L'objet de cette proposition de loi est simple : il s'agit d'étendre l'usage des caméras mobiles à deux catégories d'agents publics, les sapeurs-pompiers et les surveillants pénitentiaires.
Avant d'aborder plus précisément le contenu de la proposition de loi, je souhaiterais au préalable vous faire un bref rappel sur la mise oeuvre de ces caméras mobiles, plus communément appelées « caméras-piétons ».
Les caméras mobiles ont été initialement mises en oeuvre, à compter de 2013 et uniquement à titre expérimental, au bénéfice des agents de la police nationale, afin de répondre à un besoin de sécurisation de leurs interventions, tant pour les agents eux-mêmes que pour la population.
L'objectif était double. D'une part, en autorisant les forces de l'ordre à enregistrer leurs interventions, il s'agissait de mieux les protéger contre les accusations parfois excessives dont elles font l'objet. L'idée était qu'en cas de contentieux ou de contestation des conditions dans lesquelles s'est déroulée une intervention, les enregistrements vidéo puissent constituer des éléments de preuve objectifs, susceptibles d'être utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire. D'autre part, face à la dégradation des relations entre les forces de l'ordre et une partie de la population, l'usage de l'enregistrement audiovisuel est apparu comme un moyen d'apaiser les tensions, en incitant les agents et les citoyens à une plus grande modération.
Dans les faits, le recours aux caméras mobiles a démontré toute son utilité. L'effet modérateur sur le terrain a effectivement été ressenti. Le simple port d'une caméra par les agents a bien eu un effet dissuasif et permis d'apaiser certaines situations tendues ou tendant à se dégrader.
Face à ce bilan positif, le législateur a décidé, en 2016, de pérenniser l'usage des caméras mobiles pour la police nationale et la gendarmerie nationale et a créé, la même année, deux expérimentations pour étendre leur utilisation à d'autres catégories d'agents : les agents de la police municipale et les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.
Dans la mesure où les caméras-piétons étaient certes efficaces, mais également potentiellement attentatoires au droit au respect de la vie privée, le législateur s'est attaché à encadrer les conditions de leur mise en oeuvre.
Plusieurs garanties ont donc été inscrites dans la loi. En premier lieu, le périmètre du recours aux caméras est strictement défini : l'enregistrement n'est jamais permanent et ne peut être déclenché par l'agent que lorsqu'un incident se produit ou est susceptible de se produire, en raison des circonstances ou du comportement de la personne concernée. Tout déclenchement de la caméra doit par ailleurs faire l'objet d'une information préalable de la personne filmée.
En second lieu, les conditions d'accès aux enregistrements et les modalités de conservation de ces enregistrements sont strictes. Les enregistrements ne sont jamais accessibles aux agents eux-mêmes : ils ne peuvent donc ni les visionner, ni les modifier, ni les effacer. Seul un nombre limité de personnes, généralement les responsables hiérarchiques, peuvent y accéder. En outre, la durée maximale de conservation des images est fixée à six mois.
La proposition de loi étend l'usage des caméras mobiles à d'autres catégories d'agents de sécurité, dont les conditions d'intervention se dégradent chaque jour.
Son article 1er étend, à titre expérimental, l'usage des caméras mobiles aux sapeurs-pompiers qui sont, il est vrai, confrontés à une agressivité croissante dans l'exercice de leurs missions. Les chiffres le démontrent : en 2016, 2 280 sapeurs-pompiers ont déclaré avoir été victimes d'une agression au cours d'une intervention, soit une progression de près de 20 % par rapport à l'année précédente. Ce chiffre particulièrement inquiétant conduit les sapeurs-pompiers à revendiquer, de manière tout à fait légitime, un renforcement de leur protection. Sur le plan juridique, les conditions de mise en oeuvre de cette expérimentation seraient identiques à celles des policiers et gendarmes.
