Monsieur le Président, je vous remercie de nous donner la parole. Il est vrai que la commission a décidé de lancer, avec comme échéance le prochain CICID, une mission destinée à approfondir les différents enjeux de l'aide au développement, parmi lesquels l'évolution du rôle d'Expertise France et ses relations avec l'Agence française de développement (AFD). Notre présentation de l'état des lieux et des différentes propositions, tant sur le périmètre d'Expertise France que sur ses relations avec l'AFD, se fera donc à deux voix. Afin de préparer ce rapport et dans le bref délai qui nous était imparti, nous avons entendu les représentants des quatre opérateurs d'expertise internationale qui pourraient faire partie de la « deuxième vague » de fusion avec Expertise France, les tutelles de l'agence, c'est-à-dire le ministère des affaires étrangères et la direction du Trésor, l'AFD et enfin le ministère de l'intérieur. Nous nous sommes également rendus, en fin d'année, en Allemagne auprès des deux grandes agences de développement, la KFW (« Kreditanstalt für Wiederaufbau » - Établissement de crédit pour la reconstruction) et la GIZ, (« Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit » - Agence de coopération internationale allemande pour le développement) ainsi qu'auprès de leurs ministères de tutelle.
À l'issue de nos travaux, un constat s'impose : la réforme de l'expertise internationale française, initiée en 2014, reste à ce jour inachevée. Créée en 2014 par un amendement de notre commission prévoyant le regroupement de six petits opérateurs ministériels, Expertise France a pour l'essentiel répondu aux attentes qui étaient placées en elle. Elle a en effet gagné de nouveaux marchés d'expertise et projeté les experts publics français dans les pays en développement mais aussi dans les pays où nous souhaitons accroître notre influence ; elle a drainé des financements internationaux pour valoriser les contributions françaises à l'Union européenne et aux organisations internationales ; enfin, elle est devenue une des agences européennes de référence dans son secteur, au bénéfice du pavillon français.
En passant à 153 millions d'euros en 2017, le chiffre d'affaires de l'agence a déjà augmenté de 35 % par rapport à celui des opérateurs fusionnés. Expertise France compte désormais 270 salariés au siège à Paris et intervient dans plus de 100 pays avec plus de 500 projets. L'agence a ainsi atteint une taille critique, bien supérieure à celle des opérateurs fusionnés et à celle des opérateurs spécialisés subsistant aujourd'hui.
Autre aspect important de cette montée en puissance, Expertise France met en oeuvre des « offres intégrées», notamment pour la MINUSMA et pour le G5 Sahel, qui lui permettent de sous-traiter la fourniture de biens et de services à des entreprises, notamment françaises. Elle est par ailleurs la seule agence d'expertise française agréée par l'Union européenne pour la gestion des fonds délégués. Tout en développant ainsi son activité sur fonds multilatéraux, elle a su maintenir les coopérations bilatérales et les jumelages des anciens opérateurs ministériels.
Grâce à cette diversification, les financements issus de la Commission européenne représentent environ 50% du chiffre d'affaires de l'agence, les offres intégrées (MINUSMA) 10%, la gestion de l' « initiative 5% » du Fonds mondial Sida 10%, la commande publique 11% et l'AFD 9%. Bien entendu, tout n'est pas parfait et l'agence doit faire face à certaines difficultés. Le chantier social, consistant à rapprocher les statuts et les rémunérations des personnels des opérateurs préexistants, ne s'est pas fait sans tensions et reste inachevé à ce jour. La gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC) reste à construire.
Afin d'atteindre l'équilibre économique, Expertise France a également dû consentir des efforts importants pour réduire ses coûts. En effet, selon le modèle économique fixé lors de sa création, l'opérateur ne reçoit pas de subvention de fonctionnement en dehors d'une subvention de transformation appelée à s'éteindre en 2019. Elle doit donc dégager une marge sur ses projets, ce qui est parfois difficile du fait du caractère peu rémunérateur de certaines opérations par ailleurs considérées comme prioritaires par les tutelles. Il en est ainsi de la gestion déléguée des fonds européens, où la marge est administrée et notoirement insuffisante pour couvrir les coûts de structure. Nous avons d'ailleurs pu constater que l'opérateur allemand, la GiZ, connaissait les mêmes difficultés.
Dès lors, Expertise France a dû améliorer sa rentabilité en augmentant la taille des projets, en négociant avec les bailleurs pour augmenter la masse salariale refacturable, ainsi qu'en maîtrisant ses charges de structure. Le modèle économique - dont la pérennisation pose d'ailleurs question - imposé à l'agence a également conduit à demander de grands efforts au personnel, ce qui a affecté le climat social. Enfin, l'agence ne s'est dotée d'outils informatiques unifiés que tardivement et la mise en place d'un outil de gestion de projets est encore en cours. Le pilotage financier est, quant à lui, encore insuffisant. Il reste donc encore des chantiers à mener à bien pour que l'agence puisse achever sa croissance. Après ces premiers constats, je laisse la parole à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont pour aborder la question de la poursuite du rassemblement des opérateurs.