Intervention de Éric Kerrouche

Réunion du 12 juin 2018 à 14h30
Équilibre territorial et vitalité de la démocratie locale — Discussion générale

Photo de Éric KerroucheÉric Kerrouche :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il faut se féliciter du rejet de la motion, dont l’adoption nous aurait privés d’un débat démocratique ; or un débat démocratique sur ce sujet doit avoir lieu.

L’organisation de notre République est décentralisée. Étant attachés profondément à cette république des territoires initiée par les lois de 1982, il nous appartient pleinement de prévenir toute forme de recentralisation et de favoriser la liberté locale et la cohésion territoriale.

Or, si nous partageons l’idée qu’il est nécessaire d’apporter des correctifs aux dernières réformes territoriales, de la loi MAPTAM jusqu’à la loi NOTRe, nous partageons moins la méthode employée, qui a eu pour corollaire inéluctable de produire des réponses insuffisamment abouties.

Nous avons un désaccord sur le fond – je commencerai par là – et sur la méthode. Chacun d’entre nous s’accorde à dire que, depuis plus de dix ans, une accumulation de réformes est venue affecter les collectivités territoriales, qui souhaitent désormais pouvoir respirer et s’organiser grâce à une intelligence territoriale qui a fait ses preuves. En définitive, nous devons faire confiance aux territoires.

Toutefois, la méthode et la réelle finalité de ce texte posent question. Cette proposition de loi donne trop le sentiment d’avoir été déposée avec de la précipitation, heurtant ainsi la tempérance qui caractérise les travaux du Sénat. Pourquoi ne pas plutôt « poursuivre le travail d’évaluation de la mise en œuvre sur le terrain de la réforme », ainsi que le préconisait le rapport d’information Laisser respirer les territoires ? Pourquoi ne pas aller plus loin, comme le recommandait ce même rapport, en matière de mesures d’assouplissement ou d’expérimentation ?

Pourquoi encore ne pas s’appuyer sur les conclusions du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, pour la mise en place de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires, qui, certes, je le reconnais, tarde à arriver ? Pourquoi ne pas attendre la restitution, au début de juillet, des travaux du groupe de travail sur le statut des élus locaux, afin d’envisager un éventail complet et cohérent de mesures, qui protège les élus et qui réponde à la crise démocratique et à celles des vocations ? Bref, la méthode sur ce texte laisse songeur…

En second lieu, malgré de bonnes intentions et des correctifs, il nous semble que nous assistons à un rendez-vous manqué. Je l’ai indiqué précédemment, des ajustements utiles ont pu être trouvés, avec notamment les interventions du département en matière agricole, l’assouplissement des groupements de commandes pour les EPCI ou les mécanismes de fonds de concours, l’abaissement de la participation minimale des communes de moins de 1 000 habitants au financement des équipements publics, ou encore l’intérêt évident qu’il y a à renforcer le rôle de la région en matière d’emploi, de formation et de recherche, contrairement à ce que prépare le Gouvernement.

En revanche, cette proposition de loi revient sur des arrangements qui viennent d’être trouvés et qui se stabilisent. Elle induit des risques institutionnels, notamment par la généralisation de sortie à la carte des EPCI, et des risques fonctionnels, dans les arrangements qui viennent d’être trouvés entre les régions et les départements. En ce qui concerne les EPCI, on peut s’interroger sur la valeur ajoutée des « pôles territoriaux », alors qu’un éventail d’outils considérables existe déjà et a été mis en place par les territoires.

Si une nouvelle gouvernance doit s’imaginer au sein des EPCI, nous pensons qu’elle passe par davantage de liberté d’organisation du bloc local, avec la définition d’un principe de subsidiarité pour réguler les compétences.

Toujours en ce qui concerne les EPCI, les conditions de retrait des communes membres constituent, sinon un risque de dépeçage, du moins un risque de déstabilisation et une remise en cause des politiques publiques mises en œuvre.

Je laisserai mon collègue Didier Marie compléter, et avant de conclure je citerai deux dispositions qui partaient d’une bonne intention mais dont on peine à mesurer l’applicabilité, en l’absence de prise en compte sérieuse des enjeux financiers : d’une part, l’exonération pour les élus municipaux des communes de moins de 3 500 habitants de la cotisation destinée au financement du droit individuel à la formation, le DIF ; d’autre part, la notification par l’État avant le 1er avril de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, tout retard étant susceptible d’engager la responsabilité de l’État.

Pour conclure, je regrette de dire que, si des correctifs ont été apportés, cette proposition de loi, qui aura toujours le mérite de favoriser le débat, touche à des problèmes de fond mais s’apparente pour l’instant à un essai manqué. Nos territoires, nous semble-t-il, attendent beaucoup mieux que cela, beaucoup mieux qu’une proposition dont le volontarisme reste limité.

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