La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Philippe Dallier.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises, de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, présentée par MM. Rémy Pointereau, Martial Bourquin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 460, texte de la commission n° 549, rapport n° 548, rapport d’information n° 526, avis n° 500 et 543).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, mes chers collègues, dès le mois de mai 2017, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, s’est emparé d’un enjeu très important, crucial même, pour nos territoires : la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs.
Sous l’impulsion de notre président, Gérard Larcher, et avec le soutien des délégations présidées par Élisabeth Lamure et Jean-Marie Bockel, Martial Bourquin et moi-même nous sommes attaqués à cette problématique, devenue plus qu’un enjeu économique ou commercial : un enjeu de société qui dépasse les clivages politiques.
Nous avons commencé par dresser un diagnostic en juillet 2017. Celui-ci est sans appel : nos cœurs de ville et de bourg meurent. Ainsi, il y a plus de 20 % de vacances commerciales dans de nombreuses villes, jusqu’à 29 % à Calais et 26 % à Vierzon. Nous avons recensé près de 700 villes en grande difficulté et plusieurs centaines de bourgs pôles de centralité qui le sont également.
En matière d’autorisations d’implantations commerciales, nous sommes allés beaucoup trop loin : 14 millions de mètres carrés de surfaces commerciales en France métropolitaine en 2010, 17 millions de mètres carrés en 2017, soit une augmentation de 30 %.
C’est à partir de ce triste état des lieux que nous avons préparé la présente proposition de loi, afin d’agir et de proposer des solutions concrètes.
Nous avons auditionné près de 150 personnes et écouté les 4 000 élus qui ont répondu à une consultation en ligne. Aujourd’hui, vous êtes près de 240 sénateurs et sénatrices, de toutes sensibilités politiques, à avoir apporté votre soutien à notre initiative, ce dont je vous remercie. Mais vous n’êtes pas les seuls, car elle a également le soutien public des différentes associations d’élus – Association des maires de France, Association des maires ruraux de France, Association des petites villes de France –, ainsi que de nombreuses associations professionnelles. C’est bien la preuve que ce texte était très attendu.
Croyez-le, monsieur le ministre, cher Jacques Mézard, notre proposition de loi n’a pas vocation à concurrencer votre plan « Action cœur de ville ». Compte tenu de son antériorité, elle n’a pas été concoctée comme un contre-projet. Au reste, ce n’est pas une pratique sénatoriale, et vous le savez bien. Au contraire, nous la voyons comme un complément, destiné surtout à régler les questions structurelles qui ne sont pas traitées dans le plan ORT, ou opération de revitalisation de territoire.
Notre texte prend le mal à la racine, en s’attaquant aux causes profondes de la dévitalisation, qui sont multiples. Mais il ne s’agit pas de s’attarder sur les causes ; il s’agit de trouver des solutions. C’est tout l’enjeu de cette proposition de loi, qui n’oubliera aucun territoire. Pour ce faire, nous avons voulu prendre des mesures structurelles, avec l’urgence de s’attaquer à la culture de la périphérie et de réguler le e-commerce.
Notre projet est ouvert à toutes les collectivités qui ont un cœur de ville ou de bourg méritant de s’inscrire dans un périmètre « OSER », ou opération de sauvegarde économique et de redynamisation, défini par les élus. Il s’attache à favoriser le repeuplement des centres-villes par la réduction du coût du logement en centre-ville, la réduction du poids des normes et la préservation des services publics en centre-ville. Notre objectif est aussi de rénover et de renforcer le FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, qui a été complètement abandonné. Nous souhaitons également rénover le système de régulation des implantations en périphérie.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont travaillé sur ce texte, notamment les différents rapporteurs, Jean-Pierre Moga, Arnaud Bazin et Jean-Pierre Leleux, avec lesquels nous avons coconstruit et corédigé certaines dispositions.
Nous présenterons ce soir ou demain des amendements visant à dissiper les dernières inquiétudes exprimées sur certains articles, notamment en ce qui concerne la fiscalité. Je souligne d’ores et déjà que, sans cette nouvelle fiscalité, rien ne pourra être fait.
Notre objectif est de rééquilibrer les conditions de concurrence et d’activité entre centre-ville, périphérie et e-commerce. Finalement, ce que nous proposons, c’est un système de bonus-malus destiné à réduire les coûts et les charges en centre-ville. Ce qui passe, entre autres mesures, par l’instauration de deux mécanismes de fiscalité écologique : une contribution sur l’artificialisation des terres et une taxe sur la livraison liée au e-commerce.
Je tiens à dissiper toutes les inquiétudes au sujet de la taxe sur les livraisons du e-commerce. Nous proposerons par voie d’amendement une nouvelle méthode de calcul, fondée sur un pourcentage – 1 % – du prix du bien commandé.
Tels sont, mes chers collègues, les objectifs de ce pacte national de revitalisation, désormais entre vos mains. La question que nous nous sommes posée et que vous devez vous poser à votre tour est : voulons-nous pour demain une ville ou un bourg de centralité accueillant, avec un cœur qui vit et qui bat, avec du lien social et du lien culturel, ou une ville à l’américaine, avec ses friches commerciales ? Allons-nous continuer d’abandonner nos territoires ou leur montrer qu’ils peuvent compter sur nous ?
Adopter cette proposition de loi, c’est non seulement s’opposer à toutes les fatalités, mais surtout « oser » la revitalisation de nos territoires !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, après Rémy Pointereau, avec lequel j’ai travaillé pendant neuf mois, je voudrais pousser un cri d’alerte, un cri d’alarme : nos centres-villes, nos centres-bourgs meurent, et c’est l’identité de nos villes et de nos bourgs qui s’efface ! Avec cette dévitalisation, c’est aussi la dignité des habitants qui est affectée. La culture de l’étalement urbain, la culture de la périphérie, a fait des dégâts considérables.
Quel est l’enjeu de cette proposition de loi ? Tout simplement de proposer une série de mesures fortes et structurelles. Structurelles, car le Sénat, comme défenseur des territoires, a la charge de prendre en compte cette situation, qui ne cesse de se dégrader.
Il s’agit aussi de favoriser le développement des petites entreprises, qui font la prospérité de ces territoires et animent nos centres-villes.
Il s’agit enfin de dépasser des mesures ponctuelles pour redynamiser de façon pérenne les centres-villes et les centres-bourgs. Du correctif, nous en faisons depuis vingt ans ; cette fois, il faut faire du structurant. En d’autres termes, il faut essayer de comprendre pourquoi nos centres-villes se dévitalisent. Deux raisons au moins expliquent ce phénomène.
La première tient au fait que nous avons déplacé les flux de consommation et les flux de services, si bien qu’inévitablement la population habite, parfois travaille et consomme à la périphérie des villes. Si nous ne remédions pas à ce problème, nous ferons du correctif. Le structurant, c’est de donner à la ville, au bourg, toute sa dimension, c’est-à-dire de maximiser la présence de l’ensemble des activités commerciales et de services, des activités sociales et culturelles au centre-ville. Si nous parvenons à le faire, nous pourrons remédier à cette dévitalisation, qui est en cours depuis quelques dizaines d’années.
Il faut avoir la volonté d’agir. Comme l’a dit mon collègue Rémy Pointereau, ce texte comporte plusieurs propositions. Surtout, monsieur le ministre, il y a un projet, mais aussi le financement qui va avec. Et tout cela est tout à fait crédible et réaliste !
Il s’agit simplement de vouloir ! Quand on veut, on peut, et si on le veut vraiment, on parviendra à revitaliser nos centres-villes et nos centres-bourgs !
N’oublions pas ce que René Char disait : « Notre avenir n’est précédé d’aucun testament. » Ne soyons pas la génération d’élus qui aura laissé dépérir ces centres-villes. Nous ne pourrons plus revenir en arrière. Dans beaucoup de territoires, nous pouvons encore revitaliser les centres-villes. Soyons cette génération d’élus qui aura pris conscience du problème et qui aura été capable de proposer une série de mesures efficaces.
Nous devons défendre la ville européenne : depuis la cité grecque, on a toujours concentré l’ensemble des relations commerciales, l’ensemble des relations liées aux services dans le cœur de ville, mais aussi la démocratie, la sociabilité, la cohésion sociale. Ce problème de société est devant nous : il faut nous y attaquer pour y remédier.
Le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit projet de loi ÉLAN, n’est pas concurrent de notre texte. C’est un projet complémentaire. Nous travaillons sur ce problème depuis neuf mois, c’est-à-dire bien avant la mise en place de ce gouvernement. Aujourd’hui, le Sénat, avec son expertise et les 4 000 personnes qu’il a auditionnées, a une série de propositions à faire.
Monsieur le ministre, un savant mixte entre ÉLAN et OSER serait la meilleure des choses ! Je vous invite à faire en sorte que nous puissions travailler ensemble à ce mixte savant. Ainsi, nous pourrons donner de l’élan à OSER. Avec OSER, nous ferons en sorte qu’ÉLAN prenne toute sa dimension !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer l’analyse de la commission des affaires économiques sur cette importante initiative du Sénat.
Notre analyse se résume à cinq affirmations.
Premièrement, nos centres-villes et centres-bourgs ne doivent pas rester en marge de la reprise économique et de la vague d’optimisme qui traversent notre pays. Démographiquement, il n’est d’ailleurs pas normal que nos centres-villes soient moins vivaces aujourd’hui, dans une France de plus de 67 millions d’habitants, qu’ils ne l’étaient en 1980 avec 55 millions d’habitants.
Deuxièmement, sur le plan social, nous devons envoyer un signal fort à une France qui se sent oubliée. Je remarque au passage que, là où les centres-villes sont le mieux préservés, en France comme chez nos voisins européens, le lien social est plus vivace, les actes délictueux sont moins nombreux et l’esprit de cogestion l’emporte sur la conflictualité ou les divisions. Nous savons tous qu’en centre-ville les rideaux métalliques des commerces fermés, les volets clos des premiers étages sont étroitement corrélés avec la montée de la délinquance, de la violence et des extrêmes.
Troisièmement, Rémy Pointereau et Martial Bourquin ont rallié plus de 230 d’entre nous à l’idée que les centres-villes et les centres-bourgs représentent encore plus que la somme des difficultés de logement, d’animation commerciale ou de distorsions fiscales. Il s’agit d’un véritable « enjeu de civilisation ». Cela signifie concrètement que les dégâts créés par l’immobilisme dans ce domaine sont extrêmement préjudiciables à notre pays. On traite souvent les sujets économiques à coups de statistiques savantes, mais n’oublions pas que le facteur psychologique l’emporte largement sur tout le reste.
Quatrièmement, le travail transversal de nos délégations et de nos commissions sur le plan juridique a anticipé un tournant de la jurisprudence européenne. Je rappelle, car c’est l’une des clefs de compréhension du texte, qu’en janvier 2018 le juge européen a fait prévaloir le droit d’un élu local des Pays-Bas à imposer l’installation d’un magasin de chaussures en centre-ville sur la liberté d’installation, c’est-à-dire l’un des piliers des traités européens. Qui aurait parié, dans notre pays, sur un tel résultat ? Rétrospectivement, on peut légitimement se demander si notre fameuse tendance à surtransposer les normes européennes n’a pas contribué à faire de la France la « championne du monde » de la facilité à créer des grandes surfaces, surtout en périphérie.
Cinquièmement, les réactions suscitées par cette proposition de loi au cours des auditions ont été enthousiastes. Je parle surtout ici de son volet normatif, non fiscal. Il s’agit d’une véritable « bouffée d’oxygène » pour les maires ruraux, qui se sentent aujourd’hui pris en étau entre l’inertie et l’illégalité, au moment où il leur faut prendre en compte les transformations profondes des attentes et des modes de vie. Ces maires soulignent que la vélocité de l’action publique locale a beaucoup diminué par rapport aux années 1990 où l’on pouvait agir plus simplement et plus vite : c’est un paramètre clé et un facteur de découragement pour les élus. Nous avons le devoir de répondre aux espoirs que ceux-ci placent en nous.
Je retiens également des auditions que, techniquement et sur le terrain, la réussite de la revitalisation dépendra de deux principaux facteurs.
D’une part, rien ne sera possible si l’on ne met pas la compétence et l’ingénierie à la disposition des territoires qui en ont le plus besoin.
D’autre part, rien ne se fera non plus si l’on n’accorde pas un avantage comparatif aux petits centres-villes en termes d’attractivité. Les recettes pour attirer les opérateurs privés et stimuler l’activité sont connues : avantages fiscaux, simplification des normes, mais aussi innovations majeures comme, par exemple, réserver la primeur de la 5G aux territoires ruraux.
À présent, j’évoquerai l’essentiel des positions prises par la commission des affaires économiques.
À l’article 1er, nous avons, en une seule phrase, donné un socle à cette construction législative d’une trentaine de dispositions. C’est d’abord, monsieur le ministre, un message rassembleur de toutes les initiatives qui poursuivent un objectif similaire et, en particulier, le plan gouvernemental « Action cœur de ville ». C’est également un puissant outil de rééquilibrage de notre tendance à surtransposer le droit européen, qui place la protection des centres-villes au rang de motif impérieux d’intérêt général pouvant justifier des dérogations. Nous traduisons ce motif impérieux en « obligation nationale » pour que tous les acteurs puissent également se saisir des facultés de différenciation et d’expérimentation prévues par notre Constitution. Notre pays attend un desserrement pragmatique du carcan réglementaire : tentons l’expérience avec les centres-villes !
Toujours à l’article 1er, nous avons adopté plusieurs amendements pour mieux prendre en compte l’artisanat, l’animation culturelle et l’attractivité touristique. Nous avons également étendu le périmètre de la revitalisation pour les communes de moins de 10 000 habitants tout en conservant, pour les autres, le plafond de 4 % de la surface urbanisée prévu à ce même article.
(Exclamations amusées sur les travées du groupe Union Centriste.), mais la sagesse sénatoriale l’a emporté ; elle s’exprime au travers de notre texte consensuel !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
L’article 7 sur l’intervention de l’architecte des Bâtiments de France a bien failli déclencher une polémique §
Cet article appelle les architectes des Bâtiments de France au réalisme financier et ouvre la voie – je me tourne une nouvelle fois vers le banc du Gouvernement – à un redéploiement de l’avantage fiscal « Malraux » vers les petits centres-villes qui en ont le plus besoin.
En ce qui concerne l’urbanisme commercial, notre approche est dominée par l’esprit de confiance à l’égard des élus de terrain et la volonté de donner aux dispositifs toute leur capacité opérationnelle. C’est ce qui conduit notre commission à apporter plusieurs correctifs ponctuels et techniques sur ce volet, correctifs qui n’en remettent pas en cause la philosophie générale.
Finalement, avec ce texte, le Sénat agit concrètement sur un sujet d’une importance majeure pour nos territoires. Face à la métropolisation et à des pratiques commerciales qui n’ont fait qu’accélérer le déclin des commerces et des services de proximité et, il faut le dire, d’un certain « vivre ensemble » dans nos villages et nos bourgs, ce texte donne des clefs en intervenant sur une pluralité de thématiques très complémentaires.
Je le répète, nous sommes plus de 230 sénateurs à avoir cosigné ce texte ; pour nos communes, nos centres-bourgs, nos centres-villes, nous devons être une force de proposition et nous avons une obligation de résultat ! Je vous demande donc d’adopter cette proposition de loi, dans le texte issu de nos travaux et sous réserve des amendements sur lesquels nous émettrons un avis favorable.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – M. Martial Bourquin applaudit également.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le travail approfondi conduit sous l’impulsion de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin pour aboutir à la proposition de loi que nous examinons ce soir. Je ne manquerai toutefois pas de saluer le modèle d’initiative parlementaire pour le Sénat que constitue ce texte, d’autant plus que celui-ci porte sur un phénomène, qui est connu de tous et a déjà été évoqué, mais qui constitue sans nul doute l’un des défis majeurs de nos sociétés contemporaines : la dévitalisation croissante d’un grand nombre de nos centres-villes et de nos centres-bourgs.
