Intervention de Laurent Duplomb

Réunion du 6 juin 2018 à 14h30
Préservation d'une politique agricole commune forte — Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission modifié

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution européenne revêt un caractère extrêmement important, puisque, entre les défis actuels et futurs pour notre agriculture et les annonces de la Commission européenne, un fossé abyssal est en train de se creuser.

Si nous partons du postulat, fort probable, que la population mondiale atteindra 9 milliards d’habitants en 2050, la sécurité alimentaire est une problématique cruciale.

Peu de pays au monde ont la chance d’avoir un climat tempéré et permettant une production agricole sereine. La France a cette chance, doublée par le fabuleux avantage de la multiplicité de ses territoires, qui contribue à offrir un panel de produits exceptionnels.

L’agriculture a aussi le fabuleux pouvoir de façonner les paysages partout dans le pays, faisant l’ébahissement de millions de touristes.

Cela a été jusqu’à présent possible, car nous avons toujours favorisé le maintien d’une agriculture familiale, répartie dans toutes les régions de France. C’est aussi le fruit d’une politique sachant corriger les écarts : la compensation des handicaps naturels, à travers notamment l’ICHN, a été un des éléments les plus aboutis d’une prise en compte des différences de productivité entre la plaine et la montagne.

Tous ces éléments devraient nous permettre de croire à un avenir meilleur pour l’agriculture française : elle aurait un rôle central dans le défi de nourrir le monde et éviterait que des millions de personnes soient réduites à quitter leur pays et à migrer à la recherche hypothétique d’une vie meilleure.

Eh bien non, monsieur le ministre, rien de ce que l’on entend ou lit aujourd’hui des communiqués de la Commission européenne ne nous permet de croire à un avenir meilleur pour nos agriculteurs ! En effet, l’annonce de la diminution de 5 % du budget de la PAC nous fait froid dans le dos, d’autant plus que ce chiffre cache une réalité encore plus sombre : une baisse réelle de 14, 7 % sur le premier pilier et de 26, 3 % sur le second. Vendredi dernier, la Commission européenne a même annoncé le passage des cofinancements obligatoires des États membres pour le second pilier de 25 % à 57 %, ce qui engendrera une dépense supplémentaire pour l’État français de l’ordre de 1, 2 milliard d’euros.

Tout cela est critiquable à souhait. Aussi, je m’interroge : pourquoi, malgré l’évidence de l’impérieuse nécessité d’avoir une agriculture forte, en sommes-nous arrivés là ?

En cherchant bien, je trouve des éléments de réponse, dont le premier se trouve dans le discours prononcé par Emmanuel Macron à la Sorbonne, le 26 septembre dernier. Le Président de la République a insisté pour ouvrir un débat décomplexé sur la PAC, en en critiquant d’ailleurs les contours, tout en proposant de nouvelles politiques européennes, comme la défense ou l’immigration.

Comment n’avoir pas compris que, dans une Europe déchirée par le Brexit, avec la situation instable de pays comme l’Italie ou l’Espagne et des pays de l’Est qui ne voient dans la PAC qu’une source de financement social de leurs populations rurales, le risque d’ouvrir la boîte de Pandore était réel ? Et que le résultat de ces annonces ne pouvait que faire baisser le premier budget européen que constitue la PAC ?

Comment ne pas comprendre, quand on est Président de la République française, que, lorsqu’on demande de faire plus à l’Europe, alors que, dans le même temps, nous ne le pouvons pas, asphyxiés que nous sommes par nos dépenses publiques et notre dette, cela ne peut qu’accélérer une diminution du budget de la PAC ?

De plus, dans ce même discours, Emmanuel Macron a proposé plus de subsidiarité des États membres dans l’application des modalités de la PAC. Cela me fait craindre le pire et m’amène à ma deuxième réponse.

Depuis des années, le problème des ministres de l’agriculture français, aujourd’hui le vôtre, monsieur le ministre, est simple : ils ne savent pas quoi défendre au niveau européen, …

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