Intervention de Jean-Yves Le Drian

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 janvier 2018 à 16h30
Situation des chrétiens d'orient et des minorités au moyen-orient — Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères

Jean-Yves Le Drian, ministre :

Je suis peut-être parfois trop actif de ce côté, mais c'est indispensable, y compris s'agissant du règlement du problème avec la Syrie. Il faut parler avec l'Égypte très régulièrement, même si l'on peut avoir des désaccords. Sur le fond, c'est tout à fait nécessaire.

Quant aux Kurdes, pour répondre à la question de Michel Boutant, ils ont été remarquables en Irak, à la fois dans leur accueil des communautés yézidies et chrétiennes, et dans leurs capacités de combat pour la reprise de Mossoul. Ils ont également été remarquables en Syrie.

La coalition n'ayant jamais envisagé d'envoyer des forces au sol, il fallait bien des acteurs pour prendre Raqqa, d'où sont venus les attentats. Ce sont les FSD du PYG, à dominante kurde, qui ont été très actives.

Il faut aussi comprendre que la Turquie a besoin de sécuriser sa frontière. C'est aussi notre propre intérêt, même à l'égard des potentiels « revenants ». On parle souvent des Français, mais il en existe partout. À un moment donné, Daech a compté 15 000 combattants étrangers. Ils n'ont pas tous été neutralisés.

C'est une situation très compliquée, dans laquelle il faut assurer les Kurdes de notre soutien. Pour ceux d'Irak, c'est plus simple que pour ceux des FDS. La Turquie a besoin d'un minimum de sécurité. Il en va aussi de la nôtre. Nous sommes sur une ligne de crête qui n'est pas simple. Ma mission est de mener la discussion le mieux possible.

On parle aux Turcs, on parle au général Mazlum, « patron » des FDS, pour faire en sorte que cela aboutisse, avec des jeux tactiques très compliqués de la part de tous les acteurs sur place.

C'est pourquoi le fait d'avoir un accord avec les Saoudiens, les Jordaniens, les Américains et les Britanniques sur un projet politique sur la Syrie depuis hier soir est une bonne chose. Je ne sais s'il va aboutir, mais il a au moins le mérite d'exister et de pouvoir rallier d'autres partenaires, en parlant aux Turcs et à l'opposition syrienne.

Nous ne faisons pas du départ de Bachar al-Assad le préalable à toutes discussions. Le préalable, c'est d'aller aux élections, d'appliquer la résolution 2254 du Conseil de sécurité, de réformer de la Constitution, et d'échanger des signes de confiance, dans le domaine humanitaire en particulier.

Dans la zone contrôlée par le régime, nous travaillons, en matière humanitaire, avec les Nations unies, qui se chargent de l'organisation. Dans les zones rebelles, nous aidons les Nations unies afin d'éviter les zones tenues par les djihadistes, et nous apportons l'aide humanitaire directement aux populations civiles.

On a orienté depuis le début de la guerre tous les groupes terroristes vers la région d'Idlib, pour en faire une espèce de « réserve ». On y trouve en effet beaucoup de groupes plutôt orientés vers Al-Qaïda. Il y a dans cette région 2,5 millions d'habitants qui ne sont pas tous terroristes. La stratégie de Bachar al-Assad et des Russes a consisté à regrouper progressivement tout le monde dans cette zone.

Les combats les plus spectaculaires ont été ceux d'Ersal, à la frontière entre le Liban et Damas, menés par Al-Qaida et Daech. L'armée libanaise a repris le territoire, et on a envoyé les combattants par cars dans la zone d'Idlib !

On justifie le fait d'empêcher l'aide humanitaire de parvenir dans ces zones pour empêcher Daech de prendre la relève d'Al-Qaida, mais lesdites zones comportent aussi des populations civiles non kurdes.

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