Contrairement aux projets déjà présentés pour endiguer cette tendance, y compris le dernier plan « Action cœur de ville » du Gouvernement, dont il a été question, le « pacte » porté par la proposition de loi s’inscrit dans une logique de rupture. À un ciblage restreint déterminé par l’État, ce texte préfère un périmètre étendu décidé par les collectivités. À la mobilisation d’outils contractuels agrégeant les financements de plusieurs partenaires, il ajoute l’utilisation d’une palette multiple de leviers, dont des mécanismes fiscaux. C’est à ce titre que la commission des affaires économiques a délégué à notre commission l’examen au fond de neuf articles. Elle a également sollicité notre avis sur six articles.
Prolongeant la démarche ayant animé l’élaboration de la proposition de loi, la commission des finances a fait valoir ses analyses dans un débat fécond avec ses auteurs.
La mobilisation du levier fiscal permet de répondre utilement à certaines difficultés identifiées pour les centres-villes et les centres-bourgs. Il ne saurait toutefois constituer qu’un outil de second rang. En effet, la pression fiscale ne constitue qu’un des facteurs d’implantation d’un commerce. L’existence d’un marché, avec une demande à satisfaire, est indispensable. Il faut donc des infrastructures, des services publics et des logements. C’est pourquoi l’outil normatif doit constituer, avant le levier fiscal, la clé de voûte d’une démarche de revitalisation.
Surtout, compte tenu du niveau élevé des prélèvements obligatoires et de la nécessaire maîtrise des comptes publics, l’outil fiscal doit être manié avec précaution. Son utilisation doit aussi respecter le principe d’égalité devant les charges publiques et se prémunir de risques d’effets de bord, voire d’effets d’aubaine. À cet égard, la définition actuelle du périmètre « OSER » pose quelques difficultés juridiques compte tenu des critères prévus. Afin que les dispositifs fiscaux spécifiques prévus par le texte ne portent pas atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques, une meilleure définition de ce périmètre devra être trouvée à l’occasion de la navette.
Parallèlement, la commission des finances est également consciente que la revitalisation de nos centres-villes et de nos centres-bourgs ne saurait être totale sans moyens financiers. C’est à cette aune qu’elle a procédé à l’examen de la proposition de loi. Dans cette perspective, elle a souhaité faire évoluer le texte sur plusieurs points. Nous y reviendrons lors de l’examen des articles, mais je souhaiterais préciser la démarche globale que nous avons retenue. Celle-ci peut être résumée en deux axes.
D’une part, nous avons procédé à une analyse de la proportionnalité des dépenses fiscales introduites vis-à-vis de leur efficacité escomptée dans la revitalisation de nos centres et dans l’accompagnement de la transition de nos commerces de proximité vers l’économie du XXIe siècle.
D’autre part, nous avons privilégié une utilisation raisonnée du levier fiscal, afin de ne pas alourdir la pression fiscale globale, de réduire les distorsions de concurrence identifiées et d’assurer des recettes pour financer les mesures proposées.
S’agissant des dépenses fiscales, la commission des finances a supprimé l’article 3. Cette position se fonde sur les difficultés juridiques communautaires de l’application de taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée pour certains travaux conduits dans le périmètre « OSER », ainsi que sur le caractère coûteux et peu efficace de l’application de la réduction d’impôt « Pinel » en faveur de l’investissement locatif intermédiaire dans ce même périmètre. L’essentiel du débat portera toutefois sur les articles 26 à 28, qui introduisent de nouvelles taxes ce qui, pour la commission des finances, suscite toujours un mouvement initial de recul.
Considérant les difficultés posées par la taxe sur les livraisons, elle a adopté, comme l’avait fait le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, une taxe analogue à la TASCOM – la taxe sur les surfaces commerciales – pour les entrepôts principalement utilisés pour le e-commerce et les drive.
Un amendement des auteurs de la proposition de loi tend à réintroduire cette taxe dans le texte, mais selon des modalités corrigées, pour tenir compte de nos observations. Plusieurs interrogations subsistent toutefois concernant la capacité de l’administration fiscale à la recouvrer. Cette taxe risque en particulier de porter préjudice, au premier chef, à nos entreprises de e-commerce. Si l’administration pourrait avoir du mal à récupérer des informations sur la distance parcourue pour une livraison d’un bien commandé par Amazon, nul doute qu’elle y parviendra plus facilement pour la FNAC-Darty…
De façon plus globale, la numérisation de l’économie nous impose de procéder à une actualisation du système fiscal. Je crois que nous en sommes tous conscients et convaincus.
Le Sénat, au travers du groupe de travail sur la fiscalité numérique, dont les travaux sont reconnus par l’ensemble des acteurs, y travaille de longue date. De même, le Gouvernement devrait prochainement recevoir un rapport de la mission de l’Inspection générale des finances sur les distorsions de concurrence entre commerce en ligne et commerce physique.
M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ce rapport devrait être rendu public pour compléter notre réflexion.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche. – M. Martial Bourquin applaudit également.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos se concentrera sur l’article 7, qui vise à desserrer les contraintes patrimoniales dans les périmètres « OSER » et dont la commission de la culture s’est saisie pour avis.
Je me souviens qu’il y a moins de deux ans nous débattions dans ce même hémicycle de notre législation en matière de protection du patrimoine. L’un des objectifs de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine – la loi LCAP –, dont j’ai eu l’honneur d’être l’un des deux corapporteurs, avec ma collègue Françoise Férat, était de simplifier le régime des espaces protégés, ainsi que d’associer davantage les collectivités territoriales à leur définition, sans remettre en cause le haut niveau de protection du patrimoine dont jouit notre pays.
Faut-il sensiblement revenir sur des règles qui commencent tout juste à s’appliquer ? Je ne le crois pas. Après tout, nous déplorons sans cesse l’instabilité juridique et la frénésie législative.
Si l’on entre dans le détail de notre législation actuelle et si l’on dépasse l’aspect relationnel, parfois compliqué – j’en conviens –, entre le maire et l’architecte des Bâtiments de France, on se rend compte que l’avis conforme de ce dernier ne constitue pas véritablement un obstacle aux politiques de développement local.
Rappelons d’abord que le fonctionnement des sites patrimoniaux remarquables, les SPR, comme la délimitation des périmètres « intelligents » des abords, désormais appelés à se généraliser, reposent sur des procédures transparentes et concertées, ce qui limite plutôt les risques de contentieux. Ils sont le fruit d’un travail entre l’État, les collectivités territoriales et les citoyens, puisqu’ils sont soumis à enquête publique. C’est pourquoi ils ont un caractère opposable.
Il existe par ailleurs, dans les espaces protégés, des instances de dialogue, qu’il s’agisse de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, la CNPA, ou des commissions régionales éponymes, les CRPA, comme des commissions locales des SPR. La loi LCAP en a d’ailleurs largement revalorisé les attributions et a confié leur présidence à des élus. Celles-ci pourraient constituer des enceintes utiles pour permettre aux maires d’associer, le plus en amont possible, les acteurs du patrimoine aux enjeux des projets de revitalisation.
Ensuite, les chiffres montrent que l’instruction de la demande d’autorisation par l’ABF n’allonge pas démesurément les délais d’examen : ils sont en moyenne de 22 jours sur les deux mois dont il dispose, un délai d’ailleurs réduit de quatre à deux mois au moment de l’examen de la loi LCAP.
La décision de l’ABF apparaît très rarement bloquante : un avis conforme défavorable ne serait rendu que dans 6, 6 % des cas ; ce taux tomberait même à 0, 1 % à la suite des échanges qui s’ensuivent.
Enfin, dernier élément et non des moindres, les recours sont désormais possibles et plutôt efficaces. C’est au préfet de région de trancher les désaccords entre les élus et les ABF, après un dialogue collégial au sein de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture.
Je pense que nous aurions tout à gagner à ce que ces recours soient banalisés, tant ils facilitent le dialogue et permettent de rapprocher les points de vue. J’ajoute qu’ils pourraient constituer une forme de jurisprudence pour l’harmonisation des règles appliquées par les ABF.
Que des relations conflictuelles subsistent entre certains maires et certains ABF, j’en conviens en revanche volontiers. J’en ai fait, comme d’autres, l’expérience au cours de mes années d’élu local. Je suis très conscient que les décisions des ABF sont parfois perçues comme arbitraires. Il faut donc faire en sorte que leurs avis soient plus prévisibles, d’un territoire à l’autre, d’un ABF à l’autre. C’est une nécessité à la fois pour les maires, pour les ABF et pour le patrimoine.
L’instruction transmise par Mme la ministre de la culture aux préfets de région il y a quelques jours, sur la base des préconisations faites par un groupe de travail composé d’élus et d’ABF, dont nos collègues Rémy Pointereau, coauteur de la présente proposition de loi, et Sylvie Robert étaient membres, me semble de bon augure.
La rédaction de l’article 7, telle qu’elle résulte des travaux de la commission des affaires économiques, s’inscrit dans cette logique. Elle vise à renforcer la continuité des avis au travers d’une instruction des ministères chargés du patrimoine et de l’urbanisme et à systématiser le dialogue entre les élus et les ABF en amont du lancement des projets « OSER ». Elle a été toilettée des éléments qui figuraient dans la proposition de loi initiale et qui, soit mettaient inutilement en danger la protection du patrimoine – je pense, entre autres dispositions, à l’avis simple de l’ABF –, soit faisaient courir de réels risques juridiques.
La rédaction qui est soumise au vote du Sénat aujourd’hui est le fruit d’un travail et d’un dialogue entre les auteurs de la proposition de loi, Rémy Pointereau et Martial Bourquin, le rapporteur au fond, Jean-Pierre Moga, et moi-même. Elle constitue un bon compromis entre les enjeux en présence : économiques, financiers, urbanistiques et patrimoniaux. Elle permet de préserver l’approche de protection patrimoniale…
… que notre tradition législative a héritée de la loi Malraux. L’avis conforme est préservé, mais le maire a la garantie d’être écouté.
Quoi qu’il en soit, félicitons-nous de cette proposition de loi qui s’attaque à un fléau de taille, qui gangrène nombre de nos centres-villes, en particulier parmi les villes de petite et moyenne dimension.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Dans ce défi, le patrimoine a tout son rôle à jouer !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer l’initiative des sénateurs Pointereau et Bourquin, qui présentent une proposition de loi traitant d’un sujet majeur pour l’équilibre de nos territoires.
Vous connaissez mon attachement au Sénat. Je suis donc très heureux de voir que la Haute Assemblée est, une fois encore, force de proposition en matière d’aménagement du territoire, en application tout simplement de l’article 24 de la Constitution, que j’ai souvent invoqué ici même. Ce soir, votre assemblée est force de proposition en matière d’aménagement des centres-villes et des centres-bourgs. Je ne peux que m’en féliciter.
Élu local depuis plusieurs décennies, j’ai présidé ma communauté d’agglomération de 2001 à juin 2017. Il s’agit d’une communauté d’agglomération moyenne, qui compte 57 000 habitants. Je me suis rapidement rendu compte des difficultés particulières que rencontraient ces villes moyennes et ces petites villes, difficultés qui ont clairement été aggravées – je n’ai cessé de le dire – par certaines réformes territoriales, en particulier la fusion des régions.
Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit.
Il faut en outre évoquer le phénomène de la métropolisation. Je ne suis pas de ceux qui disent qu’il ne faut pas de métropoles – on a besoin de métropoles, et de métropoles fortes –, mais, comme je l’ai moi-même déclaré il y a quinze mois dans cet hémicycle, vingt-deux métropoles, c’est trop ! Maintenant qu’elles existent, le Gouvernement, dont j’ai l’honneur de faire partie, n’entend pas bouleverser de nouveau la carte territoriale.
En tout cas, ce qui est sûr, c’est que, entre les métropoles, nous avons besoin de villes moyennes et de petites villes qui soient de véritables pôles de centralité. Elles ont une caractéristique, d’ailleurs, c’est d’être en osmose, en relation étroite avec les territoires ruraux les entourant.
Je constate aussi que, depuis les années soixante-dix, aucun plan important n’a été mis en place pour dynamiser ces villes moyennes et ces petites villes. Aucun ! Et cela fait plus de quarante ans ! Quand je suis devenu ministre au mois de juin 2017, il m’est apparu urgent d’élaborer un plan pour venir en aide à un certain nombre de villes moyennes. Oh, j’entends les critiques : 222 villes retenues, ce n’est pas assez, il en faudrait plus ! Si j’en avais retenu 500, on m’aurait de toute façon dit que ce n’était pas assez et qu’il en fallait plus…
Nous avons beaucoup travaillé avec les associations d’élus, en particulier Villes de France, présidée par Caroline Cayeux, qui siégeait il y a peu encore sur vos travées, pour mettre en œuvre une opération simple ne nécessitant ni la création d’une agence ni des structures administratives lourdes, mais permettant d’agréger un certain nombre de moyens : 1, 5 milliard d’euros d’Action logement, 1 milliard d’euros en fonds propres – il ne s’agit pas de recyclage ! – et 700 millions d’euros en prêts de la Caisse des dépôts et consignations ainsi que 1, 2 milliard d’euros de l’Agence nationale de l’habitat.
On peut me dire que ce n’est pas structurel, mais, pour les 222 villes retenues – Jean-Pierre Leleux ne me dira pas le contraire –, c’est tout de même un levier pour les dynamiser. Certes, toutes ne sont pas confrontées à de grandes difficultés, mais on peut considérer qu’un grand nombre d’entre elles ont accumulé, au fil des ans, des caractéristiques assez similaires : vacance de logements et de commerces – l’un allant souvent avec l’autre, d’ailleurs –, difficultés en termes de mobilité et sur le plan économique. Il était donc nécessaire d’agir, et d’agir vite, d’où ce programme « Action cœur de ville », auquel Rémy Pointereau et Martial Bourquin ont fait référence.
Je ne vois pas dans leur proposition de loi une concurrence, mais un complément.
Ah ! sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Le fait que cette proposition de loi soit complémentaire ne signifie pas qu’elle soit similaire au projet gouvernemental. Cela veut dire qu’il y aura débat à l’occasion de l’examen du projet de loi ÉLAN, dans lequel, d’ailleurs, je souhaite que nous puissions intégrer un maximum de ses dispositions. Reste que je ne prendrai pas position, ce soir, sur les mesures fiscales que vous proposez : je ne suis pas ministre de l’économie et des finances…
Sourires.
De nombreuses mesures contenues dans cette proposition de loi méritent d’être étudiées et même, nous nous en sommes entretenus avec certains de leurs initiateurs, que nous examinions les conditions dans lesquelles nous pouvons les promouvoir dans le cadre des dispositions législatives découlant du projet gouvernemental.
Je tiens à le signaler aussi, le travail que nous avons réalisé a été mené en concertation avec les collectivités locales, ainsi, bien sûr, qu’avec Villes de France – si je ne suis pas avec vous demain, pour la suite de ce débat, c’est que je serai au congrès de cette association, à Cognac –, mais aussi certains conseils régionaux et conseils départementaux, avec qui nous travaillons à la réalisation d’opérations complémentaires, dans l’intérêt des petites villes et des villes moyennes. J’étais la semaine dernière à Metz et Lunéville pour lancer la première convention « Action cœur de ville ». Nous avons ainsi convenu avec Jean Rottner, le président de la région Grand Est, de mener un travail complémentaire sur un ensemble de villes moyennes et petites. Je parle bien de « complémentarité », et ce dans une optique de servir l’intérêt général.
Je suis également en concertation avec d’autres présidents de région, notamment celui de la région Auvergne-Rhône-Alpes et celui de la région Centre. C’est ainsi, je crois, qu’il faut avancer. Il y a des questions d’opportunité – je pense au financement de certaines opérations –, liées à une urgence à agir, en particulier dans le domaine du logement et du commerce, mais nous devons aussi avancer sur un certain nombre de dispositions structurelles.
