Cet article constitue, à n’en pas douter, une réforme d’importance.
Il s’agit, nous dit-on, de modifier le statut des sociétés de personnes, c’est-à-dire, dans l’acception ici retenue, l’ensemble des contribuables de l’impôt sur le revenu disposant de revenus d’activité non salariée.
On va donc grouper sous un même chapeau, si l’on peut dire, des personnes disposant soit de bénéfices industriels et commerciaux, soit de bénéfices non commerciaux, soit de bénéfices agricoles. C’est-à-dire qu’au fil des 370 alinéas de ce texte pour le moins touffu on s’apprête à traiter de la même manière le petit éleveur de brebis de Haute-Provence et le médecin spécialiste de Neuilly-sur-Seine, le pharmacien d’officine en milieu rural et le ténor du barreau ou le notaire des beaux quartiers...
Vous nous direz que nous exagérons peut-être quelque peu, mais posons-nous la question : pourquoi un texte de cette importance est-il devenu l’un des articles du collectif de fin d’année ?
Dans sa grande sagesse, le Palais-Bourbon a réduit le texte de l’article à 40 alinéas, renvoyant l’essentiel à plus tard !
Une question, qui n’est pas qu’une question de forme, se pose d’emblée : pourquoi le Parlement n’a-t-il, à aucun moment, été associé à la réflexion et à la conception générale de cette réforme des « sociétés de personnes » qui porte, tout de même, sur quelque chose comme 4 %à 5 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu, pour peu que je me souvienne ?
Ceux qui auraient travaillé avec les services de Bercy pour rédiger cet article seraient des avocats associés – sous quelle forme : société civile de moyens ou société civile professionnelle ? – spécialistes du droit des sociétés et une officine déjà bien connue, l’Association française des entreprises privées, excroissance du MEDEF, si nos informations sont exactes.
C’est ainsi que nous aurions devant nous une réforme à peu près aussi peu évaluée quant à ses conséquences que la suppression de la taxe professionnelle intervenue l’an dernier, une mesure qu’il nous faudrait examiner dans la précipitation d’un collectif de fin d’année, après un long travail préparatoire de partenaires discrets, mais néanmoins très au fait du sujet.
Tout le monde le sait, l’optimisation fiscale, dans les sociétés de personnes, cela existe. Le problème, c’est que rien, dans cet article 12, ne nous laisse penser que le taux de prélèvement opéré sur les revenus des personnes associées dans les sociétés de personnes ne va pas connaître une réduction sensible.
Au moment où l’on promet rigueur et austérité à nos concitoyens, il risque également d’être assez difficile de leur expliquer que quelques personnes vont pouvoir y échapper, par la grâce d’un texte important et trop rapidement adopté.
Monsieur le ministre, est-il indispensable, à ce stade du débat, de maintenir cet article, qui porte sur un sujet dont on reparlera nécessairement lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative promis pour le mois de juin prochain ?
Nous répondons par la négative à cette question, et c’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.