Intervention de Nicole Belloubet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 juin 2018 à 18h30
Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Audition de mmes nicole belloubet garde des sceaux ministre de la justice et marlène schiappa secrétaire d'état chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame Rossignol, vous soulevez un problème difficile : la rédaction de l'article 2, dont vous dites qu'il est déceptif. Je le comprends, compte tenu des attentes formulées par les uns ou les autres. Moi-même, j'avais évoqué une présomption à treize ans. Ce n'est pas que nous n'avons pas obtenu ce que nous voulions ; ce que nous voulions, nous l'avons obtenu, à savoir mieux combattre le crime de viol avec des instruments juridiques adaptés.

Vous dites que nous avons fait le choix de rester dans le domaine délictuel en créant l'atteinte sexuelle avec pénétration. Je ne suis pas d'accord : nous avons fait le choix de combattre le crime de viol en assouplissant considérablement la question centrale de la preuve pour la rendre quasi automatique pour les mineurs de quinze ans puisque, pour eux, la contrainte résultera de leur vulnérabilité par absence de discernement nécessaire. Ce faisant, les magistrats pourront, lorsque la situation se présentera à eux, décider que la contrainte découlera de la question du discernement et de la vulnérabilité : la violence est toujours établie. Nous nous donnons ainsi les moyens de combattre très efficacement les crimes de viol.

Par ailleurs, dans la situation actuelle, les atteintes sexuelles, donc délictuelles, sont envisagées sans distinguer s'il y a ou non pénétration. Cela me semble dangereux dans la mesure où le code pénal interdit déjà toute relation sexuelle entre un mineur de quinze ans et un majeur. Il me semble curieux de ne pas aggraver l'atteinte sexuelle lorsqu'il y a pénétration. Ce faisant, nous n'avons pas la volonté de correctionnaliser les crimes de viol. Au contraire puisque nous donnons au juge les moyens d'assouplir considérablement la charge de la preuve pour les mineurs de quinze ans.

Votre proposition reprend celle de M. Rosenczveig, à savoir la criminalisation de toute relation avec un mineur de moins de treize ans. Je pense que cette proposition est doublement dangereuse : d'une part, je ne suis pas sûre de sa constitutionnalité ; d'autre part, s'agissant d'une nouvelle peine, elle ne s'appliquerait que pour le futur et non aux plaintes actuellement instruites puisque la loi pénale n'est pas rétroactive.

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