Comme vous le savez – les auteurs de la proposition de loi l’ont relevé –, le programme que j’ai mis en place pourra s’articuler autour d’un dispositif intégrateur unique : l’opération de revitalisation de territoire, prévue à l’article 54 du projet de loi ÉLAN, qui, tout juste voté par l’Assemblée nationale, viendra prochainement devant la Haute Assemblée.
Je souhaite préciser, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, que, contrairement à ce que j’ai pu entendre, l’ORT a vocation à s’adresser, non seulement aux 222 villes et intercommunalités retenues dans le plan « Action cœur de ville », mais aussi, plus largement, à toutes les collectivités désireuses de s’emparer d’un outil opérationnel de revitalisation de leur centre-ville. Cet outil prévu par le projet de loi ÉLAN – plus que la dénomination, c’est l’instrument qui me paraît essentiel – pourra donc être utilisé par toutes les villes qui le souhaitent.
Le Gouvernement, je l’ai dit, est en accord avec nombre de mesures contenues dans la présente proposition de loi. D’ailleurs, et c’est heureux puisque nous sommes partis des mêmes bilans et des mêmes constatations, certaines de ces dispositions m’apparaissent très proches de celles qui sont actuellement discutées dans le cadre de l’examen du projet de loi ÉLAN.
Parmi les dispositifs voisins, et potentiellement similaires, on peut citer la définition d’un périmètre de revitalisation – « OSER » dans la proposition de loi -, qui correspond globalement à l’opération de revitalisation de territoire inscrite dans notre projet de loi. Je pense aussi à la constitution d’une agence nationale permettant de coordonner les différentes actions publiques. Nous agissons, là aussi, en parallèle – des parallèles ont la caractéristique de ne pas se rejoindre ; en ce qui nous concerne, il vaudrait mieux que nous nous rejoignions –, car l’agence nationale de la cohésion des territoires devrait pouvoir intégrer une telle mission. Son préfigurateur, le préfet Serge Morvan, doit nous rendre ses conclusions dans les tout prochains jours. Sur ces sujets – et là, nous parlons de dispositions structurelles –, nos approches sont similaires.
Cette proposition de loi affiche d’autres évolutions intéressantes et innovantes, notamment en matière d’urbanisme commercial.
Tous, nous pouvons dresser un certain nombre de constats sur les déséquilibres existants en matière d’urbanisme commercial, mais ces déséquilibres n’affectent pas de la même manière tous les territoires, les différences entre ces derniers étant parfois considérables. Si, dans le cadre du projet de loi ÉLAN, je n’ai pas été favorable à un moratoire général sur les centres commerciaux en périphérie, c’est parce que, dans certains endroits, il ne faudrait pas préserver ou protéger de manière excessive des monopoles.
La situation diffère selon les territoires, disais-je. Par conséquent, il faut mettre en place des dispositifs permettant qu’un certain nombre de décisions soient prises au niveau local, et ce, même si le pouvoir préfectoral peut être utilisé pour cela, en collaboration et en concertation avec les élus locaux.
Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, si la Haute Assemblée en est d’accord et pour accélérer l’adoption de certaines dispositions contenues dans cette proposition de loi, je vous propose que nous puissions insérer celles sur lesquelles nous tomberons d’accord dans le projet de loi examiné prochainement. Faisons du calendrier parlementaire et de l’examen quasi concomitant de ces deux textes une force ! Cela permettra d’aller plus vite, tout en évitant l’éparpillement de mesures dans différents textes de loi.
Si vous le permettez, j’aimerais m’attarder sur deux thématiques spécifiques évoquées dans votre proposition de loi, qui méritent une attention particulière.
Je ne parlerai pas ce soir, cher Jean-Pierre Leleux, des ABF. Après l’ode que vous leur avez faite, je ne pense pas judicieux de poursuivre le débat.
Nous y reviendrons ultérieurement, avec nos expériences réciproques, à défaut d’être communes.
D’une part, plusieurs propositions relèvent de l’urbanisme et d’une amélioration des outils de planification, le but étant de permettre aux élus de mieux s’emparer de ce sujet. Ces mesures peuvent s’inscrire dans les objectifs de notre projet de loi, qui a permis de faire avancer le travail de concertation vers une planification urbaine agile en matière de commerce, avec, effectivement, et même si, comme vous, je ne raffole pas de ce type d’outils, une ordonnance sur la simplification et la modernisation des SCOT, les schémas de cohérence territoriale.
D’autre part, s’agissant de la régulation de l’aménagement commercial, nous avons souhaité supprimer tout seuil de déclenchement d’une commission départementale d’aménagement commercial, ou CDAC, lorsque le projet consiste à implanter une surface en centre-ville, le seuil actuel étant de 1 000 mètres carrés. Cette question complexe a donné lieu à de multiples amendements lors de l’examen du projet de loi ÉLAN à l’Assemblée nationale et motive certaines de vos propositions. Par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale, je le dis très clairement, je suis ouvert à la discussion. Souhaitant que nous puissions avancer ensemble, je suis prêt à retravailler la question avec vous dès maintenant, dans le cadre de ce texte.
Parmi les autres pistes de réflexion avancées dans la proposition de loi figurent, à juste titre, le fonctionnement des CDAC, leur composition, leur échelle – départementale ou régionale –, les seuils d’analyse des dossiers et l’effectivité de leur décision. Certains d’entre vous ont siégé dans des CDAC et, auparavant, dans des CDEC et ont géré des exécutifs municipaux à l’époque où nous pouvions cumuler…
Rires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Je ne pouvais pas résister à faire ce rappel à l’excellent sénateur Bourquin…
Ceux-là ont pu, à cette époque, se rendre compte des difficultés de fonctionnement de ces commissions, qu’elles aient revêtu une forme ou une autre. À un moment, on nous a dit : « Il ne faut plus de représentants des chambres consulaires » ; à un autre moment : « Il faut qu’ils siègent »… Un coup ils entraient, un coup ils sortaient ! C’est la réalité du fonctionnement, y compris des commissions nationales, que nous avons connu, et l’on pourrait épiloguer longuement sur les dossiers et les délais de procédure.
Effectivement, du travail reste à faire. Mais tout cela est extrêmement difficile, car de nombreuses expérimentations ont été menées depuis une trentaine d’années, qui n’ont pas forcément donné satisfaction à tout le monde. D’ailleurs, si nous débattons encore des questions d’urbanisme commercial, c’est bien que les solutions mises en place n’étaient pas forcément les meilleures. Je n’en fais grief à personne, car nous en portons tous la responsabilité, depuis plusieurs décennies.
Nous avons considéré que ces questions appelaient une concertation et l’élaboration de bilans de fond, ce que nous avons fait dans le cadre du réseau « Commerce, ville et territoire », sous l’égide du ministère de l’économie et du ministère de la cohésion des territoires. Les concertations menées jusqu’à présent ont montré des positions divergentes sur les propositions d’équilibrage entre stratégie de territoires et commission de régulation. La question n’est donc pas encore résolue et mérite d’être approfondie. Sur ce point, également, je suis ouvert à la discussion.
Je souligne par ailleurs, cela a été rappelé par des intervenants précédents, que le Gouvernement a diligenté plusieurs études sur le sujet, qui ont permis de progresser. C’est le cas du rapport sur la revitalisation commerciale des villes petites et moyennes, que j’avais demandé à André Marcon et qu’il m’a remis voilà quelques semaines.
D’autres études sont en cours, notamment un rapport de l’Inspection générale des finances traitant de l’équité fiscale entre commerce physique et commerce électronique – j’ai vu avec intérêt que c’était l’un des sujets d’importance traités dans le cadre de cette proposition de loi –, ou le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable portant sur les villes moyennes.
C’est donc un travail important qui a été réalisé, et dont il reste aujourd’hui à tirer la substantifique moelle.
Aussi vous comprendrez que les mesures fiscales contenues dans cette proposition de loi soient mises en perspective avec les conclusions du rapport commandé par le Gouvernement à l’IGF, dont nous connaîtrons les conclusions à la fin de ce mois.
Enfin, il y aura les différents retours d’expérience du plan « Action cœur de ville », désormais lancé – ce sont 50 conventions qui seront signées d’ici à la fin du mois de juillet et 222 d’ici la fin du mois de septembre –, ainsi que les retours d’expérience de l’utilisation de l’opération de revitalisation de territoire et de l’appel à projets « Repenser la périphérie commerciale », placé sous l’égide de mon ministère.
Tout cela permettra de faire émerger les bonnes pratiques, qui viendront nourrir les futures évolutions législatives. Je pense, notamment, à l’application de la dérogation aux autorisations d’aménagement commercial en centre-ville et aux mesures opérationnelles mises en place pour revitaliser ces centres-villes.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques observations que je voulais formuler préalablement à la discussion de cette proposition de loi, que le Gouvernement considère avec sagesse. Comme la sagesse est aussi l’une des vertus du Sénat, je ne doute pas que nous pourrons trouver, ensemble, des solutions.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au plus proche des problématiques des territoires, le Sénat est, avec cette initiative de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises, pleinement dans son rôle de représentant des collectivités territoriales.
Depuis des siècles, la mémoire des Français entretient un lien particulier avec l’idéal mythifié du « village », qui s’incarne dans une certaine idée d’une France paisible et immuable. Le village de l’affiche « La force tranquille » de François Mitterrand pour l’élection présidentielle de 1981…
… s’inscrivait dans cette tradition. Et, dans cette mémoire, l’image même des centres-bourgs s’inscrit totalement. Pourtant, nous sommes en train de vivre ce que le sociologue Jean-Pierre Le Goff appelle la « fin du village », c’est-à-dire la disparition d’une société autrefois organisée autour d’une communauté de production – avec ses marchands, ses artisans –, mais également d’un espace socialement signifiant.
« Les sentiments et les idées ne se renouvellent, le cœur ne s’agrandit et l’esprit humain ne se développe que par l’action réciproque des hommes les uns sur les autres », alertait déjà Tocqueville en son temps. Oui, dans ces villes trop hâtivement qualifiées de moyennes, on ne se croise qu’à peine, on ne se parle plus guère ! Ne soyons donc pas surpris du sentiment de délaissement que peuvent éprouver leurs habitants, ni de la montée des extrêmes.
Soyons honnêtes : ce processus de transformation s’est déroulé sur des décennies, lentement, par l’action comme par l’inaction. La responsabilité en est d’ailleurs partagée par les élus et les gouvernements successifs. C’est ainsi que l’espace de nos centres-villes a été remodelé par la fuite des équipements attractifs, la disparition du petit commerce au profit des grandes surfaces, le recul des services publics, mais aussi la multiplication des lotissements.
Bien sûr, et malgré le carcan des normes qui les contraignent, il faut saluer l’engagement constant des élus locaux pour faire vivre leur territoire, en particulier les lieux d’échange et de lien social : construction de musées, organisation de festivals, sauvegarde et valorisation du patrimoine.
Mes chers collègues, disons-le clairement, cette proposition de loi ne va pas révolutionner la vie des centres-bourgs. En revanche, mes collègues du RDSE et moi-même estimons qu’elle a le mérite de mettre en lumière la question de la dévitalisation des centres-bourgs et d’avancer des solutions, quand bien même l’économie peut en être discutée. Plus largement, c’est tout un cycle de débats qui débute, avec, en perspective, le plan « Action cœur de ville » et le projet de loi ÉLAN.
Néanmoins la philosophie de cette proposition de loi doit être saluée, à commencer par la volonté de réduire le poids des normes pesant sur les élus. Il est ainsi évident que l’expérimentation doit être renforcée, dans un contexte où les maires des communes petites et moyennes rencontrent plus de difficultés que les maires des grandes villes, par manque de moyens, d’ingénierie. Sans omettre le fait que l’offre intercommunale ne leur donne pas toujours la réponse attendue.
Dans le même esprit, les élus locaux des petites communes, qui ne disposent pas de service d’urbanisme pour monter les dossiers, sont parfois très désemparés devant les avis des ABF. Nous attendons une uniformisation des pratiques et plus de compréhension. À ce titre, l’introduction d’orientations applicables par les ABF va dans le bon sens.
La proposition de loi s’appuie également sur un large volet fiscal, destiné au financement des mesures qu’elle propose.
Sur la forme, il est évident que de telles mesures auraient bien plus leur place en loi de finances, par souci de cohérence.
Sur le fond, on peut s’interroger sur la pertinence d’un certain nombre de dispositifs. Je pense ainsi à la taxe sur les livraisons électroniques, calculée en kilomètres parcourus entre le dernier lieu de stockage et le point de livraison. À l’évidence, une telle mesure risque de pénaliser le monde rural, alors qu’un forfait serait plus à propos.
Dans le même registre, si la lutte contre l’artificialisation des terres est un objectif important, la taxe sur les entrepôts et les drive pourrait aboutir à créer un système favorisant les livraisons depuis l’étranger, pénalisant la compétitivité française.
Enfin, comme membre de la commission des finances, je m’interroge sur la compatibilité avec le droit communautaire de l’instauration de taux réduits de TVA pour les programmes mixtes des zones « OSER », au risque, aussi, d’instituer des mesures plus favorables que pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Parallèlement, on peut toujours renommer le FISAC… L’alimenter serait encore mieux ! Surtout, il convient de ne pas en exclure les réseaux de stations-service indépendants en zone rurale, lorsque l’on sait à quel point le carburant est un produit de première nécessité en zone non urbaine, …
… et ce même si l’on a abaissé la vitesse à 80 kilomètres par heure !
D’autres mesures, encore, suscitent notre interrogation – c’est peu de le dire.
Pourquoi mettre en concurrence les zones « OSER » avec l’opération de revitalisation de territoire, l’ORT, qui cherche à atteindre les mêmes objectifs ? Nous en discuterons prochainement dans le cadre du projet de loi ÉLAN. Je rappelle que l’ORT n’est pas réservée aux 222 territoires du plan « Action cœur de ville ».
Pourquoi vouloir mettre sur pied une agence nationale pour les centres-villes et les centres-bourgs, au risque d’engendrer un effet de silo pour l’appui aux collectivités, alors que l’agence nationale pour la cohésion des territoires est en voie de concrétisation ? À notre sens, l’accent doit être mis, au contraire, sur la mutualisation des moyens d’ingénierie et d’intervention publiques.
Mes chers collègues, le Sénat remplit aujourd’hui son rôle de législateur et de représentant des collectivités. Nous devons nous en féliciter.
Avec pour seul souci l’intérêt de nos territoires, le groupe du RDSE sera attentif à la discussion de ce texte, car nous partageons l’objectif de donner un souffle nouveau à nos centres-bourgs. Non, la dévitalisation n’est pas une fatalité !
Restons humbles devant la tâche qui nous attend, celle d’imaginer de nouveaux équilibres entre métropoles et ruralités, entre centres-bourgs et espaces périurbains. Ce texte est une première étape. Pour notre part – nous sommes à la période des examens –, nous y voyons un bac blanc, précédant de quelques semaines le grand oral auquel, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous attellerons.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par MM. Bourquin et Pointereau et plusieurs de mes collègues nous donne aujourd’hui l’occasion d’aborder un sujet qui nous est cher à tous : l’avenir de nos centres-villes et centres-bourgs.
Depuis plusieurs années, nos concitoyens et nous-mêmes, souvent élus locaux, constatons la dégradation du bâti, la baisse de la population, l’activité économique bien souvent en déclin et les commerces en berne dans nos villes. Les modes de vie et de consommation ont évolué, le numérique a bouleversé nos habitudes, et nous avons parfois trop facilement autorisé tel ou tel développement commercial.
En tant que chambre des territoires, le Sénat doit se saisir de ce sujet et proposer des solutions concrètes pour demain. Ainsi, je souhaite saluer le travail de fond que mes collègues auteurs de la proposition de loi ont mené depuis plusieurs mois, à travers le groupe de travail transpartisan dédié.
Les propositions qui nous sont faites ce soir méritent notre plus grande attention et un débat apaisé. Plusieurs mesures vont en effet dans le bon sens : rôle de l’EPARECA, l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux ; obtention des AEC, les autorisations d’exploitation commerciale ; lutte contre le départ des services publics ; dérogation expérimentale de certaines normes ; rôle et composition des CDAC… Le financement de certaines mesures est toutefois à préciser.
