Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le travail approfondi conduit sous l’impulsion de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin pour aboutir à la proposition de loi que nous examinons ce soir. Je ne manquerai toutefois pas de saluer le modèle d’initiative parlementaire pour le Sénat que constitue ce texte, d’autant plus que celui-ci porte sur un phénomène, qui est connu de tous et a déjà été évoqué, mais qui constitue sans nul doute l’un des défis majeurs de nos sociétés contemporaines : la dévitalisation croissante d’un grand nombre de nos centres-villes et de nos centres-bourgs.
Contrairement aux projets déjà présentés pour endiguer cette tendance, y compris le dernier plan « Action cœur de ville » du Gouvernement, dont il a été question, le « pacte » porté par la proposition de loi s’inscrit dans une logique de rupture. À un ciblage restreint déterminé par l’État, ce texte préfère un périmètre étendu décidé par les collectivités. À la mobilisation d’outils contractuels agrégeant les financements de plusieurs partenaires, il ajoute l’utilisation d’une palette multiple de leviers, dont des mécanismes fiscaux. C’est à ce titre que la commission des affaires économiques a délégué à notre commission l’examen au fond de neuf articles. Elle a également sollicité notre avis sur six articles.
Prolongeant la démarche ayant animé l’élaboration de la proposition de loi, la commission des finances a fait valoir ses analyses dans un débat fécond avec ses auteurs.
La mobilisation du levier fiscal permet de répondre utilement à certaines difficultés identifiées pour les centres-villes et les centres-bourgs. Il ne saurait toutefois constituer qu’un outil de second rang. En effet, la pression fiscale ne constitue qu’un des facteurs d’implantation d’un commerce. L’existence d’un marché, avec une demande à satisfaire, est indispensable. Il faut donc des infrastructures, des services publics et des logements. C’est pourquoi l’outil normatif doit constituer, avant le levier fiscal, la clé de voûte d’une démarche de revitalisation.
Surtout, compte tenu du niveau élevé des prélèvements obligatoires et de la nécessaire maîtrise des comptes publics, l’outil fiscal doit être manié avec précaution. Son utilisation doit aussi respecter le principe d’égalité devant les charges publiques et se prémunir de risques d’effets de bord, voire d’effets d’aubaine. À cet égard, la définition actuelle du périmètre « OSER » pose quelques difficultés juridiques compte tenu des critères prévus. Afin que les dispositifs fiscaux spécifiques prévus par le texte ne portent pas atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques, une meilleure définition de ce périmètre devra être trouvée à l’occasion de la navette.
Parallèlement, la commission des finances est également consciente que la revitalisation de nos centres-villes et de nos centres-bourgs ne saurait être totale sans moyens financiers. C’est à cette aune qu’elle a procédé à l’examen de la proposition de loi. Dans cette perspective, elle a souhaité faire évoluer le texte sur plusieurs points. Nous y reviendrons lors de l’examen des articles, mais je souhaiterais préciser la démarche globale que nous avons retenue. Celle-ci peut être résumée en deux axes.
D’une part, nous avons procédé à une analyse de la proportionnalité des dépenses fiscales introduites vis-à-vis de leur efficacité escomptée dans la revitalisation de nos centres et dans l’accompagnement de la transition de nos commerces de proximité vers l’économie du XXIe siècle.
D’autre part, nous avons privilégié une utilisation raisonnée du levier fiscal, afin de ne pas alourdir la pression fiscale globale, de réduire les distorsions de concurrence identifiées et d’assurer des recettes pour financer les mesures proposées.
S’agissant des dépenses fiscales, la commission des finances a supprimé l’article 3. Cette position se fonde sur les difficultés juridiques communautaires de l’application de taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée pour certains travaux conduits dans le périmètre « OSER », ainsi que sur le caractère coûteux et peu efficace de l’application de la réduction d’impôt « Pinel » en faveur de l’investissement locatif intermédiaire dans ce même périmètre. L’essentiel du débat portera toutefois sur les articles 26 à 28, qui introduisent de nouvelles taxes ce qui, pour la commission des finances, suscite toujours un mouvement initial de recul.
Considérant les difficultés posées par la taxe sur les livraisons, elle a adopté, comme l’avait fait le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, une taxe analogue à la TASCOM – la taxe sur les surfaces commerciales – pour les entrepôts principalement utilisés pour le e-commerce et les drive.
Un amendement des auteurs de la proposition de loi tend à réintroduire cette taxe dans le texte, mais selon des modalités corrigées, pour tenir compte de nos observations. Plusieurs interrogations subsistent toutefois concernant la capacité de l’administration fiscale à la recouvrer. Cette taxe risque en particulier de porter préjudice, au premier chef, à nos entreprises de e-commerce. Si l’administration pourrait avoir du mal à récupérer des informations sur la distance parcourue pour une livraison d’un bien commandé par Amazon, nul doute qu’elle y parviendra plus facilement pour la FNAC-Darty…
De façon plus globale, la numérisation de l’économie nous impose de procéder à une actualisation du système fiscal. Je crois que nous en sommes tous conscients et convaincus.