Intervention de Dany Wattebled

Réunion du 12 juin 2018 à 14h30
Équilibre territorial et vitalité de la démocratie locale — Discussion générale

Photo de Dany WattebledDany Wattebled :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet de cette proposition de loi est louable. Il s’agit à la fois d’opérer des ajustements de dispositifs de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, qui ont montré leur inadéquation avec les réalités locales, de compléter à la marge la décentralisation et de proposer la création d’une agence pour la cohésion des territoires.

Je commencerai par examiner cette dernière proposition. La création d’une agence pour la cohésion des territoires est une proposition sénatoriale, cela a été dit. Le Président de la République a d’ailleurs manifesté son intérêt pour cette formule lors de la Conférence nationale des territoires, l’année dernière.

J’y vois plusieurs intérêts. Premièrement, une telle agence permettrait de fédérer les acteurs de l’administration déconcentrée et des collectivités pour répondre aux besoins des territoires dans le domaine des soins, de l’accès aux services publics, de la mobilité et de l’accès au numérique. Deuxièmement, comme l’a rappelé voilà quelques semaines le commissaire général à l’égalité des territoires, elle pourrait venir appuyer les territoires en difficulté en matière d’ingénierie territoriale. Enfin, troisièmement, elle devrait devenir un véritable guichet unique pour les élus dans un souci de simplification des procédures et des conseils.

Néanmoins, mes chers collègues, plusieurs questions se posent : quelle articulation avec le Commissariat général à l’égalité territoriale ? Quelle complémentarité avec la banque des territoires de la Caisse des dépôts et consignations, inaugurée il y a quelques jours ?

En outre, je rappelle que notre assemblée est sur le point de créer une agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs, dans le cadre de la proposition de loi de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin. Ne créerions-nous pas alors un doublon ?

Enfin – cette question s’adresse à Mme la ministre –, quand pourrons-nous avoir accès au rapport de Serge Morvan sur la mise en place d’une telle agence ? §Je rappelle que ce rapport était attendu le 15 mai dernier…

Pour conclure sur ce point, je crois que nous avons là une bonne idée, mais qui demanderait à être affinée, mieux articulée avec les dispositifs existants et qui ne doit surtout pas se transformer en une nouvelle usine à gaz – je ne doute pas que notre assemblée saura faire preuve de vigilance sur ce point.

Concernant les autres dispositions de cette proposition de loi, j’estime que la volonté d’aménager et de corriger la réforme issue de la loi NOTRe est une bonne chose. En matière de réforme territoriale, il nous faut maintenant ajuster, et non plus brusquer. En effet, les élus locaux en ont assez des grands soirs territoriaux qui amènent toujours leur lot de complications. Comme notre commission des lois le dit souvent, laissons respirer nos territoires.

Cela dit, la respiration n’exclut pas des ajustements, notamment ceux qui sont relatifs aux compétences des départements. Ils vont dans le bon sens ; le renforcement de la capacité d’intervention des départements en faveur de l’agriculture et de la pêche et leur contribution au financement des opérations d’investissement permettront d’étoffer leur compétence de solidarité et de cohésion territoriale.

Sur les dispositions consacrées aux coopérations intercommunales, la plupart des éléments vont dans le sens d’une plus grande liberté et c’est heureux. En ce qui concerne l’échelon régional, je partage le constat des auteurs : c’est une aberration de maintenir une cloison étanche entre, d’un côté, les politiques d’apprentissage et de formation professionnelle, qui relèvent en grande partie des conseils régionaux et, de l’autre, la politique de l’emploi, qui demeure centralisée.

Toutefois, je crois que les régions ont déjà des outils pour faire des choses utiles. Prenons l’exemple de ma région, les Hauts-de-France. Xavier Bertrand, son président, a mis en place des dispositifs extrêmement innovants, qui sont complémentaires de Pôle emploi et de l’action de l’État, en créant la plateforme Proch’emploi, qui a permis à 10 000 personnes de trouver un emploi, en mettant en place un « Pass Formation » et des aides aux transports, ou encore en signant un partenariat avec Linkedln pour développer des outils numériques. Et ce ne sont là que quelques exemples.

Alors, oui, on peut donner à la région un rôle de coordination des services et lui déléguer davantage de compétences, mais, vous le voyez, on peut faire beaucoup plus avec ce qui existe déjà.

Enfin, nous soutenons totalement les dispositions qui visent à améliorer la condition des élus et à rendre plus attractif l’exercice des mandats locaux. En la matière, il faut marcher sur deux jambes : à la fois simplification des sujétions et des formalités, et hausse des gratifications. Nous espérons que le Gouvernement entendra ces deux nécessités pour rendre au mandat d’élu local ses lettres de noblesse.

Cette proposition de loi est donc équilibrée et mesurée. On constate qu’elle recoupe plusieurs initiatives en cours. J’espère que nous parviendrons à fédérer toutes les énergies pour améliorer la cohésion de nos territoires et l’exercice de notre démocratie. J’appelle le Gouvernement, madame la ministre, à prendre en compte les propositions du Sénat, qui est ici dans son rôle le plus légitime et le plus sacré, celui de la défense des territoires et des collectivités.

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