Intervention de Michel Thiollière

Réunion du 30 octobre 2008 à 15h00
Diffusion et protection de la création sur internet — Vote sur l'ensemble

Photo de Michel ThiollièreMichel Thiollière, rapporteur :

Je remercie le président et mes collègues de la commission des affaires culturelles, qui ont accepté un certain nombre d’amendements que j’ai présentés en leur nom.

Ce soir, nous sommes allés vite, et nous avons le sentiment d’avoir été observés de l’extérieur par de nombreuses personnes, qu’il s’agisse des professionnels du secteur, de simples internautes ou de créateurs. Ces derniers, qui se trouvent dans la solitude de la création que j’évoquais hier, sont parfois inquiets sur leur avenir. J’espère qu’ils auront compris que le Sénat, à travers ce débat, a tenu à conforter leur travail, à faire en sorte qu’ils en reçoivent une juste rémunération, tout en affirmant que la sphère d’internet et celle de la création doivent se réconcilier.

Il s’agit bien là de deux mondes très différents. Ce n’est pas un hasard si on a beaucoup parlé dans ce débat de vitesse et de chronologie : le monde de la création a besoin de temps, alors que l’univers numérique se développe à une vitesse phénoménale.

Nous avons donc bien compris que si, aujourd’hui, un problème existe, c’est parce que le monde numérique a changé beaucoup plus vite que celui de la création. Il faut donc chercher à rééquilibrer la vitesse respective des deux univers, de manière que l’un et l’autre cheminent de concert au lieu de se combattre.

Si nous avons proposé que la chronologie des médias se rapproche de la logique de la création, c’est parce qu’il faut que cette chronologie trouve un nouveau rythme lui permettant de préserver les œuvres, tout en étant adaptée au monde d’internet.

La différence entre les deux mondes tient aussi au fait qu’ils n’ont pas le même périmètre d’existence. Internet évolue à l’échelle du monde entier ; c’est la mondialisation, avec ce qu’elle représente à la fois d’intérêts et de passion pour ceux qui s’y lancent, mais aussi de danger, car les frontières sautent les unes après les autres.

Il nous faut donc redéfinir des périmètres qui rendent à nouveau compatibles le monde numérique et la création. Pour cela, nous devons faire en sorte que les sociétés, les producteurs et les auteurs, dont le périmètre d’action est souvent plus étroit que celui d’internet, s’adaptent pour éviter d’être submergés par la vague d’internet.

Selon Jack Ralite, dont j’ai apprécié les remarques, il s’agit de mondes dont la densité n’est pas la même. On reproche souvent à internet de ne pas hiérarchiser les valeurs et d’offrir des possibilités certes extraordinaires, mais de façon très dispersée et sans hiérarchie.

Or, le monde de la création, au contraire, est hiérarchisé ; les valeurs y sont fortes. Sur ce point-là également, il faut donc s’efforcer de rendre compatibles les valeurs de la création et celles que porte internet, qui constitue lui aussi une chance pour notre société, notamment pour les nouvelles générations.

Mais il existe en outre un problème d’égalité, voire d’équité, qui a été évoqué lors du débat. L’égalité concerne d’abord les auteurs, qui doivent être traités de la même façon que les internautes, même si la réciproque est vraie.

L’égalité concerne ensuite les territoires. Nous avons bien conscience que tout le monde n’a pas accès au haut débit, et par conséquent aux œuvres. Il faut donc faire en sorte que l’aménagement du territoire en matière numérique permette un égal accès aux œuvres partout en France.

Réconcilier ces deux mondes, je pense que la Haute Assemblée l’a fait, à sa manière très courtoise mais aussi très forte, et qu’elle l’a fait au bénéfice tant des créateurs que des internautes.

Nous avions pour devoir de réconcilier les droits des uns et les libertés des autres en veillant à les rendre compatibles. Je pense que nous sommes allés suffisamment loin et que les droits des auteurs comme ceux des internautes ont été rendus en effet plus compatibles.

Nous avons également fait en sorte que le débat soit riche, qu’il aille au fond des choses et qu’il rassemble l’essentiel des groupes politiques de la Haute Assemblée, ce qui n’arrive qu’avec un petit nombre de textes.

