Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, chaque année, entre 40 000 et 50 000 personnes sont victimes d’une mort subite, souvent à la suite d’un infarctus, faute d’avoir bénéficié au bon moment de l’intervention d’une personne qui aurait pu leur sauver la vie en pratiquant les gestes de premiers secours et en relançant le cœur par un choc électrique, ou défibrillation, le temps que les secours médicaux interviennent.
C’est pendant le temps que mettent les secours à arriver que l’état d’une victime s’aggrave ou que le décès intervient. C’est pendant ce laps de temps qu’il faut agir. Grâce à des gestes simples qui s’apprennent, chacun d’entre nous peut un jour sauver une vie ou éviter à une personne de lourdes séquelles. Ne rien faire, c’est de toute façon condamner la personne en arrêt cardiaque.
Il est fondamental que toute personne témoin d’un arrêt cardiaque initie la « chaîne de survie » formée de quatre maillons qui procurent aux victimes d’urgences médicales les meilleures chances de survie : appel rapide aux services de secours et de soins d’urgence ; massage cardiaque entrepris rapidement ; défibrillation précoce en utilisant un défibrillateur automatisé externe ; soins médicalisés spécialisés rapides, rendus possibles grâce à l’appel au SAMU.
La formation du public, et en particulier des jeunes, aux gestes élémentaires de premiers secours est une priorité pour le Gouvernement.
La France, société de solidarité, confrontée à des menaces toujours plus présentes – catastrophes naturelles, accidents, attentats… –, doit porter un programme ambitieux de formation aux gestes de premiers secours. Tout un chacun est confronté à des situations de détresse et savoir réagir permet de sauver des vies. Si des efforts très importants ont été mis en œuvre pour initier ou former le public à tous les moments de la vie à la prise en charge d’une personne en arrêt cardiaque et à l’utilisation d’un défibrillateur automatisé externe, ou DAE, il reste encore du chemin à parcourir. Actuellement, on estime que seulement 20 % de la population française a suivi une formation aux gestes de premiers secours et que 50 % des élèves en classe de troisième ont bénéficié de la formation « prévention et secours civiques de niveau 1 », ou PSC1, alors que 80 % de nos voisins allemands et autrichiens sont formés.
Les objectifs fixés par le Président de la République de formation de 80 % de la population aux gestes de secours sont inscrits dans le programme national de santé publique. Un travail interministériel piloté par le ministère de l’intérieur en concertation avec tous les acteurs est en cours afin d’en établir les modalités d’application. Une attention particulière sera apportée aux formations pour les jeunes générations, en fonction de leur âge : premier degré – dispositif « apprendre à porter secours » ; second degré – classe de sixième « gestes qui sauvent » et classe de troisième « PSC1 » ; enseignement supérieur – « rattrapage » des étudiants non formés au PSC1 et mise à jour des connaissances de ceux qui sont déjà formés.
Dans ce cadre, l’arrêté du 30 juin 2017, cosigné par le ministre de l’intérieur et la ministre des solidarités et de la santé, a institué une sensibilisation aux « gestes qui sauvent » et défini le contenu et les modalités de la formation. Il convient maintenant de promouvoir cette formation. Cet arrêté prévoit notamment que les professionnels de santé peuvent dispenser la sensibilisation aux « gestes qui sauvent ».
Le cadre réglementaire de l’apprentissage des gestes de premiers secours existe et se renforce. Le nombre de personnes formées augmente régulièrement, notamment chez les jeunes, mais il faut, mesdames, messieurs les sénateurs, dynamiser cette action en favorisant partout les initiatives visant à promouvoir l’appropriation de ces gestes dans la population.
Depuis le décret du 4 mai 2007 relatif à l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes par des personnes non médecins et modifiant le code de la santé publique, « toute personne, même non médecin, est habilitée à utiliser un défibrillateur automatisé externe ». Il convient désormais d’encourager leur installation dans les lieux recevant du public. Si des initiatives sont prises localement pour installer des défibrillateurs, force est de constater qu’elles demeurent encore insuffisantes et manquent parfois de cohérence.
Nous proposons d’établir une obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe pour certains établissements recevant du public, ou ERP, sans préjudice de la décision individuelle d’installation d’un DAE par toute personne jugeant opportun d’y procéder.
L’installation des défibrillateurs automatisés externes au sein des établissements recevant du public, modulée selon la catégorie et la capacité d’accueil de personnes des ERP, présente un intérêt certain en termes de santé publique et a fait l’objet de recommandations par le Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire et par l’Académie nationale de médecine, qui ont souligné l’intérêt d’installation de ces dispositifs médicaux dans les lieux de passage fréquentés par une population importante – gares, centres commerciaux, salles de spectacle –, où statistiquement il se produira des arrêts cardiaques, ainsi que dans les lieux où le risque de mort subite est le plus important, souvent en lien avec un effort physique – 800 sportifs sont victimes d’une mort subite chaque année, dont 10 à 15 professionnels – : stades, équipements sportifs, etc.
L’objectif n’est pas de mettre un défibrillateur à chaque coin de rue, mais de favoriser un maillage pertinent et une couverture optimale du territoire en équipant les lieux publics dans lesquels les accidents sont les plus fréquents, les risques potentiels les plus élevés et le public le plus nombreux.
Si l’on utilise immédiatement un défibrillateur automatisé externe chez une victime en arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire, les chances de survie sont les plus élevées. En effet, les taux de survie, dans les études sur les arrêts cardiaques qui utilisent la défibrillation au cours des toutes premières minutes suivant l’arrêt, sont de 85 % voire plus, contre 3 % à 5 % si l’on ne fait rien.
Par ailleurs, les défibrillateurs automatisés externes sont des dispositifs médicaux dont il convient d’assurer la maintenance. À l’obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe dans les établissements recevant du public est ainsi logiquement jointe une obligation de maintenance desdits appareils par les propriétaires des établissements. Ce dispositif d’urgence doit être en effet en permanence en état de marche pour permettre de sauver des vies. C’est pour cela que la maintenance est indispensable.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, la constitution d’une base nationale de données relatives aux lieux d’implantation des défibrillateurs cardiaques automatisés externes sur l’ensemble du territoire est essentielle. Il faut savoir où trouver un défibrillateur en cas d’urgence. Cette base de données doit permettre à tous de géolocaliser les défibrillateurs automatisés externes à proximité du lieu d’un arrêt cardiaque afin que la personne qui appelle ces services puisse utiliser le défibrillateur conjointement aux gestes de secours, mais aussi de faciliter les opérations de maintenance de ces dispositifs médicaux.
Cette base nationale que nous vous proposons d’instaurer doit être accessible aux services d’incendie et de secours et de soins d’urgence, mais aussi à d’autres opérateurs publics et privés pour faciliter l’accès de la population à ces appareils en cas d’urgence. Je pense notamment aux applications numériques à destination du public.
Un tel dispositif permettra de sauver des centaines de vies et aura un impact évident sur les comportements. La France pourra ainsi enfin rattraper le retard qu’elle a pris par rapport aux autres pays de l’Union européenne.
C’est tout l’objet de cette proposition de loi que je soutiens, car il s’agit d’une réponse forte à un problème de santé publique qui doit fédérer tous les élus.