Dans le prolongement du plan « Action cœur de ville » que vous portez, monsieur le ministre, l’article 54 du projet de loi ÉLAN tend à créer l’opération de requalification de territoire. Cet outil vise les mêmes objectifs que les périmètres « OSER ». Il ne se limite pas aux 222 territoires éligibles au plan, comme l’affirment certains, mais pourra être mobilisé – vous venez de l’indiquer – par toute collectivité souhaitant entrer dans la démarche.
À l’Assemblée nationale, cet article 54 a été largement enrichi, d’ailleurs par des mesures parfois similaires à celles que nous allons discuter ce soir et demain. Cela montre que nous marchons ensemble dans la bonne direction.
Mme Noëlle Rauscent. Alors, plutôt que de multiplier les véhicules législatifs, enrichissons celui qui est en cours de navette. Profitons des débats à venir pour dégager le meilleur pour nos villes et nos territoires !
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est le fruit d’une longue concertation, ancrée dans le constat d’une dégradation de la situation des centres-villes et centres-bourgs. En découle la nécessité d’une action spécifique et transversale sur ces espaces urbains, facteurs de dynamisme et d’attractivité pour nos communes.
Développement des surfaces commerciales en périphérie, e-commerce, départ ou fermeture pure et simple des services publics – des services au public –, en matière d’offre de soins par exemple, recul de l’offre culturelle sont quelques-unes des principales causes de désaffection de ces centres-villes. S’y ajoute un phénomène général de métropolisation, accompagnée d’une hyperconcentration, et de désertification des zones rurales et périphériques.
Nous pouvons compléter utilement ce constat, en mettant en avant une dimension sociale indéniable, qui exclut une partie de la population de certains quartiers hors de prix, comme d’un certain type de commerces, par exemple de proximité et indépendants. Le pouvoir d’achat influe beaucoup sur les modes de vie et de consommation.
Tout cela, sans oublier l’aggravation des difficultés des collectivités territoriales et le désengagement de l’État s’agissant de ses missions d’accompagnement des territoires.
L’objectif est donc de protéger les centres-villes et centres-bourgs, de maintenir une offre commerciale, de lutter contre la vacance de logements, de conserver la présence de services publics, de lutter contre la désertification médicale, de faire revenir de la vie, de recréer du lien social, sans négliger l’enjeu écologique afin d’éviter le mitage des terrains naturels et lutter contre l’étalement urbain.
La proposition de loi se veut une réponse adaptée à l’ensemble de ces enjeux et attendue par les élus locaux et la population. Une réponse élaborée avec la préoccupation de donner les outils aux collectivités territoriales, indépendamment de leur taille, de leur « laisser la main », à l’opposé de la logique recentralisatrice du plan gouvernemental « Action cœur de ville ».
Or, mes chers collègues, vous connaissez notre attachement à la maîtrise, par les élus locaux eux-mêmes, de leur urbanisme. C’est un élément de libre administration territoriale.
Le texte vise donc à tourner le dos à des décennies de mode de développement urbain hors des centres-villes, une culture, presque, encouragée et mise en œuvre par de nombreux élus eux-mêmes. Il est parfois plus facile et moins onéreux, il faut le reconnaître, de construire sur des terrains en périphérie que de densifier ou réhabiliter en centre urbain.
Mais la proposition de loi remet également en cause la pertinence de lois ayant libéralisé et déréglementé, à la fois, l’urbanisme et le développement économique dans les territoires, au nom de la simplification et de la concurrence libre et non faussée. Elle remet tout autant en cause la pertinence de choix politiques d’austérité et de réduction de la dépense publique, qui ont conduit à l’hypermétropolisation et l’abandon des territoires fragiles et enclavés.
Sur le fond, nous partageons la plupart des dispositions qui donnent aux collectivités des outils afin de maîtriser leur développement et lutter contre la multiplication des surfaces commerciales en zone périphérique.
Nous sommes ainsi favorables à la création d’une agence nationale pour les centres-villes et les centres-bourgs et à la définition de périmètres d’opération de sauvegarde économique et de redynamisation.
Nous partageons la volonté d’une meilleure maîtrise de l’urbanisme commercial et soutenons le renforcement du rôle des schémas directeurs sur ces questions, comme les mécanismes d’autorisation d’installation commerciale permettant un meilleur contrôle.
Pour ce qui est des mesures dites « fiscales », nous sommes favorables à ce que les entrepôts et drive soient davantage mis à contribution. Le e-commerce prospère sur les lacunes de notre droit et crée une concurrence déloyale.
Nous partageons également l’idée d’une fiscalité qui pénalise l’étalement urbain, même si l’on ne peut se satisfaire de taxer le mitage sans l’empêcher réellement.
En revanche, nous sommes opposés aux mesures d’exonérations fiscales ou sociales, que ce soit pour la construction, pour la transmission d’entreprise ou autres. Nous sommes donc satisfaits que ces articles aient été supprimés en commission, notamment l’article 3, qui instaurait une sorte de Pinel des centres-bourgs et centres-villes, et l’article 12, sur la transmission d’entreprise. Ces dispositifs induisent le plus souvent des effets d’aubaine et n’ont jamais prouvé leur efficacité réelle, pour un coût souvent sous-estimé pour les deniers publics. Nous serons vigilants lors de l’examen des amendements.
Nous sommes également satisfaits que la commission de la culture ait rétabli l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France, tout comme nous approuvons, en en mesurant les limites, la possibilité donnée aux communes de « s’opposer » à la fermeture et au transfert d’un service public, ainsi que le dispositif incitatif à l’implantation ou au retour de services médicaux dans les centres-villes.
En revanche, nous restons, opposés à l’expérimentation de la simplification des normes, notamment des normes environnementales et des normes d’accessibilité. Cette faculté reviendrait à mettre le doigt dans l’engrenage dangereux de la dérégulation.
Pour finir, je rappelle que, dans un sondage récent, les habitants ont formulé trois priorités en matière d’aménagement des centres-villes : la piétonnisation des rues, les commerces alimentaires et les transports en commun. Nous pensons que la problématique de la mobilité aurait pu être abordée par cette proposition de loi.
Considérant qu’il apporte un certain nombre des réponses adaptées à un constat partagé et se résume, à la suite de l’examen en commission, en une série de bonnes intentions, nous voterons ce texte comme un signal envoyé au Gouvernement sur l’attention à porter aux centres-villes et centres-bourg, notamment en vue de la discussion du projet de loi ÉLAN.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Pillet applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos villes et nos villages affrontent, depuis plusieurs années, l’urgence. Cette urgence est connue : c’est celle de la dévitalisation commerciale, du déclin de l’habitat, de la déprise démographique et de la disparition progressive d’espaces publics propices au maintien du lien social. Elle touche de très nombreux centres-villes et de très nombreux centres-bourgs. Nous y apportons une réponse aujourd’hui, avec ce pacte national de revitalisation commerciale.
La proposition de loi, guidée par l’impérieuse nécessité d’agir face à la fragilisation territoriale, n’a cependant pas souffert de la précipitation. Elle est le fruit d’une réflexion de plusieurs mois. Elle est l’aboutissement d’un riche travail d’expertise, d’auditions et de consultations, qui a permis la production d’un rapport d’information, présenté le 20 juillet 2017.
Pour empêcher l’irréversible délitement, les sénatrices et les sénateurs, avec plus de 230 cosignataires, ont été à la hauteur du défi territorial auquel notre pays fait face, conformément à la tradition du Sénat, à son utilité et à sa raison d’être. Ils l’ont été à plusieurs titres.
Ils l’ont été, d’une part, en dépassant les clivages partisans. L’intérêt général méritait ce dialogue et cette convergence des groupes politiques. Je remercie les auteurs, Martial Bourquin et Rémy Pointereau, d’avoir adopté une méthode de travail qui a rendu possible cette « prouesse ».
Ils l’ont été, d’autre part, en s’appuyant sur l’expérience de plus de 4 000 élus locaux, lesquels sont les premiers, au quotidien, à vivre cette dévitalisation.
Adopter cette confiance décentralisatrice offre la garantie du pragmatisme. Nous ne pouvons construire des solutions réalistes si nous ne collons pas aux nécessités du local, au plus près du terrain.
Avec la création des territoires « OSER », nous avons l’ambition de mettre à disposition un ensemble complet de mesures pour permettre aux élus d’affronter l’enjeu de la revitalisation commerciale des centres et de répondre à la question de l’attractivité et de la préservation du lien social dans leurs communes.
Je le répète, la proposition de loi fait confiance aux élus locaux. Elle s’inscrit dans le sens de la justesse et de l’efficacité décentralisatrice. Elle concerne tous les centres des communes qui respectent les critères.
Je veux le dire avec force : la sauvegarde de nos centres ne doit pas dépendre de la foudre jacobine.
Le Gouvernement a choisi arbitrairement 222 villes pour bénéficier des ORT, dans le cadre du plan « Action cœur de ville ». Ce n’est pas suffisant, même si c’est l’un des éléments de la réponse.
L’heure n’est pas à l’expérimentation. L’heure est à l’action, à une action réfléchie. C’est ce que nous proposons aujourd’hui avec cette proposition de loi.
Au nom du groupe socialiste, nous défendrons plusieurs amendements. Nous souhaitons garantir la bonne inclusion des communes très rurales et des communes d’outre-mer dans le dispositif « OSER ». Nous accordons une attention particulière à ne pas légiférer uniquement pour la métropole urbaine. N’oublions jamais que la ruralité et les territoires ultramarins appartiennent à notre République ! Tel est le sens des amendements que présenteront mes collègues Franck Montaugé et Catherine Conconne.
L’examen en séance doit aussi être l’occasion de consolider le compromis adopté par la commission de la culture pour assurer l’harmonie entre la nécessité de revitalisation et la protection du patrimoine. C’est l’enjeu des trois sous-amendements que défendront Marie-Pierre Monier et Sylvie Robert.
Enfin, je présenterai un amendement pour renforcer le recours à l’expertise des chambres de commerce et d’industrie, des chambres de métiers et de l’artisanat et des chambres d’agriculture en amont de l’examen des demandes d’implantation commerciale par la CDAC.
Monsieur le ministre, pour développer les ORT dans les 222 villes désignées, vous prévoyez de mobiliser 1 milliard d’euros par an. Pour mettre en place les OSER dans les centres de plus de 700 communes et bourgs, la proposition de loi prévoit d’investir la même somme. Vous le voyez, il s’agit donc non pas d’une question de finances publiques, mais bel et bien d’un enjeu de cohésion territoriale.
Le Sénat a pris ses responsabilités en se rassemblant sur l’essentiel. Faites confiance au minutieux travail de notre assemblée ! Faites confiance aux milliers d’élus locaux qui ont exprimé leurs besoins et leurs attentes. Faites confiance aux acteurs économiques concernés, qui ont partagé leur expertise durant les nombreuses auditions.
Nous avons fait notre part du chemin. Nous avons répondu présents, dans l’intérêt de la préservation de l’équilibre territorial de notre pays. Vous avez, ce soir, fait un premier pas, en indiquant que vous pourriez insérer dans le projet de loi ÉLAN quelques dispositifs « OSER ». Nous attendrons donc la fin de l’examen de la proposition de loi pour savoir si vous êtes au rendez-vous, non pas de vos promesses, mais de la préservation de la conception européenne des communes françaises.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dévitalisation des centres-villes n’épargne aucune région de France.
La proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs se fait l’écho d’un constat sans appel et d’une réalité quotidienne vécue par les élus et par les habitants. Le groupe Les Indépendants salue cette démarche, portée par Rémy Pointereau et Martial Bourquin, ainsi que par l’ensemble des sénateurs qui y ont contribué.
« Ne laissons pas s’éteindre les dernières lumières de la ville. » Ce cri d’alarme, lancé dans une tribune du journal Les Échos par les présidents de trois fédérations de commerces de proximité est éloquent, et nous y sommes sensibles.
Si nous n’agissons pas aujourd’hui, les enseignes clignotantes des grandes surfaces à la périphérie des villes remplaceront, demain, nos clochers, nos pharmacies, nos librairies et les derniers commerces de bouche qui animent encore les centres. Des trompe-l’œil peints sur la tôle grise des boutiques à vendre feront figure de cache-misère, tandis que les services publics s’éloigneront toujours plus des habitants, faisant de nos villes et de nos villages des cités fantômes sans devenir.
Ce constat sans appel est plus qu’une réalité quotidienne : c’est la suite logique d’un ensemble de choix de société qui a mené à ce qu’on appelle « la dévitalisation urbaine », conséquence directe de l’étalement urbain. La France est l’un des pays d’Europe qui comptent le plus grand nombre de centres commerciaux. Les mastodontes de la grande distribution et leur concurrence implacable ont grignoté jour après jour les marges des artisans et commerçants, menacés d’asphyxie. Le foisonnement de normes malheureuses, c’est-à-dire subsidiaires, décourage les nouvelles initiatives et affaiblit les normes nécessaires.
Depuis des années, les villes se vident, depuis leur centre, d’une lente hémorragie. Le taux de la population française qui vit dans des territoires en déshérence s’élève entre 20 % et 25 %. Le taux de vacance commerciale gagne 1 point par an dans plus de la moitié des centres des villes moyennes, tandis que les zones commerciales s’étendent en périphérie, au détriment des surfaces agricoles et des espaces naturels. À ce titre, le groupe dont je me fais le porte-parole a déposé un amendement visant à inscrire dans la loi l’objectif de zéro artificialisation nette du territoire d’ici à 2025.
Le programme « Action cœur de ville » mis en œuvre par le Gouvernement a fait 222 heureux gagnants, qui vont pouvoir bénéficier d’une aide particulière de l’État, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Il faut saluer cette initiative gouvernementale. Mais, comme tout programme ciblé, et même si vous avez précisé que d’autres pouvaient en profiter, ce plan ne peut traiter les problèmes d’un bon nombre de communes en difficulté. La proposition de pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs a le mérite de compléter cette initiative gouvernementale, d’être applicable sur l’ensemble du territoire et de ne laisser aucune commune sans levier d’action.
Comme vous l’avez indiqué, ces deux initiatives ne sont pas contradictoires ou concurrentes : elles sont complémentaires.
Incitation, régulation et responsabilité partagée des acteurs sont les maîtres mots de ce pacte. Les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation qu’il propose d’instaurer fondent leur autorité sur les élus locaux, dans une logique de décentralisation et de développement des territoires. L’emprise de ces périmètres, dans lesquels s’appliqueraient l’ensemble des mesures structurelles du pacte, serait néanmoins limitée à 4 % de la surface urbanisée de la commune.
La création d’une agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs permettrait de fournir aux collectivités les plus fragiles l’ingénierie et les compétences techniques nécessaires à la conduite des opérations de revitalisation.
Le pacte se décline ensuite en un ensemble de mesures incitatives de soutien à l’offre de logement et au coût de l’installation commerciale.
Une série de mesures vise, en outre, à accélérer la numérisation du commerce de détail et à accorder aux maires la possibilité de s’opposer à la fermeture d’un service public.
Par ailleurs, nous saluons la volonté des auteurs et contributeurs du pacte de rénover le système de régulation des implantations commerciales afin de réorienter les flux économiques et financiers vers les centres. Ce dispositif offre également la possibilité, pour le maire d’une commune sous convention « OSER », de déroger à titre expérimental à un certain nombre de normes dont l’application serait disproportionnée.
Enfin, il est important que la rédaction définitive de l’article 7 du texte aboutisse à une rénovation salutaire du dialogue entre élus et architectes des Bâtiments de France. Notre groupe sera attentif à ce point. Il s’agit avant tout de démontrer que, avec un minimum d’intelligence et de concertation, attractivité économique et richesse patrimoniale ne sont pas incompatibles et peuvent même aller de pair. Il s’agit aussi de faire en sorte que des projets locaux essentiels à la survie des quelque 18 000 communes couvertes par un périmètre de protection d’un monument historique ou possédant un site patrimonial remarquable puissent être réalisés dans les meilleures conditions.
