Intervention de Claude Nougein

Réunion du 7 juin 2018 à 15h00
Modernisation de la transmission d'entreprise — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Claude NougeinClaude Nougein :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, chaque année, 30 000 entreprises cessent leur activité, faute de repreneur. Avec elles disparaissent des emplois en plus grand nombre encore. J’en ai malheureusement été trop souvent le témoin dans mon département, la Corrèze.

Une entreprise que l’on n’arrive pas à transmettre, c’est un vivier d’emplois qui disparaît, et cela peut porter un coup fatal à un territoire, surtout en zone rurale.

En France, nous constatons que la transmission familiale ne concerne que 14 % des cessions de PME et d’entreprises de taille intermédiaire, ou ETI. C’est l’un des plus faibles taux d’Europe !

Cette situation suscite des interrogations. Le plus préoccupant, c’est qu’elle se traduit fréquemment par un rachat prématuré par un grand groupe, souvent étranger d’ailleurs. Elle quitte alors très souvent le territoire au bout d’une dizaine d’années.

La fermeture de l’entreprise n’est pas la seule conséquence : le déplacement d’un siège social a des répercussions sur tous les services périphériques, qu’ils soient administratifs ou assurés par des professions libérales.

C’est donc un sujet majeur dont nous traitons aujourd’hui : l’avenir de notre économie et le maintien de nos entreprises dans des mains françaises. Dans cette perspective, il faut soutenir les entreprises familiales afin qu’elles puissent être au niveau de leurs homologues européennes.

Selon une étude de 2013 de la Direction générale du Trésor, entre 700 000 et 900 000 entreprises ont été ou seront concernées par la reprise entre 2000 et 2020. Ce phénomène va croissant, du fait de l’accélération du vieillissement des dirigeants d’entreprises. En effet, 20 % des patrons de PME sont âgés de plus de soixante ans, et plus de 60 % des dirigeants d’ETI ont plus de cinquante-cinq ans. Nous devons nous préoccuper de l’avenir de ces entreprises qui font vivre nos territoires.

C’est pourquoi je sais gré à la délégation sénatoriale aux entreprises de nous avoir confié dès l’automne 2016, à mon collègue Michel Vaspart et à moi-même, le soin d’analyser les freins à la reprise et à la transmission d’entreprises et de proposer des solutions.

Après avoir auditionné quatre-vingts personnes, nous avons présenté à la délégation un rapport d’information, qu’elle a adopté en février 2017. Il concluait que la modernisation de la transmission d’entreprise était une urgence pour l’emploi dans nos territoires. Sans doute l’un des freins à la transmission a-t-il été levé depuis, avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, opérée par la dernière loi de finances. Cependant, cette mesure ne lève pas complètement la saturation fiscale que suscitent les opérations de transmission, non plus, évidemment, que l’ensemble des autres freins qui persistent à rendre complexes, risquées et coûteuses la transmission et la reprise d’entreprises.

La proposition de loi issue de ce rapport a été cosignée par un grand nombre de sénateurs, que je remercie de leur soutien. Ce texte est sous-tendu par l’ambition de répondre aux diverses difficultés que nous avons identifiées.

En premier lieu, faciliter la transmission demande de savoir de quoi l’on parle.

D’une part, au niveau global, le suivi statistique des cessions et cessations d’entreprises fait défaut. L’INSEE ne serait aujourd’hui pas en mesure d’effectuer ce suivi, ce qui est problématique. Il est essentiel de faire en sorte que puissent être consolidées les données éparses et aujourd’hui non exploitables émanant des tribunaux de commerce, ainsi que de la Direction générale des finances publiques. Il faut également reconnaître à l’INSEE la possibilité d’exploiter les données déclaratives relatives aux bénéficiaires effectifs des sociétés. Sur ces points, madame la secrétaire d’État, j’aimerais obtenir des garanties, car une meilleure connaissance statistique des cessions et transmissions d’entreprises est indispensable pour ajuster la politique publique sur ce sujet.

D’autre part, pour chaque opération de transmission, l’information du cédant et du repreneur doit être améliorée. C’est la raison pour laquelle le dirigeant doit pouvoir, en toute sécurité, déduire de l’impôt sur le revenu les frais de diagnostic de la transmission de son entreprise. La commission des finances estime que c’est déjà le cas, dès lors que ces dépenses sont effectuées dans l’intérêt de l’entreprise. J’espère que cette interprétation sera bien celle qui sera retenue par l’administration fiscale.

Nous souhaitons également encourager les entrepreneurs à anticiper la transmission de leur entreprise et, pour cela, nous proposons d’accroître l’abattement fiscal en cas de donation de parts d’entreprise. En outre, afin d’encourager les jeunes et les actifs à se tourner vers la reprise d’entreprise, nous plaidons pour que la création mais aussi la reprise d’entreprise soient valorisées dans les formations initiale et continue.

En second lieu, malgré des taux historiquement bas, l’accès au financement reste un frein important à la transmission d’entreprise. Aussi proposons-nous d’élargir aux PME et aux ETI l’échelonnement de l’impôt sur les plus-values de cession en cas de crédit-vendeur. Nous jugeons en outre nécessaire de réactiver la réduction d’impôt sur le revenu accordée au titre d’emprunts souscrits pour la reprise d’une entreprise.

Je laisse maintenant la parole à mon collègue Michel Vaspart.

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