Récemment, on se réjouissait du fait que les questions d’environnement, lors de la traduction législative du Grenelle, puissent rassembler la totalité des groupes politiques de l’Assemblée nationale. C’est en effet heureux, car le problème est planétaire !

Dans le cas présent, il s’agissait d’un autre sujet pouvant rassembler, car nous avons tous conscience politiquement du fait que la création doit être défendue, et que cette question dépasse largement les clivages pouvant nous opposer sur d’autres textes. À l’évidence, le présent texte est rassembleur. Il méritait bien que nous y consacrions du temps, mais aussi que chacun accepte de faire un pas vers l’autre.

Nous avons aussi respecté le processus entamé : une concertation est d’abord intervenue – les « accords de l’Élysée » –, puis, madame la ministre, vous avez présenté votre projet de loi en juin dernier, avant qu’enfin le débat ne s’ouvre au Parlement. C’est dire que le sujet est suffisamment fort et important pour avoir donné lieu à des échanges. À chaque étape du processus, chacun a apporté sa pierre à l’édifice, non pas dans l’intention de défaire ce qui avait été fait à l’étape précédente, mais pour l’améliorer et faire en sorte d’aller encore plus loin.

C’est ainsi que j’ai pu évoquer, hier, quelques-uns des thèmes abordés par la commission des affaires culturelles qui permettent, sur cinq grands sujets, d’améliorer le texte, de le rendre plus efficace, c’est-à-dire plus apte à aider la création.

Je suis en outre convaincu que les caractéristiques de la future Haute Autorité ont été améliorées par nos débats et nos votes. Le texte issu des travaux du Sénat la rend plus efficace et plus irréprochable dans son fonctionnement.

De même, le dispositif envisagé donne plus d’outils aux pouvoirs publics pour faire en sorte que la Haute Autorité fonctionne de manière encore plus républicaine, c’est-à-dire au service de nos concitoyens.

Nous avons également accompli de nombreuses avancées sur la question de la conciliation des droits des créateurs et de ceux des internautes. Nous avons aussi fait tout notre possible pour adopter des obligations pesant sur les opérateurs de communications électroniques. Enfin, nous avons beaucoup œuvré pour rééquilibrer le texte en poussant au développement de l’offre légale.

Il est vrai que nous avons eu parfois le sentiment que l’on attendait beaucoup de cette loi, et que sans elle rien ne pouvait se faire. Il y a maintenant une loi, le Sénat a travaillé pour cela, et cette loi oblige ceux qui l’attendaient à aller plus loin pour rendre possible l’accès à internet, sans pour autant spolier les auteurs.

Au moment où le débat sur ce texte se clôt au Sénat, j’espère que d’autres avancées contractuelles verront le jour avant que son examen ne commence à l’Assemblée nationale, de façon à donner un signe fort en direction des créateurs et des internautes.

Je crois pouvoir dire, à l’issue de notre discussion, que nous avons sans doute réaffirmé la place centrale dans ce débat de l’exigence culturelle, fidèles en cela à notre attachement à la diversité culturelle et aux droits des auteurs.

Cette exigence d’inscrire le droit d’auteur au cœur de la réflexion sur internet est une des conséquences de notre volonté, évoquée tout à l’heure par certains de nos collègues, de remettre, plus généralement, l’homme lui-même au centre d’internet.

En effet, il n’y a pas de technologie qui puisse perdurer sans que l’homme soit au centre. Si l’homme ne maîtrise pas les technologies, le risque est grand de voir ces dernières, à un certain moment, anéantir sa volonté de créer et de vivre avec ses semblables de façon républicaine.

C’est la raison pour laquelle, ce soir, nous avons donné un signe fort en direction des hommes qui veulent créer, qui refusent d’être noyés par internet et veulent au contraire s’en servir pour « surfer » sur la vague !

Nous avions mis en exergue de notre rapport une citation de Jean Monnet. Je la ferai encore mienne ce soir au moment de conclure : « Il ne s’agit pas d’être optimiste ou pessimiste, mais déterminé. » Je crois que le Sénat a montré qu’il l’était !

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