La vitalité des centres-villes est au cœur de nos préoccupations. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants accueille favorablement cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est nécessaire d’appréhender le problème de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs par le prisme d’une démarche globale, mais forte, qui touche à la fois les commerces, les logements, les mobilités, le numérique, la culture ou encore les services publics.
L’heure n’est plus à la pleurnicherie ni à la nostalgie. Il faut agir, décloisonner les actions d’aménagement, amorcer le retour des investisseurs privés, rendre la complémentarité des acteurs effective.
Je me réjouis donc de l’initiative parlementaire qui nous est présentée ce soir. Elle permet au Sénat, au travers de ses 31 articles, de s’affirmer pleinement sur la question des territoires, en s’attaquant de front aux causes structurelles du problème de dévitalisation et en proposant aux élus locaux des outils extrêmement importants pour lutter efficacement contre ce cercle vicieux. En effet, nous touchons là un point vital de nos territoires.
C’est donc tout naturellement que je souhaite, à la suite de mes collègues, féliciter les auteurs du texte, Rémy Pointereau et Martial Bourquin, mais aussi la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et la délégation sénatoriale aux entreprises, de leur implication sur ce sujet. Leurs travaux permettent d’ouvrir un nouveau périmètre d’intervention, l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation, ou OSER, s’adressant à tous les territoires, sans oublier bien évidemment les centres-bourgs et les centres-villes. Ils permettent de rééquilibrer les rapports vis-à-vis de la grande distribution et du commerce en ligne, en plein essor, et de réfléchir à une fiscalité innovante, qui devra être incitative et non pénalisante.
Nous avions identifié le problème que l’article 7 était susceptible de poser en matière de préservation du patrimoine, notamment au travers de la remise en cause de l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France, mais, encore une fois, le Sénat a prouvé qu’il pouvait œuvrer sur la voie du compromis et proposer une solution des plus satisfaisantes. Je remercie le rapporteur pour avis Jean-Pierre Leleux et les membres de la commission de la culture de leur contribution sur ce point.
Enfin, la création de l’agence de revitalisation que les auteurs du texte proposent prouve que nos réflexions convergent, puisque cette idée de créer un guichet unique au service des territoires ruraux et périurbains, pour répondre à leurs besoins en ingénierie et en conseils, figurait au sein du rapport d’information que j’ai cosigné, l’année dernière, avec le président Hervé Maurey.
Je dirais même que cette dynamique est à l’œuvre, par-delà les tergiversations du Gouvernement sur ce point, comme en témoigne l’adoption, ce soir, de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, déposée par nos collègues Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud, qui met en place une agence nationale pour la cohésion des territoires, sur laquelle j’ai pu m’exprimer en tant que rapporteur pour avis.
Aussi, dans le but d’inciter l’exécutif, en association avec les élus locaux, à optimiser les instances d’intervention pour la cohésion des territoires et de rationaliser les moyens, il me semble que l’agence proposée par la présente proposition de loi aura vraisemblablement vocation à s’intégrer à cette agence nationale, qui doit être le coordonnateur de l’ensemble des opérateurs. Il s’agit bien, en effet, de fédérer des énergies existantes et d’organiser l’intervention des compétences de l’État et des collectivités territoriales dans une logique de complémentarité et d’innovation, permettant aux territoires d’obtenir une réponse pragmatique quant à leurs attentes en matière de développement.
Vous le savez, monsieur le ministre, le seul plan « Action cœur de ville » ne suffira pas. Il est indispensable d’engager un dialogue partagé et constructif avec le Sénat et les associations d’élus pour l’avenir de nos territoires.
La politique destinée à redynamiser les centres-villes et centres-bourgs est en cours d’aménagement, et l’urgence à repenser nos schémas doit être le vecteur d’une certaine audace. Dès lors, mes chers collègues, il est nécessaire d’apporter notre soutien à l’économie de proximité que propose ce texte. Il est nécessaire d’« oser » !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le ministre, le 27 mars dernier, vous nous avez présenté le plan « Action cœur de ville » à destination de 222 villes moyennes, qui pourront bénéficier de 5 milliards d’euros sur cinq ans. C’est un bon début pour s’attaquer au problème de fond de la perte d’attractivité des centres-villes et centres-bourgs, phénomène qui s’accroît depuis les années 2000. En effet, la recomposition sociale des territoires a été puissante : adaptation ou non à la mondialisation, émergence des métropoles, accélération du développement de la grande distribution dans les années quatre-vingt-dix, commerce en ligne… Les villes touristiques et celles dont la population a des revenus importants sont, en partie, épargnées par ces évolutions.
Globalement, le premier constat alarmant nos concitoyens et les acteurs publics est la baisse de l’attractivité commerciale des centres. En moyenne, au plan national, ceux-ci ne satisfont plus que 30 % de nos besoins de consommation. Et pour cause, la France produit trop de surface commerciale ! Entre 1994 et 2009, les grandes surfaces ont crû de 60 %, alors que, dans le même temps, la consommation finale des ménages augmentait seulement de 38 %.
Ce modèle économique accompagne la casse de l’emploi, même s’il séduit les consommateurs, au détriment des boutiques de cœurs de cité. Pour réaliser un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, il faut 250 boutiques, seulement 45 grandes surfaces et un seul entrepôt d’e-commerce. Or les boutiques emploieront 420 personnes, la distribution 170 et le e-commerce moins de 50. On marche sur la tête.
La proposition de loi de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin, rejoints par de nombreux cosignataires, est très complète. Elle prend à bras-le-corps les enjeux pour remédier à la perte d’attractivité de nos centres-villes. Elle traite de l’attractivité commerciale, de la concurrence des sites de ventes en ligne, mais aussi de toutes les politiques publiques du cœur de ville : habitat, santé, numérique…
Dans la Marne, une ville connaît une forte attractivité du commerce de centre-ville, la vacance commerciale n’y étant que de 5, 5 %, mais souffre de la vacance de logements en hypercentre, où elle s’élève à 14 %.
Je tiens à féliciter le travail remarquable mené collectivement pour élaborer ce texte, que certains pourraient qualifier de « fourre-tout », mais qu’il faut voir comme une véritable politique globale pour les centres-bourgs et les centres-villes.
Il manque trois éléments dans cette proposition de loi. Ces éléments sont absents, non pas en raison de l’oubli de ses rédacteurs, mais parce qu’ils ne relèvent pas du domaine législatif. Ces points sont déterminants pour nos villes.
Même si le texte y fait référence, le premier concerne l’État, qui doit reprendre la main et muscler l’aménagement du territoire. C’est une nécessité pour la cohésion nationale et le développement économique en France. Il faudrait retrouver les vertus du plan et de la DATAR ! Il faut, monsieur le ministre, un État stratège, régulateur, aménageur, qui laisse toute leur place aux élus.
Le deuxième élément est relatif à l’adaptation des commerçants aux nouvelles attitudes et habitudes des consommateurs : boutiques en ligne, livraisons au bureau, boutiques éphémères, horaires d’ouverture… De nombreux professionnels ont pris le virage, mais d’autres n’ont pas encore trouvé le chemin. Les organisations professionnelles doivent accompagner les commerçants et les artisans.
Enfin, les consommateurs, qui sont des dizaines de millions, doivent être des « consommacteurs ». Les habitants-citoyens doivent prendre conscience de l’importance de la vitalité d’un centre d’une commune. Le slogan disait : « Nos emplettes sont nos emplois ». Disons aussi que « nos emplettes de proximité sont nos emplois de proximité » ! Plus largement, un cœur de ville ou de bourg est l’agora de la population.
La proposition de loi vise à donner un nouveau souffle à 700 communes en France.
Elle est équilibrée. Elle n’oublie pas l’importance des élus locaux et des collectivités pour mettre en œuvre la dynamique, et elle redonnera confiance aux entrepreneurs, aux artisans et commerçants. Le groupe Union Centriste lui apportera son soutien.
Ceux qui me connaissent seront surpris de ne pas m’avoir entendue évoquer l’article 7…
Mme Françoise Férat. … et la protection du patrimoine. Ce point sera abordé avec talent par ma collègue Sonia de la Provôté.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martial Bourquin applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans les termes de « scénario de l’inacceptable » que la DATAR évoquait, en 1971, …
… une possible France des années 2000, caractérisée par la concentration dans des zones de forte polarisation.
En 2018, n’y sommes-nous pas, lorsque l’on sait que des dizaines et des dizaines de villes moyennes subissent une désertification alarmante de leur centre ? Chacun a en tête l’image de vitrines sales, recouvertes d’affiches, où se multiplient les panneaux marqués « bail à céder ». Or les cœurs des centres-villes et les centres-bourgs furent longtemps des lieux de vie et de partage. On y naissait, on y grandissait, on y étudiait, on y produisait, on y négociait, on y échangeait.
Les bâtiments que nous considérons aujourd’hui comme patrimoniaux étaient des lieux de vie en perpétuelle transformation. Aujourd’hui, la production y a disparu, la réparation n’y a plus droit de cité, le commerce y recule, les services se retirent, la population s’en éloigne et celle qui reste se paupérise.
Certes, le patrimoine hérité est protégé et rénové comme il ne l’a jamais été, ce qui est une excellente chose. À cet égard, l’article 7 réécrit parvient à un judicieux équilibre. Mais l’histoire ne nous apprend-elle pas aussi que, quand les hommes se retirent, les pierres finissent toujours par tomber ? Et les meilleures prescriptions n’y changeront rien ! Il faut donc y renouer avec la vie. Il faut y renouer avec notre histoire, qui a toujours fait des centres-villes et des centres-bourgs des lieux d’accueil, de tolérance, d’échange, à l’opposé de la ville qui se dessine sous nos yeux, ségrégative, cloisonnée, égoïste.
Tel est le premier enjeu de cette proposition de loi, dont je veux remercier nos collègues Pointereau et Bourquin.
Ce texte cible également un autre enjeu : la lutte contre une métropolisation qui aspire à elle les énergies, alors que, comme le disait Erik Orsenna, lors de son audition par notre commission de la culture, la France ne peut devenir « une suite de quatorze Singapour » – le « scénario de l’inacceptable » dont parlait la DATAR ! En effet, le territoire français est, depuis le Moyen Âge, un maillage de centres-villes et de centres-bourgs.
La logique de la « start-up nation » ne peut être la dynamique unique de l’aménagement du territoire. À défaut, le risque est grand d’une cassure profonde entre ceux que sert l’intensification de la mondialisation et ceux qui n’ont pas vocation à entrer dans cette compétition.
Voilà pourquoi je soutiens cette proposition de loi, globale, transversale et novatrice, au sens où elle peut renverser des tendances, certes lourdes, mais dont nous pensons qu’elles ne sont pas irréversibles.
Je soutiens cette proposition de loi, parce qu’elle est profondément décentralisatrice et girondine, dans un temps par trop jacobin et centralisateur.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Rémy Pointereau applaudit également.
Je soutiens cette proposition de loi, parce qu’elle est vivifiante, parce qu’elle fait confiance aux élus, parce qu’elle croit en leur capacité à élaborer des stratégies territoriales innovantes et dynamiques, parce qu’elle leur laisse la liberté de définir, à partir de critères communs, les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation, parce que c’est aux élus qu’il reviendra de mobiliser, dans ces périmètres, les outils incitatifs, régulateurs ou coercitifs à leur disposition.
Je crois également au contenu de cette proposition de loi, parce qu’elle propose de déroger aux règles communes, compte tenu de l’urgence. C’est ce que commandent l’intérêt général et l’exigence de l’équité républicaine. Appliquer partout, de manière uniforme et sans discernement, les mêmes règlements, c’est s’installer au royaume de l’absurde, alors qu’il faut, au contraire, retrouver un juste équilibre entre le cadre national et les libertés locales.
Je crois enfin au contenu de cette proposition de loi, parce que les axes de la politique de reconquête qu’elle propose sont les bons : il s’agit de déroger, parce qu’il y a urgence ; il s’agit de protéger, parce que les lois du marché ne conduisent pas à l’équilibre nécessaire ; il s’agit d’encourager, parce que l’initiative doit être orientée dans le sens de l’intérêt général.
Dans « un pays où il existe 258 variétés de fromage », comme le disait le général de Gaulle, …
… la variété des situations nous appelle à encourager les initiatives, à construire un cadre dérogatoire et à faire confiance aux élus pour prendre les bonnes décisions.
Quant à l’État, monsieur le ministre, son action doit s’inscrire dans une logique non pas de contrôle, mais de soutien aux bonnes initiatives, comme vous l’avez affirmé tout à l’heure. Celles-ci sont proposées en nombre dans le présent texte. Nous le soutiendrons tous très largement !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Martial Bourquin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, comme maire jusqu’au mois d’octobre dernier d’un bourg-centre chef-lieu de canton, j’ai bien sûr suivi avec attention et bienveillance les travaux du groupe de travail du Sénat sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Cette attention est, nous le voyons, transpartisane et unanime. Nous sommes en effet tous conscients de la transformation de nos territoires à cause de l’implantation en périphérie d’espaces commerciaux et parallèlement de l’assèchement des centres-villes.
En nous intéressant à ce problème, nous sommes à dire vrai les continuateurs de préoccupations aussi anciennes que ces transformations. Pensons à la loi Royer, en 1973, sur le commerce et l’artisanat ; déjà, à l’époque, les mêmes constats qu’aujourd’hui. Et pourtant, nous avons continué à défigurer nos entrées de villes, à « tartiner » nos périphéries de lotissements aux dépens de la densification de l’habitat, et bien sûr vidé les centres-bourgs ! C’est donc à un problème ancien et complexe auquel répond cette proposition de loi, notamment via le levier fiscal.
Membre de la commission des finances, j’aimerais m’arrêter sur ce point. Notre commission a fait le constat, partagé, me semble-t-il, par tous les groupes politiques, de mesures sans études d’impact, difficiles à évaluer budgétairement, probablement en contradiction avec le droit européen, parfois inapplicables. Je pense ici à la taxe sur les livraisons liées au commerce électronique, qui ne sera pas applicable et qui de surcroît créera une discrimination en fonction du lieu d’habitation du consommateur, tout en réduisant de fait le pouvoir d’achat des Français, parce que cette mesure sera répercutée. Je pense aussi aux différentes niches fiscales que la proposition de loi met en œuvre, qui vont à l’encontre de l’objectif de simplification et de lisibilité auquel je m’attache. On sait qui profite des niches quand elles existent : pourquoi renforcer le régime des sociétés d’investissements immobiliers cotées, alors qu’il a favorisé la création de sociétés foncières qui participent à l’implantation de projets commerciaux en périphérie ? Il existe par ailleurs déjà de nombreux dispositifs, comme le dispositif « Malraux ».
Mes chers collègues, j’ai cosigné cette proposition de loi, parce que je crois que le Sénat doit envoyer un message fort aux élus locaux et aux citoyens. Cependant, je l’ai cosignée comme un appel, et les faiblesses du texte justifient que nous prenions le temps d’expertiser les mesures adéquates. C’est d’ailleurs ce que j’ai entendu ce matin en commission des finances, y compris de la part d’autres cosignataires de cette proposition de loi. Le temps, nous l’avons encore. Ce sera l’objet du projet de loi ÉLAN, notamment de son article 54 portant revitalisation des centres-villes.
Par ailleurs, le programme « Action cœur de ville » que vous portez, monsieur le ministre, vise à traiter globalement le sujet, qu’il s’agisse de la réhabilitation, mais aussi de la mobilité et des connexions, des équipements et des services publics, de l’espace public.
