Intervention de Jean-Pierre Moga

Réunion du 13 juin 2018 à 21h45
Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre MogaJean-Pierre Moga :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer l’analyse de la commission des affaires économiques sur cette importante initiative du Sénat.

Notre analyse se résume à cinq affirmations.

Premièrement, nos centres-villes et centres-bourgs ne doivent pas rester en marge de la reprise économique et de la vague d’optimisme qui traversent notre pays. Démographiquement, il n’est d’ailleurs pas normal que nos centres-villes soient moins vivaces aujourd’hui, dans une France de plus de 67 millions d’habitants, qu’ils ne l’étaient en 1980 avec 55 millions d’habitants.

Deuxièmement, sur le plan social, nous devons envoyer un signal fort à une France qui se sent oubliée. Je remarque au passage que, là où les centres-villes sont le mieux préservés, en France comme chez nos voisins européens, le lien social est plus vivace, les actes délictueux sont moins nombreux et l’esprit de cogestion l’emporte sur la conflictualité ou les divisions. Nous savons tous qu’en centre-ville les rideaux métalliques des commerces fermés, les volets clos des premiers étages sont étroitement corrélés avec la montée de la délinquance, de la violence et des extrêmes.

Troisièmement, Rémy Pointereau et Martial Bourquin ont rallié plus de 230 d’entre nous à l’idée que les centres-villes et les centres-bourgs représentent encore plus que la somme des difficultés de logement, d’animation commerciale ou de distorsions fiscales. Il s’agit d’un véritable « enjeu de civilisation ». Cela signifie concrètement que les dégâts créés par l’immobilisme dans ce domaine sont extrêmement préjudiciables à notre pays. On traite souvent les sujets économiques à coups de statistiques savantes, mais n’oublions pas que le facteur psychologique l’emporte largement sur tout le reste.

Quatrièmement, le travail transversal de nos délégations et de nos commissions sur le plan juridique a anticipé un tournant de la jurisprudence européenne. Je rappelle, car c’est l’une des clefs de compréhension du texte, qu’en janvier 2018 le juge européen a fait prévaloir le droit d’un élu local des Pays-Bas à imposer l’installation d’un magasin de chaussures en centre-ville sur la liberté d’installation, c’est-à-dire l’un des piliers des traités européens. Qui aurait parié, dans notre pays, sur un tel résultat ? Rétrospectivement, on peut légitimement se demander si notre fameuse tendance à surtransposer les normes européennes n’a pas contribué à faire de la France la « championne du monde » de la facilité à créer des grandes surfaces, surtout en périphérie.

Cinquièmement, les réactions suscitées par cette proposition de loi au cours des auditions ont été enthousiastes. Je parle surtout ici de son volet normatif, non fiscal. Il s’agit d’une véritable « bouffée d’oxygène » pour les maires ruraux, qui se sentent aujourd’hui pris en étau entre l’inertie et l’illégalité, au moment où il leur faut prendre en compte les transformations profondes des attentes et des modes de vie. Ces maires soulignent que la vélocité de l’action publique locale a beaucoup diminué par rapport aux années 1990 où l’on pouvait agir plus simplement et plus vite : c’est un paramètre clé et un facteur de découragement pour les élus. Nous avons le devoir de répondre aux espoirs que ceux-ci placent en nous.

Je retiens également des auditions que, techniquement et sur le terrain, la réussite de la revitalisation dépendra de deux principaux facteurs.

D’une part, rien ne sera possible si l’on ne met pas la compétence et l’ingénierie à la disposition des territoires qui en ont le plus besoin.

D’autre part, rien ne se fera non plus si l’on n’accorde pas un avantage comparatif aux petits centres-villes en termes d’attractivité. Les recettes pour attirer les opérateurs privés et stimuler l’activité sont connues : avantages fiscaux, simplification des normes, mais aussi innovations majeures comme, par exemple, réserver la primeur de la 5G aux territoires ruraux.

À présent, j’évoquerai l’essentiel des positions prises par la commission des affaires économiques.

À l’article 1er, nous avons, en une seule phrase, donné un socle à cette construction législative d’une trentaine de dispositions. C’est d’abord, monsieur le ministre, un message rassembleur de toutes les initiatives qui poursuivent un objectif similaire et, en particulier, le plan gouvernemental « Action cœur de ville ». C’est également un puissant outil de rééquilibrage de notre tendance à surtransposer le droit européen, qui place la protection des centres-villes au rang de motif impérieux d’intérêt général pouvant justifier des dérogations. Nous traduisons ce motif impérieux en « obligation nationale » pour que tous les acteurs puissent également se saisir des facultés de différenciation et d’expérimentation prévues par notre Constitution. Notre pays attend un desserrement pragmatique du carcan réglementaire : tentons l’expérience avec les centres-villes !

Toujours à l’article 1er, nous avons adopté plusieurs amendements pour mieux prendre en compte l’artisanat, l’animation culturelle et l’attractivité touristique. Nous avons également étendu le périmètre de la revitalisation pour les communes de moins de 10 000 habitants tout en conservant, pour les autres, le plafond de 4 % de la surface urbanisée prévu à ce même article.

(Exclamations amusées sur les travées du groupe Union Centriste.), mais la sagesse sénatoriale l’a emporté ; elle s’exprime au travers de notre texte consensuel !

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