Intervention de Catherine Deroche

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 juin 2018 à 9h00
Proposition de loi relative au défibrillateur cardiaque — Examen des amendements de séance

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche, co-rapporteure :

Les difficultés relatives aux ATU ne se comprennent que dans le cadre plus général des procédures de mise sur le marché « de droit commun » du médicament.

Après l'AMM, délivrée au niveau européen pour les médicaments innovants, s'engage au plan national une procédure essentielle puisqu'elle détermine la prise en charge des médicaments et la fixation de leur prix. Elle comprend deux principales étapes : tout d'abord, l'évaluation par la HAS du service médical rendu (SMR) et du progrès thérapeutique, l'amélioration du service médical rendu (ASMR) ; puis, sur la base des résultats de cette évaluation, la négociation et la fixation du prix devant le Comité économique des produits de santé (CEPS).

Cette procédure est séquencée, alors qu'en Allemagne - modèle qui nous a été fréquemment cité - le médicament est mis à disposition dès l'AMM, sur la base d'un prix librement fixé par les laboratoires (comme pour nos ATU) ; l'évaluation se déroule en parallèle et le prix définitif est fixé au terme de la première année de commercialisation.

La procédure doit se dérouler en théorie en 180 jours. Toutefois, ce délai serait de près de 300 jours en 2016 pour les médicaments non générique en ville d'après les données du CEPS. Selon un indicateur suivi par l'EFPIA, la fédération européenne des laboratoires, dont le périmètre est différent, le délai moyen entre l'AMM et la commercialisation serait de plus de 500 jours en France, en augmentation et dans une position très moyenne en Europe loin derrière l'Allemagne, le Royaume-Uni ou encore l'Italie. Ces données sont à prendre avec précaution car elles n'intègrent pas les produits sous ATU ce qui dégrade la position de la France. On peut d'ailleurs regretter qu'un indicateur de délai ne soit pas suivi de manière rigoureuse au niveau du ministère.

Néanmoins, ces chiffres révèlent des freins. Quels sont-ils ?

En ce qui concerne l'évaluation, son caractère rigoureux est reconnu. Pour autant, ses modalités sont réinterrogées : pour la Haute Autorité de santé (HAS), l'octroi d'AMM plus précoces par l'agence européenne du médicament, sur la base de données considérées comme immatures, rend sa tâche plus complexe ; pour les laboratoires et notamment les biotechs, en résultent des évaluations de l'ASMR (c'est-à-dire du progrès thérapeutique) jugées parfois timides, qui pèsent dans la fixation du prix. Les critères de l'évaluation sont aussi perçus illisibles et imprévisibles.

Les tensions se concentrent sur la question du prix : d'un côté les exigences des laboratoires sont jugées aberrantes, notamment au regard des promesses non tenues de certains médicaments ; de l'autre des industriels considèrent que l'innovation n'est pas reconnue à sa juste valeur, avec une pression sur les prix plus forte en France que dans plusieurs pays voisins. Les prix nets de remises n'étant pas publics, il nous a été toutefois difficile d'objectiver ce constat.

S'il ne faut pas trop noircir le tableau, la situation n'est pas satisfaisante, avec le sentiment général d'un système qui subit l'innovation et son coût et un déficit de confiance entre les acteurs.

Dans ce contexte, nos propositions visent à donner à la fois plus de visibilité et de souplesse, pour mieux adapter la grille de lecture à la réalité des innovations et des besoins.

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