Monsieur le ministre, vous avez la confiance du groupe La République En Marche sur le sujet que mettent en avant la proposition de loi et le Sénat aujourd’hui.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le pacte national de revitalisation vise un objectif précis : renforcer l’attractivité des centres-villes et des centres-bourgs. Il prévoit un ensemble d’outils pour inverser de façon structurelle cette déprise des centres, qui n’est pas une fatalité, mais bien le résultat d’erreurs et d’une certaine passivité ou impuissance accumulées ces dernières années. En effet, si les causes sont multiples, on peut tout de même remarquer, par exemple, qu’en périphérie les surfaces commerciales ont augmenté deux à trois fois plus vite que la consommation des ménages, que la consommation elle-même a évolué ou que la disparition des services publics et au public des centres s’est aggravée. Nous devons agir rapidement pour nos centres urbains.
Si le plan « Action cœur de ville » comprend des avancées, l’ambition de cette proposition de loi du Sénat est plus large. Elle vise tous les centres des villes et des bourgs. On estime que 600 à 700 communes sont concernées par une situation d’urgence ; si les 222 villes identifiées en font partie, les autres ont tout autant de besoins. Il n’y a pas ici d’opposition au plan « Action cœur de ville » ou au projet de loi ÉLAN, mais la volonté d’apporter des propositions pratiques pour les bourgs et les communes concernés susceptibles de compléter la loi, une sorte de boîte à outils la plus complète possible.
C’est une culture de la centralité qu’il faut retrouver. Nos centres sont le cœur vivant de nos communes ; ils ont une fonction citoyenne et sociale : leur redonner dynamisme et vitalité est primordial. Les commerces, bien évidemment, sont au cœur de ce modèle de centralité.
Je remercie Rémy Pointereau et Martial Bourquin pour ce texte de synthèse, fruit de nombreuses auditions et échanges. Cette proposition de loi est une proposition de loi de terrain.
J’évoquerai deux sujets particuliers.
Le premier concerne l’urbanisme commercial.
La tendance est actuellement au retour des consommateurs en centre-ville. Cette tendance doit être accompagnée pour être durable.
À l’échelle d’un territoire, un élément majeur de régulation est l’organisation de l’urbanisme commercial à tous les niveaux. L’armature commerciale du territoire sur lequel on applique le maillage du SCOT permet d’éviter le rôle délétère du jeu de la concurrence entre les territoires, souvent responsable de friches commerciales et de désertification.
Le besoin et la proposition de commerces ne sont pas les mêmes suivant que l’on est un pôle de proximité, relais, secondaire, d’intérêt régional ou extrarégional.
Intégrer les prescriptions dans le SCOT au travers du DAC, pour les décliner dans les documents d’urbanisme est une avancée forte de cette proposition de loi.
Planifier, réguler, avoir une vision commune et partagée du développement commercial en orientant une part des flux financiers et économiques vers les centres : les outils proposés ici vont dans ce sens.
Le second point sur lequel j’appuierai, qui a fait l’objet de nombreuses discussions, porte sur le rôle de l’architecte des Bâtiments de France et son avis conforme.
L’article 7 a fait débat, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Pierre Leleux, en instituant une procédure visant à simplifier la prise en compte des protections patrimoniales dans le périmètre des OSER.
La commission de la culture, sous la présidence de Catherine Morin-Desailly, a proposé une solution d’équilibre : préserver les règles de protection patrimoniale existantes et instaurer un dialogue renforcé, fructueux et ouvert – j’y insiste - entre élus et ABF en amont des projets. C’est un compromis indispensable, utile et protecteur. D’ailleurs, la loi LCAP a déjà permis des avancées considérables dans ce dialogue entre les ABF, les opérateurs et les élus locaux, notamment grâce au travail précis effectué par nos collègues Françoise Férat et Jean-Pierre Leleux. Cette loi concilie justement les impératifs économiques et la préservation du patrimoine.
Le patrimoine, il faut le marteler, est en lui-même un atout touristique et économique majeur ; c’est indéniable. L’évolution de l’article 7, souhaitée par tous, le montre : lorsque le rôle de chacun est respecté et conforté, le dialogue n’en est que plus fructueux et le résultat plus efficace.
Pour conclure, je tiens à dire que cette proposition de loi fait consensus, puisque 230 sénateurs ont souhaité s’y associer. C’est un événement rare qui marque l’urgence de la situation actuelle de nos centres-villes et centres-bourgs et le besoin impératif d’outils. Ce texte est certes perfectible, …
Mme Sonia de la Provôté. … mais les débats y contribueront. Je vous invite, mes chers collègues, à largement y participer pour le rendre efficient grâce à la sagesse du Sénat.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martial Bourquin applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France d’aujourd’hui se fracture. L’unité de notre pays est en train de se défaire et nous, élus de la République, sommes confrontés au quotidien au décrochage, désormais perçu par tous, entre nos métropoles et nos communes.
C’est le réseau si dense de nos villes, petites et moyennes, qui est en train de flancher. Les centres-villes et les centres-bourgs, qui autrefois participaient à l’attractivité et au dynamisme de nos territoires, connaissent une perte de population, la disparition des commerces et la paupérisation de leurs habitants.
De plus, cela engendre des réductions de ressources fiscales et de dotations de l’État.
Au même titre que les métropoles, et peut-être même plus, car celles-ci ont souvent des images qui leur sont propres, ces territoires sont de véritables vitrines de notre pays. Ils sont constitutifs de son image et participent d’ailleurs à son attractivité. Ils incarnent le vivre ensemble, le lien social et le plaisir du quotidien. Or, au fil du temps, la désindustrialisation de la France, l’attrait de l’habitat individuel, l’évolution des modes de consommation et de circulation ont éloigné les gens des centres-villes. Le malaise se répand ainsi bien au-delà des zones rurales pour menacer notre maillage urbain dans son ensemble, y compris à proximité des métropoles, qui attirent et absorbent même ce qui leur reste de vitalité.
C’est donc une façon de vivre qui est remise en cause et l’image d’une France riche de ses villes et de ses villages que l’on maltraite. À titre d’exemple, à Nevers, plus de 10 000 habitants sont partis en quarante ans, et 21 % des locaux commerciaux sont vides, concurrencés par des zones commerciales géantes en périphérie.
Les Français eux-mêmes sont inquiets d’un tel déclin des centres-villes. Une enquête réalisée par l’institut CSA ce mois-ci auprès d’un millier de Français montre que sept Français sur dix sont préoccupés par cette désertification. Face à cela, ils sont 95 % à considérer que la modernisation du centre doit devenir un « objectif important » pour le maire ; 53 % jugent même que ce doit être « tout à fait prioritaire ».
Le plan gouvernemental « Action cœur de ville » lancé en mars dernier est une première étape qui permettra à 222 villes de bénéficier d’une convention de revitalisation de leur centre. Cependant, cette démarche laisse de côté plus de 400 villes qui avaient candidaté, sans compter celles qui ne se sont pas manifestées, sachant qu’elles ne correspondaient pas aux critères de population retenus.
C’est pourquoi cette proposition de loi de nos collègues est essentielle pour répondre aux besoins de toutes ces communes. Elle contient un grand nombre d’avancées concrètes pour revitaliser nos centres-villes et nos centres-bourgs. Elle redonne des responsabilités aux élus présents sur le terrain. Elle prend en compte le problème de manière globale tant en termes de logements, de commerces, que de services publics pour les adapter aux nouveaux modes de vie.
J’insisterai ici sur les mesures financières et fiscales qui sont proposées. Il faut rééquilibrer la fiscalité au profit de ceux qui en ont besoin : les collectivités en difficulté et les ménages. Le volet fiscal de ce texte est aussi essentiel pour rééquilibrer les coûts entre les centres-villes et leur périphérie et dégager des ressources au profit des collectivités.
L’article 3 de la proposition de loi, malheureusement supprimé par la commission des finances, visait justement à alléger la fiscalité sur les logements dans les périmètres des conventions « OSER ». Car la reconquête des centres-villes induit à la fois la construction de logements nouveaux, mais aussi et surtout la rénovation des locaux d’habitation existant pour permettre l’installation d’une population nouvelle sans la désolvabiliser par des coûts excessifs de logement. La mise en place de ce dispositif avait pour corollaire le développement des commerces et, par conséquent, de l’emploi.
Je soutiens également les mesures fiscales proposées pour équilibrer les conditions économiques dans lesquelles se développe le e-commerce, qui aggrave la situation de désertification des centres-villes en constituant une concurrence absolument déloyale au commerce physique installé.
De même, la taxation des mètres carrés de parkings de grandes surfaces commerciales ou de stockage doit permettre de lutter contre l’artificialisation des terres agricoles.
La revitalisation des territoires représente, pour la France, un enjeu majeur…
… à la fois d’image de ses territoires et d’attention portée à des populations, qui bien souvent se sentent abandonnées. Il y va non seulement de l’attractivité de notre pays, …
M. Patrice Joly. … mais aussi de l’unité de la France et de l’égalité de traitement et de droits entre les Français.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dévitalisation des centres-villes est un véritable fléau. Elle touche nombre de nos communes, en particulier celles de petites et moyennes dimensions. C’est bien l’existence même de ces communes qui se joue aujourd’hui ! Il est donc urgent d’agir dès maintenant, car, demain, les indicateurs montrent qu’il risque d’être trop tard.
Parmi ces indicateurs, il en est un qui est particulièrement révélateur : le commerce de proximité. C’est le véritable poumon de nos communes, et chacun sait ici que, lorsqu’un rideau se baisse, c’est un peu de la vie de la commune qui disparaît. Sans commerces, les habitants se détournent des centres-villes, et c’est le début de la dévitalisation.
Déjà, en 2017, par exemple, le taux de vacance commerciale moyen des centres-villes s’établissait à 11, 1 %, alors qu’il n’était que de 7, 2 % en 2012. C’est à ce cercle vicieux qu’il nous faut nous attaquer !
Certaines collectivités le font déjà concrètement en se donnant les moyens d’agir. Il en est ainsi du conseil régional d’Île-de-France – je parle sous le contrôle de notre collègue et amie Anne Chain-Larché -, qui a mis en place, dès janvier 2017, un programme de renouvellement urbain en Île-de-France. Il s’agit d’accompagner les maires et les présidents d’EPCI dans la reconquête d’une véritable urbanité, notamment dans des quartiers difficiles.
Par des contrats d’aménagement régionaux ou les nouveaux contrats ruraux, la région a ainsi subventionné les besoins d’équipements des communes suivant la taille de leur population. Ce sont 180 projets vitaux pour les communes d’Île-de-France qui vont rapidement sortir de terre grâce à cette action.
Je suis heureux que le Sénat, toujours attentif à la vie des territoires et aux réalités de terrain, se soit saisi du sujet de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Notre institution a un rôle majeur à jouer dans l’aménagement du territoire, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, conformément à l’article 24 de la Constitution, article auquel, à ma connaissance, il n’est pas prévu de toucher…
M. Jean-Raymond Hugonet. Le Sénat est à l’écoute des élus. Si j’osais paraphraser le général Cambronne, je dirais que les centres-villes se meurent, mais que le Sénat ne se rend pas !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui va dans le bon sens en s’attaquant au problème sous un autre angle, et je tiens à remercier Rémy Pointereau et Martial Bourquin d’avoir pris cette heureuse initiative. Il s’agit notamment de mettre fin au véritable frein que constitue l’application de normes figées et décalées en cas de rénovation d’un patrimoine ancien. Nombre d’opérations de revitalisation d’un bourg ont échoué pour de simples raisons administratives inadaptées. Entre les monuments historiques, les sites classés, le patrimoine remarquable, la rigidité administrative, érigée en véritable sport olympique dans notre pays, transforme de bonnes raisons initiales en mode d’emploi pour faire échouer un projet, en perdant de vue l’essentiel.
Il est urgent de redonner du sens à tout ça : oui, le patrimoine doit être protégé, mais pas au détriment des Français ! L’objectif n’est pas de transformer la France, aussi magnifique soit-elle, en un musée. L’objectif est que ses habitants se sentent bien dans leur pays et puissent continuer à y vivre.
S’agissant des architectes des Bâtiments de France, il est grand temps de donner une seule et même doctrine pour ne pas subir des desiderata individuels locaux insupportables et plutôt d’œuvrer raisonnablement à une vraie protection du patrimoine.
Je me réjouis du compromis intelligent trouvé au Sénat grâce à la commission de la culture, sous l’égide de sa présidente, Catherine Morin-Desailly, et de son rapporteur pour avis, Jean-Pierre Leleux, …
… compromis qui consiste à associer les architectes des Bâtiments de France à l’élaboration de la convention « OSER ».
Il ne s’agit pas en effet d’opposer les uns aux autres, ni même de « cliver » les différents intervenants. Il s’agit bien, dans le respect de notre patrimoine, de tenir compte avec discernement des nécessités de revitalisation de l’habitat et des activités économiques et sociales, ainsi que des capacités financières des collectivités.
M. Jean-Raymond Hugonet. Cette proposition de loi nous en donne assurément les moyens.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Martial Bourquin applaudit également.
Je me réjouis que le constat soit assez généralement partagé par l’ensemble des intervenants. Je tiens cependant à préciser, ayant entendu parler de jacobinisme, que le mot ne m’a jamais fait peur, mais il se trouve que le projet « Action cœur de ville » mis en place par le Gouvernement n’est vraiment pas jacobin, puisque c’est le type même de processus qui est entre les mains des élus locaux. Pour l’État, il s’agit simplement de coordonner et de faciliter la réalisation des projets des collectivités contenus dans le plan « Action cœur de ville », avec une liberté considérable telle que nous n’en avons point connue depuis très longtemps dans ce type d’action.
Pour ce qui est de l’insuffisance des fonds qui auraient été fléchés sur ce dispositif, j’ai entendu avec intérêt M. Iacovelli considérer que, au-delà du milliard d’euros annuel consacré aux 222 villes, il manquait tout le reste… Je ne voudrais pas entrer dans une polémique, mais le plan de revitalisation des centres-bourgs engagé sous le dernier quinquennat s’élevait à 40 millions d’euros sur six ans et concernait 54 communes. Je veux bien recevoir des leçons, c’est le jeu du débat démocratique, mais il s’agit aussi d’avoir un peu de mémoire… Je tenais à le préciser, parce que je ne pense pas que ce soit très constructif.
Non, et puis vous savez, monsieur Bourquin, j’ai toujours été libre vis-à-vis de quiconque.
Tout à fait ! J’entends que le nombre de 222 villes peut paraître insuffisant. Je répondrai aussi que je n’ai jamais eu 400 demandes supplémentaires ; je ne sais pas d’où sort ce chiffre, mais je puis dire qu’il n’a jamais existé.
Je suis heureux d’avoir pu, avec nos équipes, donner satisfaction à un certain nombre d’intervenants. Je tenais aussi à rappeler que j’aurai plaisir à travailler avec eux pour faciliter la redynamisation de leur centre-ville.
Comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, la question de la fiscalité est un sujet difficile, cela a d’ailleurs été rappelé par plusieurs orateurs. Si je n’ai pas pu vous donner de réponses positives ce soir, c’est parce qu’il reste beaucoup de concertation à mener, et je ne pense pas que nous soyons au bout du chemin.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Chapitre Premier
Définition des centres-villes et centres-bourgs pouvant bénéficier des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation « OSER »
Définition des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation des centres-villes et centres-bourgs dites « OSER »
La préservation de la vitalité des centres-villes et centres-bourgs constitue une obligation nationale qui justifie des mesures dérogatoires ciblées sur les territoires en difficulté ainsi qu’un effort particulier pour y garantir la sécurité publique.
I. – Les centres-villes et centres-bourgs affectés par une forte vacance commerciale ou artisanale, un déclin de leur attractivité touristique ou de leurs animations culturelles, une décroissance démographique ou une dégradation de l’habitat peuvent faire l’objet d’opérations de sauvegarde économique et de redynamisation visant à préserver, renforcer ou ranimer leur tissu urbain, économique et commercial. Ces opérations peuvent aussi être engagées de manière préventive.
II. – La décision d’engager une opération de sauvegarde économique et de redynamisation et la délimitation de son périmètre et sa durée, qui ne peut excéder cinq années renouvelables deux fois, font l’objet d’une même délibération motivée, prise par le conseil municipal de la commune et par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune, sur la base d’une analyse de la situation du logement, du commerce et de l’artisanat dans le périmètre projeté. Elle fait l’objet d’un avis, qui est rendu public, du représentant de l’État dans le département.
