Intervention de François Grosdidier

Réunion du 13 juin 2018 à 14h30
Utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de François GrosdidierFrançois Grosdidier :

Je l’ai moi-même fait voilà sept ans, dans la commune dont j’étais alors le maire, pour faire taire les mises en cause injustifiées.

L’expérimentation a été immédiatement concluante. Les caméras protègent bien les policiers municipaux contre les mises en cause injustifiées. Elles protègent aussi les citoyens contre d’éventuels excès ou dérapages des policiers. Elles ont également pour effet de faire chuter immédiatement la tension dans près de 90 % des cas lorsque les individus se savent filmés. Enfin, elles fournissent aux juges des éléments objectifs et tangibles. Jamais un juge n’a refusé ces images au motif de l’absence de base légale ; d’ailleurs, les juges acceptent les images prises par la partie adverse.

Mais voilà, pour l’État, gendarmes et policiers seraient des sous-citoyens, seuls à ne pas pouvoir filmer sans autorisation expresse et caméra homologuée.

En 2016, le Gouvernement a tenu à donner un cadre légal à cet usage qui n’avait rien d’illégal. La loi du 3 juin 2016 autorisait expressément l’usage des caméras par les gendarmes et policiers nationaux, mais, pour les policiers municipaux, le limitait à une expérimentation circonscrite aux zones de sécurité prioritaire, les ZSP, selon le vote de l’Assemblée nationale. Le Sénat a bien évidemment étendu cette expérimentation à toutes les polices municipales.

L’expérimentation prenait fin le 4 juin dernier et le Gouvernement n’avait pas prévu de suite, sinon de faire envoyer par tous les préfets une circulaire aux maires, qui sont chefs de police municipale, leur indiquant que, à partir du 5 juin, il fallait remiser les caméras, ces modèles sophistiqués imposés par l’État, souvent peu fiables, coûtant sept fois plus cher que les modèles disponibles dans le commerce.

Madame la ministre, dans certains départements, les préfets demandent aux procureurs de poursuivre les maires ayant décidé de conserver ces caméras pour permettre aux policiers municipaux de filmer, à l’instar de tout autre citoyen. Je vous demande solennellement s’il s’agit d’initiatives personnelles ou d’une instruction ministérielle.

Le Sénat se doit de pallier cette carence de l’exécutif. C’est pourquoi la commission des lois, en particulier son rapporteur, Dany Wattebled, propose de pérenniser cet usage pour les policiers municipaux, auquel Henri Leroy et moi-même tenons beaucoup.

Il s’agit bien de pérenniser et non de prolonger l’expérimentation que l’on savait concluante bien avant que l’État ne la lance, puisque nous l’avions mise en œuvre depuis longtemps.

La caméra est aussi le meilleur régulateur de la relation police-population. C’est d’ailleurs confirmé par le rapport d’évaluation du ministère de l’intérieur en date du 7 juin dernier, un bon rapport même s’il enfonce des portes ouvertes – j’aurais pu vous l’écrire il y a deux ans ! Je vous renvoie au compte rendu de la commission consultative des polices municipales du mois de novembre 2016, où tout cela était déjà exposé.

La caméra est la solution de remplacement au récépissé de contrôle d’identité, qui ne ferait qu’ajouter de la paperasse à la paperasse.

Oui, il faut aussi équiper les sapeurs-pompiers, de plus en plus victimes d’agressions de la part de voyous. Le Sénat a d’ailleurs relevé le niveau des sanctions contre leurs agresseurs au niveau de celles visant les auteurs d’atteintes contre des personnes dépositaires de l’autorité publique ou des magistrats. Reste qu’au tribunal, il faut des preuves. C’est pourquoi il faut équiper les sapeurs-pompiers.

De la même façon, il faut équiper les agents de l’administration pénitentiaire. Les premières zones de non-droit en France, ce sont non pas les quartiers, mais les prisons : surpopulation carcérale, moyens insuffisants et autorité disqualifiée par l’impunité, dans la mesure où des gardiens peuvent être insultés et provoqués à longueur de journée.

La vidéo existe en prison, dans les couloirs, mais sans le son. Il faut l’image et le son pour appuyer les procédures disciplinaires et judiciaires et commencer à rétablir le droit dans ces établissements.

C’est pourquoi la commission des lois a enrichi ce texte.

Nous savons que les communes, pour les polices municipales, et les départements, pour les SDIS, sauront équiper leurs personnels selon leurs besoins.

Nous aimerions avoir la même certitude pour le ministère de l’intérieur, qui peine à équiper policiers et gendarmes. Les modèles sont inadaptés aux brigades anti-criminalité. Des policiers doivent continuer à utiliser leur propre GoPro, achetée à leurs frais.

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