Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 13 juin 2018 à 21h45
Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos se concentrera sur l’article 7, qui vise à desserrer les contraintes patrimoniales dans les périmètres « OSER » et dont la commission de la culture s’est saisie pour avis.

Je me souviens qu’il y a moins de deux ans nous débattions dans ce même hémicycle de notre législation en matière de protection du patrimoine. L’un des objectifs de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine – la loi LCAP –, dont j’ai eu l’honneur d’être l’un des deux corapporteurs, avec ma collègue Françoise Férat, était de simplifier le régime des espaces protégés, ainsi que d’associer davantage les collectivités territoriales à leur définition, sans remettre en cause le haut niveau de protection du patrimoine dont jouit notre pays.

Faut-il sensiblement revenir sur des règles qui commencent tout juste à s’appliquer ? Je ne le crois pas. Après tout, nous déplorons sans cesse l’instabilité juridique et la frénésie législative.

Si l’on entre dans le détail de notre législation actuelle et si l’on dépasse l’aspect relationnel, parfois compliqué – j’en conviens –, entre le maire et l’architecte des Bâtiments de France, on se rend compte que l’avis conforme de ce dernier ne constitue pas véritablement un obstacle aux politiques de développement local.

Rappelons d’abord que le fonctionnement des sites patrimoniaux remarquables, les SPR, comme la délimitation des périmètres « intelligents » des abords, désormais appelés à se généraliser, reposent sur des procédures transparentes et concertées, ce qui limite plutôt les risques de contentieux. Ils sont le fruit d’un travail entre l’État, les collectivités territoriales et les citoyens, puisqu’ils sont soumis à enquête publique. C’est pourquoi ils ont un caractère opposable.

Il existe par ailleurs, dans les espaces protégés, des instances de dialogue, qu’il s’agisse de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, la CNPA, ou des commissions régionales éponymes, les CRPA, comme des commissions locales des SPR. La loi LCAP en a d’ailleurs largement revalorisé les attributions et a confié leur présidence à des élus. Celles-ci pourraient constituer des enceintes utiles pour permettre aux maires d’associer, le plus en amont possible, les acteurs du patrimoine aux enjeux des projets de revitalisation.

Ensuite, les chiffres montrent que l’instruction de la demande d’autorisation par l’ABF n’allonge pas démesurément les délais d’examen : ils sont en moyenne de 22 jours sur les deux mois dont il dispose, un délai d’ailleurs réduit de quatre à deux mois au moment de l’examen de la loi LCAP.

La décision de l’ABF apparaît très rarement bloquante : un avis conforme défavorable ne serait rendu que dans 6, 6 % des cas ; ce taux tomberait même à 0, 1 % à la suite des échanges qui s’ensuivent.

Enfin, dernier élément et non des moindres, les recours sont désormais possibles et plutôt efficaces. C’est au préfet de région de trancher les désaccords entre les élus et les ABF, après un dialogue collégial au sein de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture.

Je pense que nous aurions tout à gagner à ce que ces recours soient banalisés, tant ils facilitent le dialogue et permettent de rapprocher les points de vue. J’ajoute qu’ils pourraient constituer une forme de jurisprudence pour l’harmonisation des règles appliquées par les ABF.

Que des relations conflictuelles subsistent entre certains maires et certains ABF, j’en conviens en revanche volontiers. J’en ai fait, comme d’autres, l’expérience au cours de mes années d’élu local. Je suis très conscient que les décisions des ABF sont parfois perçues comme arbitraires. Il faut donc faire en sorte que leurs avis soient plus prévisibles, d’un territoire à l’autre, d’un ABF à l’autre. C’est une nécessité à la fois pour les maires, pour les ABF et pour le patrimoine.

L’instruction transmise par Mme la ministre de la culture aux préfets de région il y a quelques jours, sur la base des préconisations faites par un groupe de travail composé d’élus et d’ABF, dont nos collègues Rémy Pointereau, coauteur de la présente proposition de loi, et Sylvie Robert étaient membres, me semble de bon augure.

La rédaction de l’article 7, telle qu’elle résulte des travaux de la commission des affaires économiques, s’inscrit dans cette logique. Elle vise à renforcer la continuité des avis au travers d’une instruction des ministères chargés du patrimoine et de l’urbanisme et à systématiser le dialogue entre les élus et les ABF en amont du lancement des projets « OSER ». Elle a été toilettée des éléments qui figuraient dans la proposition de loi initiale et qui, soit mettaient inutilement en danger la protection du patrimoine – je pense, entre autres dispositions, à l’avis simple de l’ABF –, soit faisaient courir de réels risques juridiques.

La rédaction qui est soumise au vote du Sénat aujourd’hui est le fruit d’un travail et d’un dialogue entre les auteurs de la proposition de loi, Rémy Pointereau et Martial Bourquin, le rapporteur au fond, Jean-Pierre Moga, et moi-même. Elle constitue un bon compromis entre les enjeux en présence : économiques, financiers, urbanistiques et patrimoniaux. Elle permet de préserver l’approche de protection patrimoniale…

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