III. – Le périmètre de l’opération de sauvegarde est caractérisé par au moins deux des éléments suivants :
1° Une forte densité commerciale, exprimée par tout indicateur pertinent intégré à la base de données mentionnée à l’article L. 751-9 du code de commerce, et d’entreprises de l’artisanat commercial ou de service, mesurée grâce aux informations détenues par l’INSEE ou les réseaux consulaires ;
2° La présence d’un ou plusieurs monuments remarquables ouverts au public illustrant une centralité par leur fonction administrative, économique ou culturelle ;
3° Une forte densité d’un habitat ancien antérieur au vingtième siècle.
Il s’étend sur une surface inférieure à 4 % de la surface urbanisée de chaque commune concernée. Ce pourcentage est majoré, pour les communes de moins de 10 000 habitants, de 2 % par tranche de 1 000 habitants selon la séquence suivante : 6 % entre 9 000 et 10 000 habitants, 8 % entre 8 000 et 9 000 habitants, 10 % entre 7 000 et 8 000 habitants, 12 % entre 6 000 et 7 000 habitants, 14 % entre 5 000 et 6 000 habitants, 16 % entre 4 000 et 5 000 habitants, 18 % entre 3 000 et 4 000 habitants, 20 % entre 2 000 et 3 000 habitants, 22 % entre 1 000 et 2 000 habitants et 24 % en dessous de 1 000 habitants.
IV. – Chaque opération de sauvegarde économique et de redynamisation fait l’objet d’une convention signée par le maire de la commune, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune et le représentant de l’État dans le département. La région, le département et les autres acteurs peuvent y être associés.
V. – Le périmètre de l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation est un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité au sens de l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme.
VI. – L’opération de sauvegarde économique et de redynamisation fait l’objet d’un bilan annuel présenté au conseil municipal de la commune et à l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et d’une évaluation complète tous les cinq ans qui présente les résultats de l’opération dans le périmètre concerné en termes de construction et de réhabilitation de logements, de résorption de la vacance commerciale ou artisanale et de développement de l’offre commerciale, artisanale, culturelle ou touristique, d’amélioration du cadre et de la qualité de vie, de préservation et d’implantations d’équipements et services publics. Cette évaluation expose aussi les conséquences de l’opération pour les ressources de la commune et de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le représentant de l’État dans le département est informé par l’autorité compétente au moins deux mois à l’avance de la date de la réunion du conseil municipal de la commune ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au cours de laquelle cette évaluation est présentée. Il transmet son avis sur les résultats de l’opération au moins quinze jours avant cette réunion.
Je voudrais saluer à mon tour l’initiative de Rémy Pointereau et de Martial Bourquin. Cette proposition de loi est en effet le fruit d’un travail conjoint et transpartisan engagé, avec les commissions, par la délégation aux collectivités territoriales et la délégation aux entreprises, présidée par Mme Lamure. Je dis cela, car nous nous sommes beaucoup impliqués en amont, les auteurs de la proposition le savent, pour que ce travail puisse se faire dans de bonnes conditions. Il y a eu de nombreuses tables rondes, une consultation nationale des élus locaux qui a recueilli plus de 4 000 réponses, qui nous ont donné des éléments et ont contribué à la qualité de votre diagnostic.
Comme l’a montré la discussion générale, nous sommes tous d’accord pour qu’une action résolue soit engagée. C’est une priorité pour 75 % des élus que nous avons consultés. Nous sommes donc attendus.
Comme le ministre vient de l’indiquer, le Gouvernement a conscience du caractère vital de ce sujet. Le plan qu’il engage est à saluer, mais rien ne nous empêche de l’enrichir. C’est ce à quoi nous nous attelons, ce en quoi nous sommes dans notre rôle de défenseur des territoires.
L’article 1er me semble constituer la charpente de toute la proposition de loi. Il définit la notion de centre-ville ou de centre-bourg en se fondant sur des données objectives, ce qui manquait. Surtout, il fournit le socle territorial pour la revitalisation, les fameuses opérations de sauvegarde économique et de redynamisation, dites « OSER ». Ces opérations se distinguent assez nettement des opérations de revitalisations de territoire projetées par le Gouvernement.
Ainsi, ces opérations « OSER » seront à la main des élus locaux, alors que les aides du plan gouvernemental, si valables soient-elles, sont conçues selon une logique de liste de villes prioritaires décidées par le Gouvernement. Or il me paraît que cette idée de hiérarchiser ou d’éliminer un certain nombre de collectivités, avec les meilleures intentions, va à l’encontre de leur capacité d’initiative. Au fond, tous les territoires qui s’en donneront les moyens pourront bénéficier d’OSER, y compris des territoires inframétropolitains, pour ne citer que cet exemple.
Enfin, aux opérations « OSER » est automatiquement associé un ensemble cohérent de mesures structurelles, par exemple d’ordre fiscal ou de régulation du commerce. La batterie de mesures envisagées, nous pouvons bien sûr en discuter, a le mérite d’une cohérence d’ensemble. C’est ce que nous attendions. Ce sera utile pour l’avenir, à la fois pour ce texte, mais aussi pour les négociations à venir.
Je conclus, monsieur le président.
Les enjeux sont nombreux : repeuplement, logements, équipements publics, poids des normes, réorientation des flux économiques vers les centres…
Plusieurs territoires d’outre-mer, notamment la Martinique et la Guadeloupe, sont concernés au premier plan par la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Cela est d’autant plus vrai au regard des chiffres sur la baisse démographique dans ces territoires, publiés par l’IEDOM, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, et l’IEOM, l’Institut d’émission d’outre-mer, le 16 mai dernier, où il apparaît qu’en l’espace de dix ans la population a diminué de 6, 7 % en Martinique et 2, 8 % en Guadeloupe. Les projections à l’horizon de 2050 de la population en outre-mer sont aussi peu réjouissantes.
Face à ce constat, il ne s’agit pas de critiquer ce qui a été fait pour redynamiser les centres-villes et centres-bourgs dans ces territoires, puisqu’un certain nombre de mesures ont été engagées. Je pense, par exemple, au programme « Action cœur de ville » présenté le 27 mars dernier par le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard. Je pense également au programme national expérimental en faveur de la revitalisation des centres-bourgs annoncé à l’automne 2013 et qui a abouti à la signature, en 2017, de la convention portant opération de revitalisation du centre-bourg et de développement du territoire de la ville de Saint-Pierre, en Martinique. Cela est d’autant plus nécessaire que le nord de l’île fait l’objet d’une désertification médicale importante, d’une baisse des services publics de proximité et d’une prolifération d’immeubles et de logements insalubres et inoccupés, alors même que la demande de logement social y reste particulièrement importante.
Ces programmes, certes honorables, sont indispensables pour des réponses conjoncturelles au cas par cas, mais la dévitalisation est un phénomène de grande ampleur qui s’accélère clairement et auquel il est urgent de répondre. Cela explique mon adhésion à cette proposition de loi lors de son dépôt. Celle-ci a par ailleurs pour intérêt de faire le lien avec l’architecture et le patrimoine de nos villes, héritage à protéger tout en permettant le développement de nos cités, comme la maison de la Bourse de Saint-Pierre, joyau de l’architecture créole. Notre richesse patrimoniale constitue une composante essentielle de notre identité antillaise et revêt une importance certaine quant à l’attractivité économique et touristique de notre territoire.
C’est pourquoi « capitaliser sur les atouts culturels, architecturaux et historiques des centres-villes » tout en permettant aux « élus locaux de faciliter le retour des habitants et de l’activité en centre-ville par de nouveaux moyens d’action » est vital et donne tout son sens à cette proposition de loi.
La désertification de nos centres-villes et centres-bourgs est une préoccupation grandissante des élus de nos territoires depuis plusieurs années. Chacun leur tour, les gouvernements successifs ont tenté d’y apporter une réponse.
On peut saluer ainsi les dispositions prises par la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui a étendu la zone d’intervention de la politique de la ville aux centres dégradés de villes moyennes et des zones rurales.
J’évoquerai également la création du Fonds de soutien à l’investissement local, en 2015, qui accompagne désormais le développement des bourgs-centres et des villes de moins de 50 000 habitants, ou encore le dispositif « Action cœur de ville ». Ainsi, en décembre 2017, le Gouvernement a lancé un plan de soutien visant 222 villes considérées comme « pôles d’attractivité », mais qui ne concerne pas les centres des petites villes et les centres-bourgs des communes rurales. Or tous ont besoin de mesures complémentaires afin de regagner en attractivité. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite d’élargir le périmètre d’intervention des différents dispositifs existants et d’en créer de nouveaux.
Encore faut-il s’entendre sur ce qui définit un centre-ville ou un centre-bourg. Identifier précisément le périmètre d’action des pouvoirs publics permet de cibler au mieux les dispositifs adaptés et d’éviter ainsi une dispersion des aides, notamment financières.
La présente proposition de loi répond à cette problématique. En élargissant le périmètre d’intervention des dispositifs de revitalisation, elle permettra à de petites villes et bourgs, qui sont souvent centraux dans des territoires de faible densité démographique, de bénéficier d’opérations de sauvegarde économique et de redynamisation.
Ainsi, dans les Hautes-Pyrénées, seules Tarbes et Lourdes entrent dans le dispositif « Action cœur de ville ». Le nouveau dispositif « OSER », proposé dans le présent texte de loi, permettra d’intégrer des petites villes et des bourgs qui remplissent une fonction de centralité vis-à-vis de leur bassin de vie.
Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité des dispositifs existants et contribue à les stabiliser. J’ajouterai les contrats « bourgs-centres », propres à la région Occitanie, que le conseil régional a engagés en faveur du développement et de l’attractivité de ces communes essentielles à la vitalité de nos territoires.
Je me félicite donc de ce travail. Je ne doute pas que le Sénat sera sensible à cet effort en direction de nos élus locaux, qui leur permet de mettre en œuvre une véritable politique locale de revitalisation, puisque le conseil municipal et l’EPCI…
… pourront décider de s’engager dans une opération de sauvegarde, d’en déterminer le périmètre et la durée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, minuit vient de sonner. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin d’aller plus avant dans l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.
Comme beaucoup d’entre vous l’ont dit ce soir, la désertification de nos centres-villes est un défi pour les collectivités territoriales, mais c’est un défi qui ne peut être relevé sans les entreprises. Ce sont en effet les flux de consommation, d’investissement et de production qui structurent l’organisation spatiale de notre territoire. C’est pourquoi je me félicite de ce que notre délégation aux entreprises se soit engagée, l’an dernier, avec la délégation aux collectivités territoriales, dans un travail commun associant les commissions permanentes, afin de trouver ensemble comment revitaliser les centres-bourgs et les centres-villes.
Je salue ce texte qui en est issu et que nous examinons ce soir. Son article 1er permet aux territoires de procéder à des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation. Dans ces périmètres « OSER », le développement économique des entreprises, surtout les plus petites d’entre elles, sera facilité. Le texte prévoit le déploiement prioritaire du très haut débit en centre-ville, avec le plan France très haut débit. Il facilite l’installation de nouveaux commerçants par l’expérimentation d’un contrat plus souple, le contrat de dynamisation commerciale, qui prévoit une redevance proportionnelle au chiffre d’affaires du preneur. Il va également encourager la conclusion des baux commerciaux par la création d’un fonds de garantie pour les loyers commerciaux impayés en centre-ville. Il réduit la fiscalité des entreprises en centre-ville et rend possible une exonération pour elles de la TASCOM. Enfin, il prévoit d’accompagner les petits commerces vers le numérique au travers du FISAC, qu’il faudra évidemment alimenter à la hausse, et d’un crédit d’impôt pour leur formation et leur équipement numérique.
Ces mesures, propres à revitaliser le tissu économique des centres-villes, sont au cœur du pacte national qui nous est proposé. Je tenais à y apporter tout mon soutien dès l’examen de cet article 1er.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mes premiers mots seront pour remercier et féliciter les deux auteurs de la proposition de loi, Rémy Pointereau et Martial Bourquin. Ils en sont non seulement auteurs, mais ils ont également porté avec passion et détermination une véritable boîte à outils mise à la disposition des communes, des moyens pour lutter contre une préoccupation ô combien collective : la mort, oui, la mort de nos centres-villes !
Oui, je parle de ces nouveaux paysages faits de rideaux baissés, de rues désertifiées, de panneaux « à vendre », « à louer », qui finissent par pâlir d’usure !
Oui, les habitudes commerciales ont changé !
Oui, internet, auquel je n’oserai pas faire de procès, tant parfois je me demande comment on faisait avant, a fait des dégâts !
Oui, pour être plus à l’aise, des unités entières de services publics ont migré vers la périphérie, nous laissant dans certaines de nos villes d’horribles friches urbaines !
Cette proposition de loi aura plusieurs vertus et l’adhésion qu’elle a suscitée, avec plus de 200 signatures recueillies, en est la meilleure preuve. Elle imposera en tout cas de faire taire, à jamais, la légende selon laquelle le Sénat ne servirait à rien, serait ce machin inutile que beaucoup veulent démolir.
Applaudissements sur de nombreuses travées.
Oui, le Sénat est la chambre des territoires, qui doit demeurer ce rempart pour nos communes, nos conseils régionaux, nos conseils départementaux ! Il s’agira plus que jamais de ne pas ébrécher cette légitime relation.
Dans mon territoire, la Martinique, cette proposition de loi est bienvenue, tant les phénomènes qui ont provoqué son initiative sont nombreux. L’article 1er campe fort bien le décor, ne laissant aucune place à l’approximation. Grâce à un bon sens remarquable, il porte les vraies réponses aux vraies questions, à toutes les questions. Cet article pose d’emblée un cadre, qui parle aux élus. C’est un signal fort à l’attention de ceux qui vivent la désespérance de nos villes.
La proposition de loi ose en plus faire acte de justice, rétablir l’équité, en forçant les très célèbres GAFA à prendre leur part des dégâts collatéraux qu’ils provoquent. Comment, en effet, rester insensible, dans ma ville, à la fermeture de l’avant-dernière librairie, lassée par une guerre contre cette énorme enseigne de la bulle internet, dont le patron est devenu aujourd’hui la première fortune du monde ?
Oui, nous devons nous battre !
Mme Catherine Conconne. Et c’est une valeur de la gauche à laquelle j’appartiens que de vouloir mieux redistribuer les recettes, les revenus
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
, dans l’équité et la justice qui doivent prévaloir dans notre République !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Cette proposition de loi sénatoriale est tout à fait bienvenue et même essentielle pour l’avenir de notre pays et de nos territoires. La métropolisation est une vraie menace, la logique du marché et de l’économie de services étant de concentrer toujours davantage. Si rien n’est fait dans l’organisation des pouvoirs publics pour rétablir un maillage territorial qui va du petit village jusqu’à la grande ville et la métropole en passant par la ville moyenne, nous perdrons une partie de l’âme de ce pays.
J’adhère à l’ensemble de ce qui est proposé dans cette proposition de loi. Étant donné que je présiderai demain la séance publique, je me permets d’intervenir dès à présent sur la question de l’habitat et du logement.
Quand on fait le bilan des rénovations de nos centres mises en œuvre à partir des années soixante et soixante-dix, un double constat s’impose. Si l’on a grandement favorisé la réhabilitation dans l’ancien, au travers notamment des opérations programmées pour l’amélioration de l’habitat, les OPAH, on n’a que trop rarement su maintenir la mixité sociale dans ces centres-villes, qui ont plutôt connu une paupérisation, et la mixité générationnelle. Ces territoires ont accueilli peu de couples avec enfants et beaucoup plus de personnes âgées ou, quand ils bénéficiaient d’une vraie dynamique, de jeunes logés dans des logements étudiants.
