Intervention de Michèle André

Réunion du 16 décembre 2010 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Article additionnel après l'article 3

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Mardi 14 décembre, le journal le Parisien a jeté la lumière sur un amendement, adopté de manière habilement discrète à l’occasion du projet de loi de finances rectificative pour 2009, dont nous avons débattu au mois d’avril de l’année dernière.

Ainsi, le dernier alinéa de cet amendement visait à autoriser l’État à communiquer – c'est-à-dire à vendre – à des tiers les informations nominatives figurant dans les pièces administratives exigées des automobilistes à l’occasion d’une demande de carte de grise.

Cette disposition, introduite dans le collectif budgétaire chargé de mettre en œuvre les mesures de soutien aux ménages et au secteur de l’automobile, était peut-être – sans doute ! – un cavalier. Néanmoins, elle a été adoptée et personne ne l’a dénoncée, pensant que cela ferait de nouvelles recettes pour l’État !

Cette disposition ne trompe personne. Une fois découverte et rendue publique, nos concitoyens sont nombreux à contester l’utilisation commerciale par l’administration de leurs données personnelles. Ainsi, selon un sondage réalisé sur le site internet du quotidien, 93 % des votants trouvent anormale la possibilité pour l’État de vendre les fichiers de carte grise.

Plus grave encore, aucune obligation n’est faite à l’administration de prévenir les usagers de ces ventes. Ils peuvent donc tout ignorer de la vente par l’État de leurs informations personnelles.

Vous me répondrez probablement que les automobilistes peuvent, en vertu de la loi de 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, s’opposer à la diffusion des informations les concernant. Mais qui savait que l’État remplissait ses poches à leurs dépens ? Sans doute personne, pas même dans cet hémicycle !

Pour tenter d’éteindre l’incendie, M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit « LOPPSI 2 », a déposé un amendement qui sera discuté ces jours-ci à l’Assemblée nationale, tendant à prévoir non pas la suppression de la mesure, mais uniquement la possibilité, pour l’administration, de réaliser une enquête sur les personnes qui sollicitent un agrément, agrément nécessaire pour que les documents confidentiels puissent leur être communiqués.

Toutefois, cette proposition ne remet nullement en cause l’autorisation pour l’État de communiquer ces informations personnelles à des tiers à des fins d’enquête et de prospections commerciales. Nous ne pouvons faire confiance à une administration qui serait dans le même temps juge et partie : elle attribuerait l’agrément et vendrait ensuite les fichiers pour renflouer ses comptes. Cette demi-mesure est inacceptable !

De même, l’amendement discuté à l’Assemblée nationale introduit un doute sur les risques de la divulgation de ces informations. En effet, si cette procédure était sans conséquence, pourquoi l’État s’embarrasserait-il à réaliser une enquête administrative sur ses futurs clients ?

Enfin, je tiens à souligner que la vente des fichiers personnels s’inscrit pleinement dans la volonté du gouvernement actuel de déléguer aux garages la gestion de l’élaboration des cartes grises, dont le service est déjà payant pour le demandeur.

Cette dérive marchande du service public n’est pas acceptable. C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression du dernier alinéa de la disposition adoptée l’année dernière afin de protéger nos concitoyens et de leur redonner confiance dans leur administration.

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