Intervention de Mathieu Darnaud

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 6 juin 2018 à 8h40
Proposition de loi relative à l'équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud, rapporteur :

La philosophie et l'objectif central de la proposition de loi sont simples : que l'on ait ou non été favorable aux récentes réformes territoriales, loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite NOTRe en tête, chacun peut convenir de la nécessité d'opérer certains ajustements. Les conclusions qui ressortent des travaux de la mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des lois de réforme territoriale installée par notre commission sont formelles : certaines dispositions posent encore des difficultés de mise en oeuvre, notamment en matière de gestion de l'eau et de l'assainissement ou de fonctionnement des intercommunalités. L'objectif du présent texte n'est nullement de détricoter les réformes antérieures, mais de mettre en place des mécanismes plus souples d'application.

Les rapports entre les communes et leurs groupements font l'objet d'une série de dispositions visant à lever les situations de blocage et les complexités observées sur le territoire par la mission de contrôle et de suivi. Si les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) ont permis l'installation de nouveaux EPCI, le cas des EPCI dits « XXL » demeure complexe. Comme cela a été rappelé à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, certaines intercommunalités disposent d'un territoire extrêmement étendu. Des communautés d'agglomération ont été créées en pleine campagne, alors que ce statut avait été conçu pour favoriser le développement intégré d'une ville et de ses abords immédiats. Nous avions d'ailleurs dénoncé, dans notre rapport d'information Laisser respirer les territoires remis en mars 2017, l'effet d'entraînement qui conduit les groupements de communes, afin de bénéficier de mesures financières incitatives, à sans cesse viser la strate administrative supérieure. Il nous faut redonner de la souplesse au dispositif, sans remettre en cause les périmètres intercommunaux existants.

Dans le cadre de la conférence nationale des territoires, qui s'est tenue au Sénat le 17 juillet dernier, le Président de la République a fait état de son soutien au voeu sénatorial de création d'une agence nationale de la cohésion des territoires. La proposition de loi, dans le souci d'assurer l'efficacité de ce nouvel outil, en précise les missions et le fonctionnement : c'est là son deuxième objectif.

Le titre Ier de la proposition de la loi relatif à l'Agence nationale de la cohésion des territoires a été délégué au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, dont je laisserai le rapporteur, notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ, nous présenter les articles, ainsi que les amendements afférents.

Le titre II a pour objet de démocratiser l'action publique locale et d'en renforcer l'efficacité ; son chapitre Ier concerne le bloc communal. L'article 8 porte sur les règles de représentation des communes nouvelles au sein des EPCI. Sans remettre en cause les compétences relevant des EPCI, l'article 9 vise à faciliter leur exercice territorialisé grâce à la création de pôles territoriaux. Il ne reprend pas le dispositif initialement envisagé par une proposition de loi portant sur le même sujet, mais le texte adopté par notre commission le 15 février 2017 sur le rapport de notre ancienne collègue Jacqueline Gourault. Le mécanisme proposé est facultatif et d'une grande souplesse : les commissions formées par les conseillers municipaux élus sur le territoire des pôles seraient simplement consultées sur les modalités d'exercice de l'EPCI comme sur tout sujet d'intérêt du pôle. L'article 10 autorise un groupe de communes contiguës, membres d'un EPCI à fiscalité propre, à s'en retirer pour constituer un nouvel établissement, à condition de respecter les seuils de population fixés par la loi. Au cours des déplacements réalisés par la mission de contrôle et de suivi, il est apparu, aux dires même des préfets, que certains ajustements étaient nécessaires : les intercommunalités ne peuvent se réduire au plus petit dénominateur commun. L'article 11, enfin, supprime la révision sexennale des schémas départementaux de coopération intercommunale, qui interdit de procéder en temps utile à des modifications de périmètre.

Le chapitre II porte sur les départements. Son article 12 élargit les possibilités offertes à ces derniers de contribuer aux opérations d'investissement en faveur des entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population, en cas de défaillance de l'initiative privée. L'article 13 élargit les conditions de recours à l'ingénierie des départements. Le considérant comme satisfait, je vous en proposerai la suppression. L'article 14 rétablit la possibilité, pour les départements, de détenir des participations dans les sociétés publiques locales et les sociétés d'économie mixte dans le seul domaine de l'aménagement. Je pense particulièrement ici au secteur des transports et, notamment, à l'aéroport d'Aurillac. L'article 15, consensuel certainement, prévoit que les aides accordées par le département en matière agricole, bien que toujours subordonnées à une convention avec la région, ne viennent plus obligatoirement en complément d'aides régionales. Je précise à cet égard que l'association Régions de France est favorable à cette disposition. Enfin, l'article 16 crée un schéma départemental de la solidarité territoriale, dépourvu de valeur contraignante, permettant au département de disposer d'une vision d'ensemble de ses interventions au titre de la solidarité territoriale et d'assurer leur programmation sur la durée d'un mandat.

Le chapitre III traite de la décentralisation des politiques de développement économique, d'emploi et de formation au bénéfice de la région. L'article 17, en cohérence avec la position adoptée par le Sénat lors de l'examen de la loi NOTRe, consolide les compétences des régions en matière d'emploi, de formation professionnelle et d'apprentissage et, dans le même esprit, l'article 18 renforce leur implication en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Le chapitre IV s'attache à améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux. Des travaux sont en cours dans le cadre de la conférence nationale des territoires comme au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales s'agissant du statut de l'élu local. Les articles 19 et 20, afin de marquer la volonté du Sénat d'avancer sur ce dossier, proposent d'ores et déjà des solutions aux préoccupations des élus, qu'il s'agisse de la conciliation de leur mission avec leur vie familiale ou des risques juridiques qu'ils encourent.

Le chapitre V de la proposition de loi comporte enfin diverses dispositions visant à améliorer le fonctionnement des collectivités : l'article 21 assouplit les conditions de la délégation de compétences d'une collectivité à une autre ; l'article 22 reprend le contenu d'une proposition de loi déposée par notre collègue Bruno Sido et adoptée par le Sénat le 6 décembre 2016 autorisant la subdélégation de la gestion des transports scolaires, par les départements, à des autorités organisatrices locales ; l'article 23, reprenant un souhait constant des maires, impose à l'État de notifier annuellement aux collectivités territoriales le montant de leur attribution au titre de la dotation générale de fonctionnement (DGF) avant le 1er mars ; l'article 24, enfin, afin de compenser le désengagement de l'État, autorise les communes et les EPCI compétents en matière d'urbanisme à percevoir un droit de timbre pour l'enregistrement des demandes d'autorisation et déclarations préalables.

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