Il faut donc arriver à trouver des réponses en matière d’habitat qui soient quelque peu nouvelles. Je plaide pour la promotion du développement de l’accession sociale à la propriété dans l’ancien, sachant qu’on ne fera pas venir un jeune couple dans une maison traditionnelle, sombre, aux murs épais, sans terrasse. La tendance est d’accéder à la propriété en périphérie, dans un pavillon, une maison individuelle, plus adaptés aux formes de vie actuelles, au besoin de lumière, à l’envie de manger dehors quand il fait beau.
Cette volonté de reconfiguration du bâti dans ces territoires va se doubler d’une exigence, celle d’« oser » réinventer des formes architecturales qui sachent allier modernité et patrimoine. Il va falloir que les architectes en général et les architectes des Bâtiments de France en particulier soient en même temps plus créatifs et moins conservateurs. À force de vouloir trop conserver, on ne conserve plus rien et tout tombe en ruines.
Je terminerai en évoquant un outil d’ordre réglementaire, sur lequel nous travaillons, M. le ministre le sait, son cabinet y ayant été sensibilisé. Je veux parler du fameux PSLA, le prêt social location-accession, qui, aujourd’hui, n’est pensé que pour le neuf, pas pour l’ancien. À nous d’inventer un PSLA pour la reconfiguration de l’ancien, dès lors qu’il s’agit bien d’une reconfiguration. Ce sera un outil utile.
L’amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Iacovelli et P. Joly, Mme Artigalas, M. Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot et Sueur, Mme Blondin, M. Botrel, Mme Espagnac, M. Fichet, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
centres-villes et centres-bourgs
par le mot :
communes
La parole est à M. Franck Montaugé.
Je voudrais à mon tour saluer l’initiative et le travail des deux auteurs de cette proposition de loi, Rémy Pointereau et Martial Bourquin. Je tiens également à souligner le consensus large qui s’est dessiné au Sénat en faveur de ce texte et qui sera, je n’en doute pas, confirmé à l’issue de ce débat au moment du vote sur l’ensemble.
Je le dis sans aucune visée polémique, monsieur le ministre, je ne pense pas que l’on puisse dire que rien n’a été fait pour les centres-villes ou les centres-bourgs depuis trente ou quarante ans, sauf à considérer que des milliers d’élus locaux, dont la plupart d’entre nous font partie, ont travaillé d’arrache-pied pour rien. Nos centres-villes, nos centres-bourgs ont progressé, mais pas suffisamment, et c’est tout l’intérêt du texte dont nous discutons ce soir.
Il faut aller plus loin, c’est entendu, chacun en sera d’accord. Qu’il me soit permis de citer ce qu’ont explicitement rappelé les auteurs de la proposition de loi dans l’exposé des motifs : « [Les] conventions OSER seront, au contraire des ORT, potentiellement ouvertes à toutes les collectivités. » Voilà qui est très bien. Sachons en tirer les conséquences pour la clarté et la cohérence du texte lui-même, ainsi que pour les maires de petites communes, j’en connais moi-même de nombreux dans mon département du Gers, désireux de s’engager en ce sens.
Je propose donc, par cet amendement, de clarifier l’alinéa 1 de l’article 1er, en remplaçant les termes « centres-villes » et « centres-bourgs » par celui de « communes ». Entendons-nous bien, je ne demande pas que ces termes soient remplacés partout, c’est même une bonne chose qu’ils figurent ailleurs dans le texte.
De la sorte, il n’y aura aucune ambiguïté : l’ensemble des communes du territoire pourront accéder au dispositif. Je présenterai dans quelques instants un second amendement, afin de préciser, pour les petites communes, les possibilités d’engagement de projets dans le cadre de ces périmètres « OSER ».
L’amendement soulève une question simple : toutes les communes sont-elles potentiellement concernées par le pacte de revitalisation des centres-villes ? La réponse est « oui ». L’amendement nous a donc semblé satisfait.
Le but du texte est d’appliquer des solutions dérogatoires dans certains centres-villes en difficulté et non pas sur l’ensemble des territoires communaux, car cela serait contraire au principe d’égalité.
C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’avis du Gouvernement sera également défavorable.
Monsieur Montaugé, je veux vous dire combien je me réjouis que la ville d’Auch soit retenue dans le dispositif « Action cœur de ville ».
Je ne pense pas que cela ait suscité un avis défavorable de votre part…
Le fait de vouloir étendre le dispositif à toutes les communes de France ne s’inscrit pas dans la logique d’ensemble, qui vise les centres-villes et les centres-bourgs, non les communes globalement. Adopter un tel amendement reviendrait à s’écarter de l’essence même du dispositif.
Par ailleurs, je n’ai pas indiqué que rien n’avait été fait dans toutes ces villes. J’ai dit qu’il n’y avait pas eu de plan spécifique pour les villes moyennes depuis quarante ans. C’est tout à fait différent. Je n’ai personnellement pas eu le sentiment, dans la communauté d’agglomération que j’ai présidée, de n’avoir rien fait pendant seize ans...
Je vous remercie de ces explications.
Le sujet se clarifie. Pour autant, je relis l’extrait de l’exposé des motifs : « [Les] conventions OSER seront, au contraire des ORT, potentiellement ouvertes à toutes les collectivités. » Il y a une contradiction dans le texte même, que certains orateurs lors de la discussion générale ont d’ailleurs évoquée. L’ambiguïté est là, le texte n’est pas clair.
J’entends bien les réponses qui ont été apportées, notamment par vous, monsieur le ministre. Mais je suis au regret de vous dire, monsieur le rapporteur, que vos propos sont contradictoires. Il faut clairement dire que le dispositif n’est pas accessible à toutes les communes. Or je ne trouve pas une telle précision dans le texte.
Je compléterai l’argumentation de mon collègue Montaugé. Ouvrir le dispositif à toutes les communes n’empêcherait pas de devoir respecter deux des trois critères définis dans la proposition de loi. Ne faisons pas de contresens. Nous soutiendrons cet amendement, dont l’adoption permettrait d’avoir la certitude que les communes rurales seront bien englobées dans les périmètres « OSER ».
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 40, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et de la commission du développement économique de la région
La parole est à M. Claude Malhuret.
Cet amendement prévoit un avis consultatif de la commission du développement économique de la région sur la décision d’engager une OSER.
La région détient en effet le chef de filat pour les questions économiques et définit les orientations en matière d’aides aux entreprises ou d’aides à l’investissement immobilier.
En outre, depuis la loi NOTRe de 2015, la région est seule compétente pour définir les aides et les régimes d’aides générales à la création ou à l’extension d’activités économiques et aux entreprises en difficulté.
Il paraît donc logique qu’elle émette un avis consultatif sur les opérations de sauvegarde économique et de redynamisation.
L’avis et le soutien de la région sont bien entendu très importants en matière de revitalisation des centres-villes.
Toutefois, la commission n’a pas souhaité alourdir le texte, d’autant que nous avons déjà prévu que les régions et les départements seraient signataires des conventions de sauvegarde. L’avis est donc défavorable.
L’avis du Gouvernement sera également défavorable, pour deux raisons.
Tout d’abord, le Gouvernement considère que, plus on simplifiera et moins il y aura de contraintes administratives, mieux ce sera. Son objectif est d’accélérer le processus et de permettre de coordonner et de flécher le maximum de moyens au service des collectivités dans les meilleurs délais.
Ensuite, cet amendement prévoit un avis consultatif de la commission du développement économique de la région. On peut demander au conseil régional de donner un avis, mais je vois mal comment une commission irait s’immiscer dans les affaires d’autres collectivités. Je suis soucieux de la liberté et de l’autonomie de chaque niveau de collectivité.
Ce qui me semble important, c’est qu’il y ait une coordination entre les collectivités qui le souhaitent. En tout cas, j’entends que le dispositif du Gouvernement s’articule, de façon complémentaire et en toute liberté, entre l’État et les différentes collectivités. C’est en bonne voie, me semble-t-il.
L’amendement n° 40 est retiré.
L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson et Courtial, Mmes Lherbier, Puissat et Deromedi, MM. Savary et Revet, Mmes Garriaud-Maylam et Gruny, M. Babary, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Lefèvre et Bonne, Mme Bruguière, MM. H. Leroy, Perrin et Raison, Mmes Chauvin et Lassarade, M. Pierre, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Laménie, B. Fournier et Bonhomme, Mme Thomas et M. Daubresse, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et d’une consultation du conseil départemental
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Les conseils départementaux sont appelés à jouer un rôle important dans l’aménagement du territoire, plus particulièrement via leurs programmes d’aide aux projets des communes, essentiels pour boucler le financement d’un projet local. Ils s’associent également aux communes lorsqu’ils proposent des aides pour maintenir les commerces de proximité, par exemple en rachetant des locaux.
Certains départements, comme le mien, participent déjà aux opérations de revitalisation des centres-bourgs. C’est la raison pour laquelle cet amendement prévoit de les associer aux OSER, sans alourdir la procédure, via une simple consultation des élus départementaux, qui, en tant qu’élus locaux, ont une connaissance humaine des territoires et de leurs problématiques.
Nous ne sommes pas opposés à cet amendement sur le fond, bien au contraire, mais il convient là encore, à mon sens, de ne pas alourdir le texte de la commission. Les départements sont déjà associés au stade essentiel de la conclusion des conventions, s’ils le souhaitent.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Même avis, pour les raisons que j’ai indiquées à propos du précédent amendement. S’il faut recueillir à chaque fois l’avis de toutes les autres collectivités, outre que cela alourdira la procédure, je vous laisse imaginer quelle sera la situation si l’avis est négatif ou très critique…
Les concertations sont utiles, naturellement, mais il n’est pas souhaitable de les imposer via des dispositions législatives ou réglementaires.
L’alinéa 3 de l’article 1er prévoit un avis du préfet, mais il n’y est pas question d’un avis de la région ou du département. Or qui va financer ?
N’oublions pas qu’un département marche sur deux pieds : la solidarité des hommes, à travers l’action sociale, et la solidarité des territoires. Dans l’ancien monde, les départements agissaient déjà, avec des moyens un peu plus importants, pour soutenir les centres-villes et le milieu rural, par l’octroi de subventions, la construction de collèges… Il me paraîtrait donc tout à fait légitime que les départements soient à tout le moins consultés, puisqu’ils seront encore amenés à financer.
C’est aussi une question de cohérence : que je sache, le schéma départemental des services au public est toujours coprésidé par le préfet et le président du conseil départemental.
En ce qui concerne l’aménagement numérique, les régions ont pris les choses en main, et c’est tout à fait légitime, mais il n’empêche que le schéma départemental d’aménagement numérique reste de la compétence du département.
Le département demeure donc un échelon pertinent en matière de réflexion sur l’aménagement du territoire. Soyons attentifs à ne pas laisser de côté les acteurs de proximité. Je reconnais que les autres alinéas de cet article désignent le département comme un acteur essentiel, mais veillons à placer toutes les parties sur un pied d’égalité.
On a pu imaginer, en 2014, que les départements allaient disparaître. Sauf que cette vieille institution a la couenne dure ! La mise en œuvre de la loi NOTRe, qui n’était pas faite pour eux, a montré que les communes et les intercommunalités étaient finalement tout à fait en phase avec les départements et avaient la volonté de travailler avec ces derniers. Il me semble d’ailleurs que la loi NOTRe attribuait au département le chef de filat en matière de solidarité territoriale.
Notre collègue va sans doute retirer l’amendement, par solidarité lot-et-garonnaise avec le rapporteur…
Sourires.
Ce sujet a déjà été évoqué en commission et j’avais cru comprendre, alors, que l’on intégrait à la réflexion les départements, en raison de compétences spécifiques, et la région, qui pourrait également participer au financement. Cela nous semble important. Les départements et les régions ont toute leur place dans la revitalisation des centres-bourgs.
Il me semble important de prendre en compte la diversité des territoires. Je ne nie pas la valeur et l’intérêt de la contribution des départements, mais certains d’entre eux ne s’engagent nullement dans l’accompagnement des communes.
Par ailleurs, nous souhaitons tous que les choses soient simples. Or si l’on inscrit dans le texte que l’avis du département devra être recueilli, pourquoi ne pas prévoir aussi celui de l’intercommunalité, à qui il arrive de contribuer au financement ? Une commune qui a un projet de revitalisation travaillera naturellement avec le département en ce qui concerne le développement numérique, mais il ne faut pas allonger les délais en multipliant les avis. Qui plus est, pourquoi demander l’avis du département s’il ne donne pas un sou ?
Ce débat m’étonne quelque peu, car il me semblait que ce problème avait été réglé, via l’adoption d’un amendement que j’avais déposé en commission et qui avait été complété par celui de M. Louault, visant à associer également la région à la démarche.
Je rejoins M. Savary : pour les problématiques de proximité, le chef de file, c’est tout de même le département ! J’entends que certains départements ne participent pas à la vie des communes, mais d’autres, comme celui de la Marne, les accompagnent parfaitement.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Non, je le retire, monsieur le président. Je ne doute pas que notre rapporteur lot-et-garonnais prendra en considération cet échange !
Sourires.
L’amendement n° 49 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur.
Je relis le IV de l’article 1er : « Chaque opération de sauvegarde économique et de redynamisation fait l’objet d’une convention signée par le maire de la commune, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune et le représentant de l’État dans le département. La région, le département et les autres acteurs peuvent y être associés. »
Vous avez donc déjà satisfaction, ma chère collègue.
L’amendement n° 22 rectifié bis, présenté par Mme Conconne, MM. Iacovelli et P. Joly, Mmes G. Jourda et Artigalas, MM. Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Montaugé, Tissot et Sueur, Mme Blondin, M. Botrel, Mme Espagnac, M. Fichet, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et antérieur à 1980 en outre-mer
La parole est à Mme Catherine Conconne.
C’est un amendement de bon sens, qui vise à la prise en compte de nos territoires, souvent très éloignés du centre et parfois oubliés des dispositifs législatifs.
Dans nos territoires, nombre de villes ont été construites récemment, l’urbanisation y ayant été beaucoup plus tardive que dans la France hexagonale, à l’histoire très ancienne. La création de ces villes s’est faite cahin-caha, par urbanisation des plantations.
À Saint-Pierre, qui fut entièrement détruite en 1902, il ne reste plus rien des constructions antérieures au XXe siècle, à part quelques pans de murs et un bout d’église. J’ai également pensé, en rédigeant cet amendement, à des villes de la France hexagonale qui ont été bombardées pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le cas de l’outre-mer a souvent été évoqué au cours des auditions et les départements ultramarins sont pris en compte au travers de ce texte.
Le présent amendement apporte néanmoins une précision très utile pour mieux encore prendre en compte les spécificités de nos outre-mer, où les conditions climatiques et les catastrophes naturelles fragilisent le bâti souvent beaucoup plus vite qu’en Europe.
Avis favorable.
L ’ amendement est adopté.
Mes chers collègues, il reste 43 amendements à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 14 juin 2018 :
À dix heures trente :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire ;
Rapport de M. Gérard Cornu, rapporteur pour le Sénat (n° 560, 2017-2018) ;
Texte de la commission mixte paritaire (n° 561, 2017-2018).
Suite de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs (n° 460, 2017-2018) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Moga, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 548, 2017-2018) ;
Rapport d’information de MM. Rémy Pointereau et Martial Bourquin, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises (n° 526, 2017-2018) ;
Avis de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 500, 2017-2018) ;
Avis de M. Arnaud Bazin, fait au nom de la commission des finances (n° 543, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 549, 2017-2018).
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Proposition de loi tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d’une formation les qualifiant à l’exercice de ce culte (n° 30, 2017-2018) ;
Rapport de Mme Françoise Gatel, fait au nom de la commission des lois (n° 537, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 538, 2017-2018).
À dix-huit heures trente et le soir :
Suite de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs (n° 460, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 14 juin 2018, à zéro heure trente.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l ’ article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 9 du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Loïc Hervé, Mmes Jacky Deromedi, Muriel Jourda, MM. Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Sueur, Mme Nathalie Delattre ;
Suppléants : Mme Agnès Canayer, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Christophe-André Frassa, Hervé Marseille, Alain Richard.