Cette évolution a été largement provoquée par le retour de l'innovation médicamenteuse. En particulier, deux chocs sur les dépenses ont résulté de l'arrivée dans le dispositif de nouvelles molécules très innovantes : en 2014 et 2015 tout d'abord, avec l'arrivée des nouveaux traitements contre l'hépatite C ; en 2016 ensuite, avec l'entrée de nouveaux traitements d'immunothérapie contre le cancer, dont les anti-PD1. Les dépenses d'ATU sont ainsi très concentrées sur quelques médicaments : en 2015, ces anti-PD1 et les médicaments destinés à traiter l'hépatite C ont représenté 75 % de la dépense totale des médicaments sous ATU.
En conséquence, alors que la dépense liée aux ATU plafonnait à 110 millions d'euros annuels jusqu'en 2013, elle a atteint deux pics successifs à un milliard d'euros en 2014 et 2016.
Ce mouvement devrait connaître une forte intensification au cours des prochaines années, notamment avec l'arrivée prochaine dans le dispositif d'une nouvelle génération d'immunothérapie, les Car-T cells, dont le coût devrait être sans rapport aucun avec celui des médicaments que nous connaissons aujourd'hui.
Cette évolution pose problème à plusieurs titres.
En premier lieu, le fonctionnement du dispositif semble aujourd'hui rencontrer ses limites scientifiques. Je m'explique : les ATU sont délivrées pour un médicament, dans une ou plusieurs indications données, en amont de la première autorisation de mise sur le marché (AMM) pour ce produit. Il en résulte que, passée la délivrance de l'AMM, le périmètre de l'ATU se fige. En d'autres termes, toute extension d'indication devient ainsi impossible.
Or, cette réglementation apparaît inadaptée au mode d'action des médicaments les plus innovants contre le cancer que constituent les immunothérapies. Dans la mesure où ils visent à renforcer le système immunitaire du patient, ils peuvent être efficaces contre plusieurs types de cancers différents. On a ainsi pu observer, lors de l'utilisation des anti-PD1 que j'évoquais plus tôt, le développement rapide d'indications parallèles ou successives.
Dans les conditions actuelles, le mécanisme ne garantit pas aux patients de recevoir le traitement le plus efficace disponible.
A notamment été cité, au cours de nos auditions, le cas du nivolumab, qui, après avoir bénéficié d'une ATU en 2014, est aujourd'hui autorisé et admis au remboursement contre les mélanomes et les cancers du poumon. Il est cependant impossible de le prescrire à des patients atteints, notamment, de cancers de la vessie ou ORL, alors même que les essais cliniques sont positifs et que le produit est déjà sur le marché aux États-Unis dans ces indications. Il nous paraît dès lors indispensable d'autoriser au plus vite les extensions d'indication pour les médicaments bénéficiant ou ayant bénéficié d'une ATU.