Après 1915, fuyant le génocide perpétré par l’État turc, 200 000 Arméniens ont été accueillis par notre pays. Nombre d’entre eux furent aussi de ceux qui défendirent la liberté de la France et tombèrent pour elle.
À la suite d’un accord entre les gouvernements français et polonais, plus de 700 000 Polonais sont venus apporter leurs bras à une industrie française qui en manquait terriblement.
Chassés par le fascisme, 600 000 Espagnols, défenseurs de la deuxième république espagnole, que nous avons abandonnée, ont traversé les Pyrénées durant l’hiver de 1939 pour trouver refuge en France.
Je pourrais aussi évoquer les Belges, les Italiens, les Portugais, les Algériens, toutes ces populations qui ont contribué à faire de notre pays ce qu’il est aujourd’hui : une République de citoyennes et de citoyens unis dans la démocratie par les règles communes qu’ils se sont données.
Je passe sous silence les migrations passées, comme celles qu’évoque le décor de la salle des conférences avec les Germains de sainte Geneviève et de Clovis, ou celles qui ont fait presque totalement disparaître les premiers habitants des îles des Antilles, ainsi que tous les échanges récents qui font que, aujourd’hui, un Français sur quatre a un parent d’origine étrangère.
L’identité de la France n’est à chercher ni dans un roman des origines ni dans un discours historique national qui exclut, mais dans cette dynamique perpétuelle qui mêle les populations et les unit dans la défense de valeurs républicaines qui les dépassent.
Le philosophe allemand Hegel explique très bien comment, dès qu’une chose est figée, elle est morte et remplacée par autre chose. Ce qui compte le plus dans notre République n’est pas d’où nous venons, mais où nous souhaitons aller ensemble. L’historien italien Massimo Montanari dit que « l’identité n’existe pas à l’origine, mais au terme du parcours ».
Ma conscience républicaine est blessée quand vous présentez, comme vous le faites avec ce texte, l’immigration comme un mal dont il faudrait se prémunir, une maladie qu’il serait nécessaire de réduire et d’endiguer.
Je suis triste pour celles et ceux qui, venus d’ailleurs, ont tant apporté à la France, quand je lis qu’il faudrait définir une politique nationale d’immigration et d’intégration « conforme à l’intérêt national ». L’intérêt de la Nation est justement dans cette recomposition permanente du corps civique, dans cet amalgame infini des différentes cultures !