Le shadow banking ne rime pas avec finance dérégulée. Le shadow banking correspond au financement par endettement des entreprises auprès d'acteurs autres que les banques. En France il s'agit pour l'essentiel d'OPCVM et des fonds alternatifs, qui sont en progression. Comme les OPCVM sont des fonds ouverts, ils sont soumis à des règles spécifiques de partage des risques pour permettre leur fermeture ou instaurer des gates, qui ont pour fonction de limiter les demandes de remboursement, afin d'éviter la propagation des crises due à la panique et à l'effet boule de neige. Le shadow banking appelle de fait une attention permanente car l'ouverture des fonds rend possible des mouvements brusques et rapides de l'épargne. Cela exige un suivi coordonné au niveau mondial : c'est la mission du Financial Stability Board (FSB) et de l'International Organization of Securities Commissions (IOSCO). La Chine a d'ailleurs rejoint les pays qui contribuent à l'alimentation des donnés sur le shadow banking. Les marchés financiers sont par nature risqués et peuvent être victimes de chocs divers, y compris d'origine exogène, à l'image des mesures protectionnistes. Des mesures ont été prises pour endiguer la propagation des chocs. Il est vrai que le volume des liquidités a considérablement augmenté. La Banque centrale européenne a ainsi injecté 2 000 milliards d'euros au titre du quantitative easing. En permanence, nous cherchons à détecter les bulles ou les surévaluations des différents actifs, comme l'immobilier, ou encore les actions, par exemple, qui atteignent actuellement aux États-Unis des niveaux sans précédent. Nous disposons d'outils macroprudentiels et le Haut Conseil de stabilité financière, où je siège en tant que président de l'AMF, étudie chaque trimestre la possibilité d'activer ces outils pour limiter les risques pour le système financier : ainsi nous avons pris des mesures pour limiter l'exposition des banques auprès des grandes entreprises trop endettées. L'endettement des acteurs publics et privés est en effet élevé.
Nous déployons tous les efforts pour assurer l'attractivité de la place de Paris. Il ne faut pas surestimer le rôle du superviseur : il peut agir soit en choisissant de faciliter de manière excessive les implantations, soit en renvoyant l'image d'une expertise et d'une compétence propres à rassurer les maisons-mères. La France mise là-dessus et sur sa capacité à dialoguer avec les autorités américaines ou britanniques. Je crois fondamentalement que dans le cadre de l'Europe à 27, la finance sera multipolaire, répartie entre des places diverses, chacune avec ses avantages et ses faiblesses : Francfort, Paris, Dublin, Amsterdam, le Luxembourg, etc. Paris a beaucoup d'atouts. Je ne pense pas que notre approche réglementaire soit excessive au point de constituer un handicap. Le Luxembourg a des avantages compétitifs forts : l'usage de l'anglais, une approche anglo-saxonne du droit, un secteur de la gestion d'actifs très développé, qui a conduit d'ailleurs les autorités luxembourgeoises à se montrer de plus en plus exigeantes... La création d'une autorité européenne forte nous semble être la seule solution. L'ESMA peut émettre des opinions sur les questions de délégations et d'externalisations, mais elles ne sont pas contraignantes. Cela ne va pas ! Il n'est pas normal que des produits puissent entrer sur le marché européen en obtenant le passeport européen dans un pays où les règles du jeu ne sont pas les mêmes. En cas de blocage, l'art de la négociation consiste à rechercher des compromis - encore faut-il qu'ils ne vident pas le projet de sa substance. Nous en recherchons. La notion de délégation a été un point de blocage, notamment auprès des Luxembourgeois ou des Irlandais, tandis que les Britanniques nous accusent de vouloir capter leurs entreprises. L'enjeu est simplement d'harmoniser les règles. Nous avons fait des propositions. La négociation se poursuit.
Quelle est l'attractivité de la bourse ? Nous avons observé en 2017 un petit frémissement du nombre des introductions en bourse. La dynamique semble se confirmer en 2018 mais le mouvement n'est pas massif. Les entreprises de taille moyenne qui veulent renforcer leurs fonds propres pour se développer ont le choix entre le recours à des fonds de private equity c'est-à-dire du capital-investissement ou l'introduction en bourse. On a besoin des deux. À terme le private equity aboutira à une entrée en bourse lorsque l'investisseur voudra se désengager. À court terme, l'entreprise doit pouvoir choisir la solution la plus avantageuse.
Monsieur Laménie, nous utilisons toutes les possibilités offertes par l'intelligence artificielle pour analyser les informations à notre disposition, ainsi que les moyens de communication modernes pour informer et sensibiliser le plus de personnes aux risques. Nous menons ainsi des campagnes par Internet. Nous avons noué avec la Banque de France un partenariat. En lien avec ses équipes locales, nous pouvons ainsi contrôler régulièrement les conseillers en investissement financier.