J’ai également à l’esprit l’instauration de quotas, qui ne furent pas mis en œuvre sous de précédentes législatures, alors même que les occasions n’auraient pas manqué de le faire lors des nombreuses modifications du droit des étrangers dont le Parlement avait été saisi.
Comment le Gouvernement pourrait-il accepter une telle évolution ? La limitation du droit au regroupement familial que la mise en place de quotas occasionnerait est directement contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier à son article 8, qui reconnaît le droit à une vie familiale normale.
De même, vous proposez de supprimer l’aide médicale de l’État et de la remplacer par une aide médicale d’urgence, dont le panier de soins serait plus réduit. Sur ce sujet également, le Gouvernement ne saurait admettre une telle régression des droits des personnes qui aurait pour conséquence, en réduisant les soins accordés aux étrangers, fussent-ils en situation irrégulière, d’accroître les risques pour la santé publique en général.
Sur ces points, le Gouvernement marquera son opposition de manière ferme et déterminée.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, des mesures ont été adoptées par votre commission qui auraient pour conséquence d’allonger les délais d’instruction du droit d’asile et d’amoindrir l’efficacité des politiques d’éloignement, à l’inverse donc de deux objectifs que nous partageons pourtant avec la majorité sénatoriale.
J’ai à l’esprit, par exemple, le maintien à un mois du délai de recours devant la CNDA, que le Gouvernement souhaite faire passer à quinze jours. On ne peut à la fois chercher à réduire les délais d’instruction du droit d’asile – comme c’est votre cas, il me semble ! – et refuser cette mesure, qui a été très encadrée par l’Assemblée nationale.
La suppression de la possibilité de demander l’aide au retour pour les personnes en rétention est un autre sujet de désaccord. Il me paraît encore que l’on ne peut rejeter cette mesure, qui est de nature à augmenter significativement le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français, si l’on souhaite améliorer l’efficacité des politiques d’éloignement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’enjeu qui nous réunit aujourd’hui est tout à fait décisif pour la France et pour les Français, bien sûr, pour lesquels la question migratoire est une des préoccupations principales, mais, plus largement, pour l’avenir de l’Europe.
On voit quelles positions sont en présence.
Il y a d’abord ceux qui souhaitent accueillir tous ceux qui veulent venir et nient jusqu’à l’existence même des frontières. C’est là, chacun le comprend, une impasse, car l’Europe ne pourra jamais faire face, par exemple, au doublement de la population de l’Afrique.
Il y a ensuite ceux – ils sont de plus en plus nombreux en Europe et en France – qui rejettent tout accueil, y compris celui de personnes qui fuient la guerre et la persécution. Cela est en tout point contraire à l’histoire européenne et jamais nous n’accepterons que le droit d’asile soit remis en question.
La responsabilité de la France est de porter une ligne empreinte de fermeté et de justice, d’efficacité et d’humanité, fidèle aux valeurs de la République, fidèle aux valeurs de l’Europe, qui en a besoin.
Voilà l’enjeu à la hauteur duquel nous devons nous hisser. Nous sommes observés par les Français, par nos partenaires, par les peuples européens. Je suis convaincue, mesdames, messieurs les sénateurs, que nos débats seront à la mesure de cette responsabilité.