Intervention de Jacqueline Eustache-Brinio

Réunion du 19 juin 2018 à 14h30
Immigration droit d'asile et intégration — Question préalable

Photo de Jacqueline Eustache-BrinioJacqueline Eustache-Brinio :

Il y a donc réellement urgence à agir ! Or, comme sur de nombreux sujets, la montagne gouvernementale a accouché d’une souris.

En effet, face aux enjeux majeurs que je viens d’évoquer, le texte proposé par le Gouvernement et adopté par sa majorité à l’Assemblée nationale est une bien faible réponse. Sacrifiant toute fermeté et tout pragmatisme à la nécessité de ne pas heurter son aile gauche, le Gouvernement présente un texte technique qui n’apporte en réalité aucune solution crédible aux problèmes d’aujourd’hui, encore moins à ceux de demain.

Demain, c’est l’horizon qu’il nous faut regarder, si nous voulons mener une réforme véritablement efficace pour les générations futures. Hélas, le Gouvernement n’a pas souhaité traiter ces problèmes en profondeur.

Ce texte, focalisé sur le droit d’asile, dont la nécessité ne fait absolument aucun débat, ne changera rien au véritable problème de fond : la faiblesse des moyens financiers et humains alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière.

En 2015, seuls quatre immigrés en situation irrégulière sur cent ont été effectivement reconduits à la frontière. Pendant ce temps, des milliers de demandeurs d’asile sont accueillis par l’État, parfois dans des gymnases, dans l’attente de l’examen de leur situation administrative.

Enfin, le texte gouvernemental s’avère extrêmement permissif en ce qui concerne la réunification familiale à l’égard des frères et sœurs des réfugiés mineurs. Une disposition que nous avons bien sûr supprimée au sein de la commission des lois, tant elle sème les germes de drames à venir sur le plan humanitaire : combien de mineurs seront-ils envoyés seuls, au mépris des risques, dans les mains des passeurs, sur les routes et par-delà les mers, dans l’espoir d’atteindre la France, d’où ils pourront faire venir leurs frères et sœurs ?

Prenons conscience tous ensemble, pour l’accepter, de la réalité des lourdes charges financières qui incombent aux départements en matière de prise en charge des mineurs non accompagnés. Pour citer un exemple que je connais bien, en 2010, le département du Val-d’Oise prenait en charge 80 mineurs isolés, pour un coût de 3 millions d’euros ; en 2018, il en accueille 640, pour un montant de 43 millions d’euros.

La commission des lois s’est donc pleinement saisie de ce texte et l’a profondément modifié, à la suite des très nombreuses auditions des responsables associatifs et des représentants des services de l’État que nous avons menées.

Ainsi, nous proposons au Sénat de refuser le statut de réfugié à ceux qui constitueraient une menace grave pour la sûreté de l’État ; de refuser l’extension de la réunification familiale aux frères et sœurs des réfugiés mineurs ; de créer un fichier national des mineurs ; de donner à toute décision définitive de rejet d’une demande d’asile valeur d’obligation de quitter le territoire.

Non, ces dispositions ne suffiront pas à régler définitivement la question de l’immigration en France. Mais, oui, face au manque de volonté du Gouvernement, elles permettront de pallier un certain nombre de défaillances de notre système d’asile et d’immigration et d’affirmer la détermination du Sénat à agir.

Ce projet de loi, largement amendé par notre assemblée, constituera notre appel en faveur d’une véritable politique migratoire en France. C’est pourquoi le groupe Les Républicains vous appelle, mes chers collègues, à ne pas voter en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable !

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