Madame la ministre, lorsque l’on essaie de fuir la violence, la torture, la guerre, la famine, les catastrophes écologiques, quitter son pays, ses amis, et sa famille parfois, représente une vraie souffrance. Pourtant, rien ne décourage ces femmes et ces hommes qui cherchent simplement à vivre ailleurs, car ils y sont contraints, rien, pas même la violence des frontières qui se ferment devant eux.
La fonte des neiges dans les Alpes nous l’a récemment rappelé, en révélant les dépouilles de corps de migrants contraints d’emprunter des détours en pleine montagne ; ces mêmes migrants que certains extrémistes nationalistes chassaient fièrement à bord d’hélicoptères il y a peu ; ces mêmes migrants que d’autres citoyens, plus fidèles aux valeurs de notre République, aident en toute fraternité, avant d’être traînés devant les tribunaux !
Votre conception de la politique migratoire s’inscrit dans un projet plus global : vous vous attaquez à la solidarité des Français envers les étrangers comme vous montez les Français les uns contre les autres, pour servir les intérêts d’une politique de libéralisation et de casse des valeurs républicaines, droit d’asile compris.
L’attitude de la France et de l’Europe met en danger les migrants et laisse les citoyens et les associations gérer l’urgence humanitaire. C’est ainsi que ces 629 femmes et hommes rescapés, repêchés en mer par l’Aquarius, n’ont trouvé d’accueil ni en Italie ni en France ; 629 femmes et hommes qui « ne sont rien » et qui méritent sans doute d’être « responsabilisés », mis au pas, comme le sont les Français sous le régime de La République En Marche.
De son côté, le Conseil européen devra, à la fin du mois, prendre acte une nouvelle fois de l’échec de sa politique migratoire et repenser ses orientations, qui ne sont pas suivies d’effets. Rappelons que la France s’était engagée en 2015 à accueillir 30 750 personnes jusqu’en 2017, alors que, aujourd’hui, seules 4 278 personnes ont été relocalisées.
Pour le moment, l’heure n’est pas à l’apaisement, comme l’a déclaré Emmanuel Macron, puisque, juste après sa rencontre avec le chef du gouvernement italien, Rome refusait une nouvelle fois l’accès de ses ports à des bateaux d’ONG.
Aujourd’hui, madame la ministre, l’émotion et la colère sont d’autant plus fortes et légitimes que votre texte enfreint un certain nombre de principes fondamentaux, à commencer par le droit d’asile, qui fait partie intégrante de l’histoire démocratique française.
La Constitution du 24 juin 1793 proclamait déjà que le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. - Il le refuse aux tyrans. » C’est l’acte fondateur du droit d’asile, élément constitutif des grands principes de la Révolution française et du siècle des Lumières.