Monsieur le président, je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission, afin de débattre de cette proposition de loi. J'ai quelques années de vie publique derrière moi et, tout comme vous, j'observe à quel point les mentalités et l'état d'esprit ont évolué.
Dans les années 1980, je me souviens que lorsque nous évoquions les problèmes des quartiers difficiles, de l'économie souterraine, des zones de non-droit, nous étions traités de « sécuritaires » ! Que d'inepties entendues alors !
Pourtant, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en son article 2, reconnaît le droit à la sûreté. L'article 12 de cette même Déclaration proclame même que « la garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique ». La sécurité n'est donc pas une nouveauté du XXIe siècle !
Toutefois, la nature de l'insécurité change. Ce ne sont plus simplement les citoyens qui sont victimes, mais les forces de sécurité, cette force publique qui peut être non seulement agressée physiquement, mais également accusée sur le plan juridique d'insulter, de porter des coups, voire de commettre des viols lors de contrôles de police ordinaires. Les plaintes contre les autorités se multiplient aujourd'hui. La police, protectrice, doit se protéger.
À cet effet, des dispositifs de vidéosurveillance - on parle de vidéoprotection aujourd'hui - ont été installés dans de nombreuses villes, avec les résultats que l'on connaît. Des caméras mobiles équipent les uniformes des autorités de sécurité, afin de témoigner des conditions d'une interpellation, d'une arrestation au cours d'un contrôle opéré par les forces de l'ordre.
Nous pouvons regretter, une fois de plus, que la technologie doive se substituer à la parole, à la confiance et au bon sens des hommes et des femmes. Toutefois, le progrès technologique a aussi cet avantage d'apporter des indices et des éléments de preuve pour condamner ou non un comportement répréhensible de part et d'autre. Ce progrès est irréversible, mais a deux faces : il est à la fois le bien et le mal, tel Janus ! Pour autant, nous tenons compte des impératifs fixés par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Quel est donc l'intérêt de recourir à ce dispositif de caméras mobiles ? Depuis 2012, ces caméras sont utilisées par les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale dans certaines zones de sécurité publique, afin de garantir les conditions légales de leurs interventions.
La loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, modifiée par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, a également créé un régime spécifique pour l'enregistrement audiovisuel des interventions des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.
Enfin, la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, complétée par un décret d'application du 23 décembre 2016, a prévu un dispositif d'expérimentation pour les agents de police municipale dans le cadre de leurs interventions. L'expérimentation, d'une durée de deux ans, s'est déroulée du 3 juin 2016 au 3 juin 2018.
Je suis heureux de constater que cette proposition de loi permettra, par la voie d'un amendement, de pérenniser l'utilisation des caméras mobiles par les polices municipales. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour saluer tous les collègues, dont le rapporteur, qui vont nourrir les discussions et soutenir ce texte.
Nous avons observé que le dispositif des caméras-piétons, qui a des avantages et, sans doute, quelques défauts, ne profitait pas à certaines autorités de sécurité, telles que les sapeurs-pompiers, qui ne sont pas toujours considérés comme une autorité de sécurité publique, et les personnels pénitentiaires.
La genèse de cette proposition de loi est simple. Plusieurs maires du département du Nord souhaitaient équiper les pompiers de caméras mobiles. Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) a même interpellé l'ensemble des parlementaires du Nord pour appeler leur attention sur le problème. Ces maires ne se sont pas vraiment heurtés à un vide juridique, mais plutôt à un flou juridique, qui les a dissuadés de se lancer dans l'expérience.
Cette proposition de loi vise à lever les doutes, à clarifier cette zone d'ombre, en étendant l'utilisation de ces caméras à de nouvelles catégories. Il ne s'agit pas seulement de répondre à un certain retentissement médiatique, notamment celui qui a suivi la violente agression de pompiers en décembre 2017 à Wattrelos ; il s'agit avant tout d'autoriser ces sapeurs-pompiers à bénéficier d'un dispositif dont les policiers municipaux profitent déjà.
C'est la raison pour laquelle l'amendement déposé par la commission à l'article 1er semble opportun. Il tend à préciser la nature des interventions des sapeurs-pompiers au cours desquelles ceux-ci pourraient recourir aux caméras. Il vise donc à préciser que l'on peut recourir au dispositif lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident de nature à mettre en péril l'intégrité physique de pompiers. Serait également exclue l'utilisation des caméras-piétons pour des interventions de nature médicale.
Il en est de même pour les personnels pénitentiaires, qui pourraient disposer d'un régime spécifique d'utilisation de ces caméras. L'amendement de la commission à l'article 2 contribue également à préciser ce régime.
Déjà, les expérimentations conduites ont fait l'objet de premières observations, notamment dans les communes de Lille et de Quiévrechain dans le Valenciennois. A priori, le système est dissuasif dans la plupart des circonstances, même s'il est préférable de laisser ces expériences s'achever, avant de prendre connaissance de leur bilan et, éventuellement, de réajuster le cadre juridique.
Le dispositif des caméras mobiles n'est certes pas la solution miracle - nous en avons tous conscience -, mais il permet de protéger à la fois les représentants des forces de l'ordre et les personnes qui auraient pu être abusées. Il faut se réjouir de l'équilibre entre liberté et sécurité que ce texte contribue à préserver.