Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 19 juin 2018 à 9h30
Questions orales — Pénurie de médicaments

Agnès Buzyn :

Monsieur le sénateur Dominique Watrin, l’approvisionnement en médicaments est un objectif de santé publique majeur, en particulier pour les médicaments d’intérêt thérapeutique. Dans certains cas, l’indisponibilité est susceptible d’entraîner un problème de santé publique, avec mise en jeu du pronostic vital et des pertes de chance importantes pour les patients ; je pense notamment à certains médicaments anticancéreux.

Afin de répondre à ces difficultés, vous m’interrogez sur la possibilité, dans un premier temps, de confier la production des médicaments stratégiques au secteur public et, à plus long terme, de constituer un service public du médicament.

L’Agence générale des équipements et produits de santé, l’AGEPS, que vous mentionniez, met aujourd’hui en œuvre la politique de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris en matière d’équipements et de produits de santé. Cet établissement se compose de plusieurs pôles, dont le pôle Établissement pharmaceutique de l’assistance publique des hôpitaux de Paris. Ce dernier joue un rôle essentiel dans la recherche, le développement, la production et la mise à disposition des patients des médicaments indispensables, qui répondent à des situations rares ou à des indications orphelines.

Il s’agit de situations non prises en charge par l’industrie pharmaceutique ou de médicaments nécessitant une adaptation galénique pour répondre aux besoins de populations particulières, comme les enfants et les personnes âgées.

Toutefois, cet établissement pharmaceutique public n’a pas pour mission de produire des médicaments en grande quantité destinés à couvrir le marché français. Conformément à l’article R. 5124-69 du code de la santé publique, l’AGEPS ne peut fabriquer des médicaments qui disposent déjà d’une autorisation de mise sur le marché exploitée dans le secteur concurrentiel. Dès lors, l’Agence n’a pas pour mission de suppléer les laboratoires du secteur privé en cas de rupture d’approvisionnement en médicaments produits par ces derniers.

Par ailleurs, la production de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur par un établissement public ne garantirait pas des ruptures liées en particulier à un problème d’approvisionnement en matières premières qui se situe le plus souvent à l’échelon mondial. Ainsi, un anticoagulant est fabriqué à partir de saumons pêchés dans la zone de Fukushima ; la zone de pêche ayant été interdite pendant des années après l’accident survenu à la centrale nucléaire, ce fait a eu une incidence sur l’ensemble de la production mondiale. C’est aussi le cas des médicaments dérivés du sang, notamment les immunoglobulines polyvalentes.

Monsieur le sénateur, votre proposition ne résoudrait pas les problèmes d’approvisionnement en matières premières. Elle ne résoudrait pas non plus les difficultés liées aux problèmes de chaîne de production qui peuvent aussi se produire au sein d’un établissement pharmaceutique public, notamment quand il y a contamination ou arrêt d’une chaîne. En d’autres termes, elle ne répondrait pas à la totalité des problématiques rencontrées aujourd’hui.

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