L'article 2 de la proposition de loi vise, quant à lui, à étendre l'usage des caméras mobiles aux surveillants de l'administration pénitentiaire. Confrontés à une population carcérale de plus en plus nombreuse et de plus en plus violente, les surveillants de l'administration pénitentiaire, victimes d'agressions trop régulières, sont eux-aussi en quête d'une meilleure sécurisation de leurs interventions.
Dans ce cas, le champ d'utilisation des caméras serait toutefois limité : le recours aux caméras ne serait réservé qu'aux opérations d'extraction judiciaire et de transfèrement administratif, qui sont les seules missions au cours desquelles les agents de l'administration pénitentiaire ne disposent pas de vidéosurveillance.
Contrairement à ce qui est envisagé pour les sapeurs-pompiers, les auteurs de la proposition de loi proposent de rendre le dispositif immédiatement pérenne. Les conditions de mise en oeuvre et les garanties prévues sont alignées sur celles qui sont prévues pour les autres catégories d'agents publics.
Sur le principe, les objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de loi me paraissent légitimes. Nos agents publics ne sauraient continuer à faire l'objet d'agressions répétées, simplement parce qu'ils incarnent l'autorité publique. C'est pourquoi je vous proposerai de valider l'extension de l'usage des caméras mobiles qui est proposée.
Plusieurs modifications me paraissent toutefois nécessaires, d'une part, pour assurer la proportionnalité des dispositifs proposés, d'autre part, pour les adapter aux besoins du terrain.
S'agissant des sapeurs-pompiers, l'extension de l'usage des caméras mobiles n'est pas neutre : pour la première fois, nous l'étendrions à des agents qui ne remplissent pas une mission de sécurité publique. Il m'est donc apparu nécessaire de prévoir des garanties supplémentaires pour assurer la proportionnalité du dispositif, garanties que je vous présenterai plus en détail lors de l'examen de mes amendements.
En ce qui concerne les surveillants pénitentiaires, je souhaite vous proposer d'étendre l'usage des caméras mobiles au-delà de ce que prévoit la proposition de loi. Bien entendu, il ne s'agirait pas d'étendre leur usage à tous les surveillants ni à toutes les missions qu'ils remplissent. Il semble néanmoins que l'usage des caméras mobiles puisse se révéler utile dans le cadre de missions qui présentent un risque particulier d'incident ou d'évasion, soit en raison de leur nature - je pense aux missions des équipes régionales d'intervention et de sécurité qui interviennent en cas de crise -, soit en raison du niveau de dangerosité des détenus concernés - je pense notamment aux détenus violents ou radicalisés.
Il m'a été rapporté que l'administration pénitentiaire avait déjà recours à des caméras mobiles, mais sans aucun cadre légal. L'extension que je vous propose aurait donc, à tout le moins, le mérite de donner un cadre à ces pratiques. En contrepartie de cette extension du champ de l'article 2, je vous proposerai de rendre le dispositif expérimental pour une durée de trois ans.
Enfin, il m'est apparu nécessaire de profiter de l'occasion qui nous est donnée d'examiner cette proposition de loi pour pérenniser l'usage des caméras mobiles pour les polices municipales. L'expérimentation qui avait été prévue par le législateur a pris fin le 3 juin 2018. Nous nous trouvons donc aujourd'hui dans une situation de vide juridique, qui fragilise l'usage de ces caméras par les communes.
Le Gouvernement, avec un retard que l'on ne peut que déplorer, nous a transmis un rapport d'évaluation, qui dresse un bilan positif de l'expérimentation. Au total, 344 communes ont demandé à pouvoir se doter de ces caméras, et 2 106 caméras ont été déployées. Le caractère dissuasif du port des caméras a, comme pour les autres forces de l'ordre, été salué par la plupart des communes concernées.
Compte tenu de ce bilan, je vous soumettrai un amendement qui pérennise le dispositif. Plusieurs d'entre vous ont d'ailleurs déposé des amendements en ce sens et devraient donc obtenir satisfaction.