Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous venons de repousser la motion tendant à opposer la question préalable déposée par nos collègues du groupe La République En Marche, donc de joindre nos voix à celles de la majorité.
Cela ne vaut cependant pas quitus sur le texte, qui, sur le fond, nous laisse pour le moins perplexes.
Concernant la méthode, alors que la majorité dénonce régulièrement et à juste titre l’usage intempestif de la procédure accélérée et l’encombrement du calendrier parlementaire, voilà une proposition de loi qui nous arrive dans des délais supersoniques et dont l’examen est inscrit sur deux jours de temps sénatorial.
C’est d’autant plus étonnant que, dans le même temps, de multiples travaux sont menés par le Sénat pour évaluer l’impact des récentes réformes territoriales, revitaliser le rôle des communes, ajuster le fonctionnement des communes nouvelles, créer un véritable statut de l’élu ou encore redynamiser les centres-bourgs.
Voilà donc une proposition de loi à contretemps ! À moins qu’elle ne soit d’affichage…
Nous sommes aussi perplexes, mes chers collègues, parce que la loi NOTRe, qui, rappelons-le, a aussi été votée par votre majorité après accord en commission mixte paritaire, n’a pas encore produit tous ses effets.
Dans le texte initial, vous en remettiez en cause des pans entiers, revenant notamment sur la relation entre commune et intercommunalité, en tentant de rétablir subrepticement la clause de compétence générale des départements ou en revenant sur le chef de filat de la région en matière économique ou de transport. Vous prenez là le risque de déstabiliser un édifice qui est en cours de consolidation et qui a besoin d’une pause et d’une respiration.
Ce texte, à nos yeux prématuré et précipité, a tout de même été remanié et, pour partie, vidé de ses dispositions les plus discutables après les débats en commission. Nous pouvons ainsi saluer la sagesse de M. le rapporteur, qui a proposé la suppression de l’article 8, lequel surreprésentait jusqu’en 2032 les communes nouvelles dans les EPCI, et, prenant acte de l’existant, de l’article 13, relatif à l’assistance technique des départements, et la réécriture des articles 12, 16, 17 et 18, relatifs à l’extension des compétences des départements et des régions, en réduisant le détricotage de la loi NOTRe.
Cependant, vous avez maintenu le titre Ier, créant une agence nationale pour la cohésion des territoires. Cette agence est attendue. Nous en soutenons le principe pour remédier aux fractures territoriales, mais, là encore, la précipitation n’est pas bonne conseillère et nous savons toutes et tous que le nouveau directeur du Commissariat général à l’égalité des territoires doit nous en présenter l’architecture dans les jours qui viennent.
Enfin, vous avez ouvert la boîte de Pandore, et de nombreux amendements, touchant une diversité de sujets, ont été adoptés par la commission ou seront présentés en séance.
Il en est ainsi de ceux qui facilitent le retrait de communes d’un EPCI, de la nécessaire déclaration de candidature de tous les prétendants au suffrage universel des communes de moins de 1 000 habitants, de l’alourdissement des ordres du jour des conseils municipaux, des conditions de mise en œuvre des délégations de compétence, de l’élargissement du droit de timbre sur les permis de construire et d’autres, sur lesquels nous reviendrons pour exprimer notre désaccord.
Ce texte touche-à-tout, composé de dispositions diverses, pas nécessairement inutiles pour certaines, mais très loin de l’ambition simplificatrice affichée par les signataires, risquerait, s’il était adopté, de produire l’effet inverse de celui qui était recherché et, plutôt que de répondre aux interrogations et inquiétudes de certains élus, ne ferait qu’accentuer leurs difficultés, par une législation à la hâte.
Nous avons besoin de stabiliser l’édifice territorial, révolutionné par les lois MAPTAM et NOTRe. Nous avons besoin de faire une pause, d’évaluer la nouvelle architecture et d’en corriger, le moment venu, les imperfections.