Monsieur le président, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, mes chers collègues, dès le mois de mai 2017, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, s’est emparé d’un enjeu très important, crucial même, pour nos territoires : la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs.
Sous l’impulsion de notre président, Gérard Larcher, et avec le soutien des délégations présidées par Élisabeth Lamure et Jean-Marie Bockel, Martial Bourquin et moi-même nous sommes attaqués à cette problématique, devenue plus qu’un enjeu économique ou commercial : un enjeu de société qui dépasse les clivages politiques.
Nous avons commencé par dresser un diagnostic en juillet 2017. Celui-ci est sans appel : nos cœurs de ville et de bourg meurent. Ainsi, il y a plus de 20 % de vacances commerciales dans de nombreuses villes, jusqu’à 29 % à Calais et 26 % à Vierzon. Nous avons recensé près de 700 villes en grande difficulté et plusieurs centaines de bourgs pôles de centralité qui le sont également.
En matière d’autorisations d’implantations commerciales, nous sommes allés beaucoup trop loin : 14 millions de mètres carrés de surfaces commerciales en France métropolitaine en 2010, 17 millions de mètres carrés en 2017, soit une augmentation de 30 %.
C’est à partir de ce triste état des lieux que nous avons préparé la présente proposition de loi, afin d’agir et de proposer des solutions concrètes.
Nous avons auditionné près de 150 personnes et écouté les 4 000 élus qui ont répondu à une consultation en ligne. Aujourd’hui, vous êtes près de 240 sénateurs et sénatrices, de toutes sensibilités politiques, à avoir apporté votre soutien à notre initiative, ce dont je vous remercie. Mais vous n’êtes pas les seuls, car elle a également le soutien public des différentes associations d’élus – Association des maires de France, Association des maires ruraux de France, Association des petites villes de France –, ainsi que de nombreuses associations professionnelles. C’est bien la preuve que ce texte était très attendu.
Croyez-le, monsieur le ministre, cher Jacques Mézard, notre proposition de loi n’a pas vocation à concurrencer votre plan « Action cœur de ville ». Compte tenu de son antériorité, elle n’a pas été concoctée comme un contre-projet. Au reste, ce n’est pas une pratique sénatoriale, et vous le savez bien. Au contraire, nous la voyons comme un complément, destiné surtout à régler les questions structurelles qui ne sont pas traitées dans le plan ORT, ou opération de revitalisation de territoire.
Notre texte prend le mal à la racine, en s’attaquant aux causes profondes de la dévitalisation, qui sont multiples. Mais il ne s’agit pas de s’attarder sur les causes ; il s’agit de trouver des solutions. C’est tout l’enjeu de cette proposition de loi, qui n’oubliera aucun territoire. Pour ce faire, nous avons voulu prendre des mesures structurelles, avec l’urgence de s’attaquer à la culture de la périphérie et de réguler le e-commerce.
Notre projet est ouvert à toutes les collectivités qui ont un cœur de ville ou de bourg méritant de s’inscrire dans un périmètre « OSER », ou opération de sauvegarde économique et de redynamisation, défini par les élus. Il s’attache à favoriser le repeuplement des centres-villes par la réduction du coût du logement en centre-ville, la réduction du poids des normes et la préservation des services publics en centre-ville. Notre objectif est aussi de rénover et de renforcer le FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, qui a été complètement abandonné. Nous souhaitons également rénover le système de régulation des implantations en périphérie.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont travaillé sur ce texte, notamment les différents rapporteurs, Jean-Pierre Moga, Arnaud Bazin et Jean-Pierre Leleux, avec lesquels nous avons coconstruit et corédigé certaines dispositions.
Nous présenterons ce soir ou demain des amendements visant à dissiper les dernières inquiétudes exprimées sur certains articles, notamment en ce qui concerne la fiscalité. Je souligne d’ores et déjà que, sans cette nouvelle fiscalité, rien ne pourra être fait.
Notre objectif est de rééquilibrer les conditions de concurrence et d’activité entre centre-ville, périphérie et e-commerce. Finalement, ce que nous proposons, c’est un système de bonus-malus destiné à réduire les coûts et les charges en centre-ville. Ce qui passe, entre autres mesures, par l’instauration de deux mécanismes de fiscalité écologique : une contribution sur l’artificialisation des terres et une taxe sur la livraison liée au e-commerce.
Je tiens à dissiper toutes les inquiétudes au sujet de la taxe sur les livraisons du e-commerce. Nous proposerons par voie d’amendement une nouvelle méthode de calcul, fondée sur un pourcentage – 1 % – du prix du bien commandé.
Tels sont, mes chers collègues, les objectifs de ce pacte national de revitalisation, désormais entre vos mains. La question que nous nous sommes posée et que vous devez vous poser à votre tour est : voulons-nous pour demain une ville ou un bourg de centralité accueillant, avec un cœur qui vit et qui bat, avec du lien social et du lien culturel, ou une ville à l’américaine, avec ses friches commerciales ? Allons-nous continuer d’abandonner nos territoires ou leur montrer qu’ils peuvent compter sur nous ?
Adopter cette proposition de loi, c’est non seulement s’opposer à toutes les fatalités, mais surtout « oser » la revitalisation de nos territoires !