… une possible France des années 2000, caractérisée par la concentration dans des zones de forte polarisation.
En 2018, n’y sommes-nous pas, lorsque l’on sait que des dizaines et des dizaines de villes moyennes subissent une désertification alarmante de leur centre ? Chacun a en tête l’image de vitrines sales, recouvertes d’affiches, où se multiplient les panneaux marqués « bail à céder ». Or les cœurs des centres-villes et les centres-bourgs furent longtemps des lieux de vie et de partage. On y naissait, on y grandissait, on y étudiait, on y produisait, on y négociait, on y échangeait.
Les bâtiments que nous considérons aujourd’hui comme patrimoniaux étaient des lieux de vie en perpétuelle transformation. Aujourd’hui, la production y a disparu, la réparation n’y a plus droit de cité, le commerce y recule, les services se retirent, la population s’en éloigne et celle qui reste se paupérise.
Certes, le patrimoine hérité est protégé et rénové comme il ne l’a jamais été, ce qui est une excellente chose. À cet égard, l’article 7 réécrit parvient à un judicieux équilibre. Mais l’histoire ne nous apprend-elle pas aussi que, quand les hommes se retirent, les pierres finissent toujours par tomber ? Et les meilleures prescriptions n’y changeront rien ! Il faut donc y renouer avec la vie. Il faut y renouer avec notre histoire, qui a toujours fait des centres-villes et des centres-bourgs des lieux d’accueil, de tolérance, d’échange, à l’opposé de la ville qui se dessine sous nos yeux, ségrégative, cloisonnée, égoïste.
Tel est le premier enjeu de cette proposition de loi, dont je veux remercier nos collègues Pointereau et Bourquin.
Ce texte cible également un autre enjeu : la lutte contre une métropolisation qui aspire à elle les énergies, alors que, comme le disait Erik Orsenna, lors de son audition par notre commission de la culture, la France ne peut devenir « une suite de quatorze Singapour » – le « scénario de l’inacceptable » dont parlait la DATAR ! En effet, le territoire français est, depuis le Moyen Âge, un maillage de centres-villes et de centres-bourgs.
La logique de la « start-up nation » ne peut être la dynamique unique de l’aménagement du territoire. À défaut, le risque est grand d’une cassure profonde entre ceux que sert l’intensification de la mondialisation et ceux qui n’ont pas vocation à entrer dans cette compétition.
Voilà pourquoi je soutiens cette proposition de loi, globale, transversale et novatrice, au sens où elle peut renverser des tendances, certes lourdes, mais dont nous pensons qu’elles ne sont pas irréversibles.
Je soutiens cette proposition de loi, parce qu’elle est profondément décentralisatrice et girondine, dans un temps par trop jacobin et centralisateur.