Intervention de Jean-Pierre Vial

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 janvier 2018 à 9h30
Bilan de la réforme de l'expertise internationale-expertise france — Examen du rapport d'information

Photo de Jean-Pierre VialJean-Pierre Vial, co-rapporteur :

Nos propositions concerneront deux volets : d'une part, la consolidation d'Expertise France et, d'autre part, l'éventualité d'un rapprochement avec l'AFD que vous exposera ma collègue. Nous avons acquis la conviction qu'il est nécessaire d'achever le regroupement des opérateurs d'expertise. Il n'est pas concevable que ces opérateurs continuent à candidater pour des appels d'offre européens en ordre dispersé ou qu'il faille des mois de discussion sur le partage des marges. Il est au contraire indispensable de promouvoir un opérateur totalement intégré, seul à même de répondre à des demandes de plus en plus multisectorielles, notamment dans le domaine sécurité -développement. Il faut ainsi décloisonner les activités. En outre, la consolidation d'un opérateur de coopération dotée d'une taille suffisante constituera un atout supplémentaire pour atteindre l'objectif fixé par le président de la République de consacrer 0,55% du revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement en 2022.

Le périmètre identifié pour la deuxième vague du regroupement des opérateurs d'expertise comprend sept organismes qui n'ont pas été fusionnés en 2014, et que je vais évoquer à présent. Il y a aujourd'hui un consensus pour considérer que le Centre international d'études pédagogiques (CIEP), la Société française d'exportation des ressources éducatives (SFERE) et Canal France International (CFI) n'ont pas vocation à être intégrées à Expertise France à court terme. Restent donc l'opérateur du ministère de la justice, Justice Coopération internationale (JCI), celui de l'intérieur, Sécurité intérieure et protection civile (Civipol), et les deux de l'agriculture, l'Agence pour le développement de la coopération internationale dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (ADECIA) et France Vétérinaire International (FVI). Les opérateurs de l'agriculture sont des groupements d'intérêt public (GIP) sans capital, dont les effectifs sont très faibles. Ils peuvent donc être intégrés directement au sein d'Expertise France. Il ne s'agira là toutefois que d'un préalable à une réforme plus ambitieuse, qui devra s'appuyer sur une coopération très étroite avec le ministère de l'agriculture. L'établissement de liens plus étroits et plus suivis avec les ministères de tutelle est en effet l'un des principaux enjeux de cette évolution.

Sortir d'une logique d'influence pure pour aller vers une logique de développement, élargir le champ géographique, aujourd'hui très centré sur le Maghreb, intégrer explicitement les grands enjeux de sécurité alimentaire et de développement durable : tels sont les chantiers qui attendent Expertise France dans ce secteur agricole.

S'agissant de JCI et de Civipol, les choses sont un peu plus complexes. Écartons d'abord l'argument souvent entendu selon lequel l'activité de ces opérateurs appartiendrait au domaine régalien et ne saurait donc être confiée à une agence indépendante et généraliste comme Expertise France. S'agissant de la justice, participer au renforcement du système judiciaire d'un pays en développement est tout à fait dans les capacités d'Expertise France, dès lors qu'elle peut avoir accès à l'expertise publique dans ce domaine. En outre les bailleurs privilégient désormais des projets multisectoriels, dont la dimension justice n'est que l'un des volets. Les représentants de Civipol insistent quant à eux sur la conformité totale de la stratégie de leur opérateur à celle du ministère de l'intérieur et sur le « retour de sécurité intérieure » produit par les activités de Civipol au bénéfice des ressortissants français. Or, force est de constater que ce retour de sécurité intérieure est bien pris en compte par Expertise France dans des projets comme PARSEC au Mali ou dans le soutien au G5 Sahel. Rappelons également que le département Sécurité-Sureté-Stabilité d'Expertise France comptera à lui seul une cinquantaine de collaborateurs en 2018. En outre, un rapport de la Cour des comptes de juin 2017 montre que les relations entre Civipol et le ministère de l'intérieur ne reflètent pas un alignement parfait de la stratégie de l'opérateur sur celle du ministère de l'Intérieur, notamment en ce qui concerne les priorités géographiques. Inversement, il est possible de mener la fusion de manière à ce qu'Expertise France prenne en compte les priorités du ministère. À l'issue de son contrôle, la Cour des comptes préconise ainsi un rapprochement de Civipol et d'Expertise France. Nous partageons donc cette analyse. Reste à déterminer les modalités. Ce rapprochement est néanmoins rendu plus difficile par trois éléments. D'abord, Civipol est une société anonyme détenue à seulement 40% par l'Etat, le reste étant détenu par des actionnaires privés. Ensuite, Civipol a effectué en 2015 une opération de croissance externe en rachetant Transtec, une société anonyme belge de coopération internationale. Enfin, elle gère Milipol, organisme qui organise des salons internationaux de sécurité intérieure et qui génère une part prédominante de ses recettes. Ces deux dernières activités n'ont pas vocation à être intégrées à Expertise France. Dès lors, l'alternative est la suivante : soit la création d'une filiale commune aux deux entités, qui serait seule compétente en matière de sécurité. Ceci présenterait l'inconvénient majeur d'extraire l'activité « sécurité » des compétences d'Expertise France alors que tout l'intérêt de la réforme de 2014 réside précisément dans la possibilité pour l'agence de mettre en oeuvre des projets multisectoriels. Soit, deuxième hypothèse que nous privilégions, une cession partielle d'activité de Civipol à Expertise France, portant uniquement sur la part « expertise internationale » de Civipol, tandis que celle-ci continuerait à exister sous forme de société anonyme avec ses autres activités. Reste à évaluer le coût exact de l'opération, ce que le Gouvernement devra faire le plus rapidement possible. Parallèlement à ces regroupements avec JCI et Civipol, Expertise France devra construire une relation solide et confiante avec le ministère de la justice d'une part, avec le ministère de l'intérieur d'autre part. Ceci passe par le renforcement de la participation de ces ministères au conseil d'administration de l'agence ainsi que par la signature de conventions précisant les conditions d'accès d'Expertise France à leur vivier d'expertise. Expertise France pourra alors montrer qu'elle constitue un atout d'envergure pour les ministères en faisant jouer à leur profit l'effet de levier des financements internationaux.

Plus généralement, au-delà de la question du rassemblement des opérateurs, il convient de poursuivre la stabilisation de l'agence par le biais d'un renforcement de ses liens avec l'ensemble des ministères donneurs d'ordre. Il s'agit notamment de poursuivre le transfert des experts techniques internationaux (ETI) du ministère des affaires étrangères et d'assurer une certaine stabilité de la proportion de la commande publique française au sein du chiffre d'affaires de l'agence.

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