Intervention de Gérard Cornu

Réunion du 14 juin 2018 à 10h30
Nouveau pacte ferroviaire — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Gérard CornuGérard Cornu :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord à une très large majorité – douze membres sur quatorze –, ce qui témoigne d’abord d’une volonté forte, partagée au Sénat comme à l’Assemblée nationale, de faire aboutir cette réforme du système ferroviaire français, indispensable et très attendue.

Ce texte comporte plusieurs avancées que nous soutenons : il pose les conditions de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, il met fin au recrutement au statut de cheminot à compter du 1er janvier 2020 et il transforme les établissements publics qui composent le groupe public ferroviaire en sociétés anonymes.

Cet accord témoigne aussi d’un échange fructueux entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat. Je le rappelle, le projet de loi initial comportait huit articles, essentiellement des articles d’habilitation à procéder par ordonnances ; il en compte désormais trente-cinq, et les principales habilitations ont été remplacées, au cours de la navette, par des dispositions législatives modifiant directement le droit en vigueur.

Au Sénat, nous avions adopté dès le départ une attitude constructive à propos de ce texte. Je veux d’ailleurs saluer la qualité du dialogue que nous avons pu avoir avec vous, madame la ministre, pour préciser les dispositions introduites à l’Assemblée nationale et les compléter, en particulier sur le volet social ; j’y reviendrai.

Cette façon de travailler nous a permis de nous concentrer, en commission mixte paritaire, sur les quelques points de divergence subsistant entre les deux assemblées. Je veux à cet égard remercier le rapporteur de l’Assemblée nationale, Jean-Baptiste Djebbari, avec qui nous avons beaucoup échangé pour préparer cette CMP.

Je me réjouis d’autant plus de cette large majorité que le texte issu de la CMP préserve l’essentiel des apports du Sénat. Pour mémoire, nous avions enrichi ce texte selon quatre objectifs : préserver les dessertes TGV utiles à l’aménagement du territoire ; renforcer les garanties offertes aux salariés ; poser les conditions d’une ouverture réussie à la concurrence ; enfin, maintenir un haut niveau de sécurité et de sûreté au sein du système ferroviaire.

En matière d’aménagement du territoire, le texte issu de la CMP conserve l’obligation faite à l’État de conclure des contrats de service public pour préserver la desserte TGV des villes moyennes sans correspondance.

Sur le volet social, la CMP a maintenu le cadre relatif au transfert des salariés vers de nouveaux opérateurs, auquel le Sénat avait apporté des compléments significatifs. Je le rappelle, le dispositif que nous avons adopté favorise le recours le plus large possible au volontariat des salariés pour rejoindre les nouveaux opérateurs et garantit aux salariés transférés le maintien de droits sociaux substantiels.

En ce qui concerne l’effectivité de l’ouverture à la concurrence, le texte de la CMP conserve des apports majeurs du Sénat : le rattachement de Gares & Connexions sous la forme d’une filiale de SNCF Réseau disposant d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière et qui contractualisera directement avec l’État sur des objectifs propres aux gares ; l’extension du champ des informations qui devront être transmises par les entreprises ferroviaires et les gestionnaires d’infrastructure et des gares aux autorités organisatrices de transport, sur le modèle de ce que prévoyait la proposition de loi du président Maurey et de notre ancien collègue Louis Nègre ; le transfert des matériels roulants et des ateliers de maintenance aux autorités organisatrices de transport, à la demande de celles-ci ; l’encadrement de deux dérogations trop générales à l’obligation de mise en concurrence des services conventionnés.

Seuls trois sujets ont fait l’objet d’une évolution notable en commission mixte paritaire.

En ce qui concerne le transfert des salariés, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale prévoyait que le nombre de salariés à transférer soit arrêté par l’opérateur sortant. Or il nous semblait important que les régions puissent avoir leur mot à dire et demander que ce nombre soit corrigé si elles estiment qu’il ne correspond pas aux besoins d’exploitation du service ferroviaire. La CMP est parvenue à une solution de compromis : le périmètre du transfert sera arrêté d’un commun accord entre les régions et l’opérateur sortant ; en cas de désaccord, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, pourra être saisie par l’une ou l’autre des parties.

Le deuxième sujet concerne l’indépendance de SNCF Réseau. Pour que l’ouverture à la concurrence réussisse, il est nécessaire de garantir l’indépendance de SNCF Réseau, afin que l’ensemble des opérateurs aient un accès équitable aux infrastructures ferroviaires. Pour ce faire, le Sénat a renforcé le régime d’incompatibilité des fonctions de membre du conseil d’administration et de surveillance ou de dirigeant de SNCF Réseau avec l’exercice de telles fonctions au sein d’une entreprise ferroviaire.

Étant donné que SNCF Réseau restera intégré, avec SNCF Mobilités, au sein d’un même groupe, il nous est apparu nécessaire que l’indépendance de SNCF Réseau soit également assurée à l’égard de la holding SNCF. Il serait en effet inconcevable que le président de SNCF Réseau puisse continuer d’exercer des missions dirigeantes au sein de la holding.

En CMP, nous avons préservé cette indépendance du président et des membres du conseil d’administration de SNCF Réseau à cet égard de la holding. Toutefois, étant donné que cette holding exercera pour le compte de SNCF Réseau certaines missions transversales, nous avons permis que certains dirigeants de SNCF, par exemple son directeur financier, puissent siéger au conseil d’administration de SNCF Réseau.

Enfin, la CMP est parvenue à un équilibre sur la question de la tarification du réseau. Elle a supprimé l’avis conforme de l’ARAFER sur le volet tarification du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau que le Sénat avait introduit, mais elle a préservé un mécanisme incitatif pour éviter le blocage de la tarification du réseau en cas d’absence de validation de la tarification annuelle par l’ARAFER en temps utile.

SNCF Réseau devra tout d’abord présenter un nouveau projet de tarification dans un délai de trois mois, pour que le régulateur puisse à nouveau se prononcer avant le début de l’horaire de service. En cas de persistance du désaccord, le texte issu des travaux du Sénat avait prévu la reconduction de la tarification antérieure sans indexation sur l’inflation. Pour éviter de trop mettre en difficulté SNCF Réseau, nous avons finalement accepté la reconduction de la tarification indexée sur l’inflation, mais pendant une année seulement. Si le désaccord devait persister pendant plusieurs années – ce que nous ne souhaitons bien évidemment pas –, la tarification serait gelée et ne pourrait plus être indexée les années suivantes. Cela incitera donc SNCF Réseau à fournir tous les efforts requis pour présenter une tarification conforme au droit européen, et par conséquent acceptable par l’ARAFER.

Vous le voyez, mes chers collègues, l’essentiel des apports du Sénat sur ce texte a été conservé en CMP, en vue de permettre une ouverture à la concurrence ambitieuse, qui respecte les droits des salariés et qui maintient la desserte de nos territoires. Nous pouvons nous réjouir que la voix du Sénat ait été entendue sur ce texte et que cela ait permis d’enrichir cette réforme sur des points substantiels. Je forme le vœu, madame la ministre, que cette démarche d’ouverture du Gouvernement à l’égard de la Haute Assemblée se poursuive à l’avenir.

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