Tout au long des débats, j’ai trouvé auprès de chacun d’eux une attention amicale et le souci de garantir l’intérêt général, au-delà des nécessaires divergences que nous pouvons être amenés à exprimer.
Pour en venir au texte, je commencerai par les points positifs.
À mes yeux, nos travaux ont réellement permis d’enrichir le texte. Trois grands motifs de satisfaction méritent d’être relevés.
Le premier a trait à l’amélioration des droits des internautes.
Tout d’abord, la HADOPI ne pourra enclencher une procédure qu’en se fondant non pas simplement sur des faits susceptibles de constituer un manquement, ce qui avait choqué un certain nombre d’entre nous, mais sur des manquements véritablement constatés. Cette précision est très importante.
Ensuite, la HADOPI ne pourra pas non plus sanctionner un abonné sans lui avoir adressé au préalable une lettre recommandée avec accusé de réception.
Enfin, les moyens de sécurisation qui permettront à un abonné de s’exonérer de sa responsabilité ont été, me semble-t-il, non seulement mieux définis, mais aussi mieux encadrés. Nous avons en effet prévu une procédure de certification ou, à tout le moins, d’évaluation, de labellisation, à laquelle la HADOPI devra se conformer.
Le deuxième motif de satisfaction porte sur la suppression de toute référence au filtrage des réseaux, pour préserver cette idée de la neutralité d’internet, à laquelle la commission des affaires économiques tenait beaucoup.
Dans ce débat, internet a fatalement été beaucoup associé au piratage. Mais internet, c’est tellement plus que cela !
Internet, redisons-le, c’est une opportunité de développer la création, mais aussi de produire des richesses, de l’emploi et de la croissance. Bref, c’est un véritable gisement !
À cet égard, je pense que, en écartant du texte le filtrage des contenus, nous avons évité de porter atteinte aux principales qualités du réseau.
Un troisième motif de satisfaction réside dans l’amélioration apportée à l’information des consommateurs et dans l’effort pour développer l’offre légale, notamment par quelques incitations à une plus forte interopérabilité.
Mais, bien sûr, il reste des questions non résolues. Une loi ne peut à elle seule épuiser un sujet. Il n’y a d’ailleurs peut-être qu’en France que l’on pense le contraire ! Malgré ce projet de loi, plusieurs questions restent donc en suspens.
Première question : avons-nous suffisamment rééquilibré le texte sur la chronologie des médias et l’offre légale ? Sur ces deux aspects, j’ai pour ma part l’impression que les avancées sont un peu trop cosmétiques et trop timides ; j’espère que l’Assemblée nationale ira plus loin.
J’espère aussi beaucoup que les professionnels montreront que nous ne nous sommes pas trompés en leur faisant finalement confiance.
S’agissant de l’équilibre entre l’incitation et la dissuasion, je ne rouvrirai pas la discussion que nous avons eue. Mais qu’aurait été notre débat si nous n’avions pas délibéré sur le choix entre la suspension et l’amende ? Il aurait alors suffi de quelques heures pour voter cette loi… Quel signal et quelle image aurions-nous donnés ! Nous avons donc essayé de faire vivre le débat. Celui-ci a été parfois agité, mais je crois que c’est aussi notre rôle !
Deuxième question : parviendrons-nous avec ce texte à éliminer le piratage ? Je l’espère sincèrement. Mais je pense aussi qu’un immense effort de pédagogie doit être fait, ce qui a été dit sur toutes les travées de cet hémicycle.
Aujourd’hui, les adolescents n’ont plus comme avant le choix entre une offre gratuite mais illégale et une offre payante légale. Il existe maintenant deux types d’offres gratuites : l’une est légale et l’autre ne l’est pas. C’est la raison pour laquelle il faut développer la pédagogie. La riposte graduée est une partie de l’accompagnement pédagogique, mais il faudra mettre en œuvre d’autres moyens, faute de quoi nous ne parviendrons pas à l’objectif visé.
Une troisième et dernière question se pose, même si je ne pense pas qu’une loi pouvait résoudre le problème : comment faire vivre les droits des auteurs et des interprètes à l’ère du numérique ? Cette question reste entière.
Vous pensez bien que la seule logique défensive échouera toujours à susciter dans ce domaine de nouveaux modèles. L’histoire de l’économie nous apprend qu’à chaque changement d’époque les cartes ont été rebattues. Ce qui est important, c’est d’encourager les artistes.
On voit déjà se développer sous nos yeux des efforts prometteurs. J’espère sincèrement qu’auteurs, créateurs et interprètes pourront vivre convenablement des fruits de leur travail à l’ère de la révolution numérique.
En la matière, seule l’inaction aurait été infamante, parce que le piratage porte dans notre pays une atteinte trop massive au droit d’auteur. Il fallait donc agir, mais nous savons que nous n’avons accompli qu’une partie du chemin.