Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Commission d'enquête mutations Haute fonction publique — Réunion du 11 juin 2018 à 10h35
Audition de M. Jean-Pierre Chevènement ancien ministre

Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre :

Je partage votre sentiment. Le Conseil d'État était le conseilleur de l'État et prenait d'abord en compte les intérêts de l'État républicain. Il se voulait aussi, par coquetterie, protecteur des libertés individuelles, tout en tenant un équilibre sur des sujets difficiles, comme les flux migratoires. Il est devenu de plus en plus protecteur des libertés individuelles, perdant peu à peu son rôle historique de conseilleur de l'État.

Quant à la Cour des comptes, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne, a introduit en 2012 une instance composée de magistrats issus de ce corps pour vérifier que le projet de budget national respectait la trajectoire négociée avec la Commission européenne. D'où le rôle de gendarme qui échoit désormais à la Cour.

Tout cela procède d'une évolution où le suffrage universel, autrefois au coeur de la République, est relégué dans la panoplie des outils sulfureux qui favorisent le populisme. La souveraineté populaire figure pourtant au titre premier de la Constitution. Le suffrage universel, qui reste l'arbitre suprême, a laissé la place à d'autres manières de décider que l'on regroupe sous des noms divers, comme celui de « gouvernance » qui abrite le pouvoir des juges et le rôle du marché. Le marché, les juges et les médias sont devenus les régulateurs du système, comme l'avait bien montré Jean-Marie Colombani dans un ouvrage qui date d'il y a une dizaine d'années. Dans cette conception, on quitte la démocratie républicaine pour s'orienter vers une démocratie des droits individuels, défendus par différentes instances, qu'il s'agisse du défenseur des droits, du défenseur des enfants, etc. Si l'on ajoute les juridictions européennes, ou encore la place dévolue au Conseil constitutionnel avec les QPC, il est clair que la place du Parlement ne va plus de soi. Ces évolutions retentissent sur l'idée que l'on se fait de l'État et de son service.

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