Madame la ministre, on constate des difficultés croissantes dans l’approvisionnement des pharmacies, y compris celles des centres hospitaliers, quand il ne s’agit pas tout simplement de ruptures de stock, pendant parfois plusieurs mois. Cette pénurie frappe aussi les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, avec une hausse des difficultés d’année en année : selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, 391 cas de ruptures de stock ont été dénombrés en 2015, 405 en 2016 et 530 en 2017 !
Parmi les causes de ces difficultés, on compte bien sûr l’explosion de la demande mondiale dans un contexte où les grands laboratoires fusionnent jusqu’à se trouver en situation de quasi-monopole : dès lors, les possibilités de recours et les capacités de production baissent. De même, la dépendance au marché mondial a des effets sur la fourniture en matières premières pour les médicaments qui ne sont pratiquement plus fabriqués en France.
Dans cette situation de pénurie, le laboratoire Mylan par exemple, qui produit l’antibiotique Augmentin®, d’utilisation courante à l’hôpital, a annoncé qu’il cesserait sa production à destination de la France pour se tourner vers l’export d’ici à la fin de cette année, mais qu’il resterait possible de lui acheter des antibiotiques au prix de l’export, c’est-à-dire pour un montant cinq à six fois supérieur.
Un autre cas existe, celui des médicaments dérivés du sang, dont les immunoglobulines polyvalentes. L’insuffisance du stock des laboratoires LFB et CSL Behring a obligé parfois à retarder l’instauration de cures, l’ANSM demandant aux prescripteurs de hiérarchiser les indications, afin d’utiliser les stocks restants pour les indications les plus prioritaires.
Cette situation conduit aussi les instances à autoriser des spécialités équivalentes destinées initialement aux marchés turc et brésilien, avec des notices qui ne sont pas en français et sans étiquette de traçabilité. Les vaccins sont également fortement concernés, et cela avant même l’élargissement des obligations vaccinales que vous avez mis en place, madame la ministre.
Dans ces conditions, c’est toute la chaîne du médicament qu’il faut repenser, non seulement pour faire en sorte que les laboratoires respectent leurs engagements, mais également pour limiter les surcoûts pour nos hôpitaux.
Nous vous demandons donc, madame la ministre, s’il n’est pas envisageable de confier la production des médicaments stratégiques au secteur public, dans un premier temps autour de l’Agence générale des équipements et produits de santé, l’AGEPS, et de son laboratoire de Nanterre, et, à plus long terme, en constituant un véritable service public du médicament.
Il me semble que nous devrions réfléchir à une indépendance sanitaire, comme nous réfléchissons à notre indépendance énergétique et alimentaire.