous sommes heureux de constater que ce consensus est désormais partagé par le Gouvernement.
Le Gouvernement s’était d’ailleurs engagé, lors des discussions autour du projet de loi de finances pour 2018, à mener un travail sur le sujet et, notamment, à évaluer le coût d’une telle mesure. Il a tenu parole. Le Gouvernement souhaite désormais inscrire cette disposition dans le prochain projet de loi de finances. Ce choix courageux était attendu depuis plusieurs années. Notre groupe salue donc le respect de la parole donnée et la volonté d’avancer avec toutes les parties prenantes : parlementaires, associations et anciens combattants.
Cette proposition de loi n’en est que plus importante. Elle constitue une étape bienvenue sur la route de la reconnaissance de nos anciens combattants, qui révèle une fois de plus l’engagement continu des parlementaires, en particulier des sénateurs, sur ce sujet. Notre groupe votera donc ce texte à l’unanimité, en attendant d’obtenir pleinement satisfaction dans le prochain projet de loi de finances.