L’article 5, l’un des plus emblématiques de ce projet de loi, est de ceux qui cristallisent les critiques de l’ensemble des associations et acteurs du droit d’asile. Pour l’essentiel, il réduit le délai de dépôt d’une demande d’asile de 120 à 90 jours à compter de l’entrée sur le territoire afin que celle-ci soit examinée en procédure normale. Ce qui signifie que les demandes déposées après 90 jours seront toutes examinées en procédure accélérée.
Passer de quatre à trois mois pourrait sembler anecdotique, mais tant s’en faut : la procédure accélérée offre aux demandeurs d’asile des garanties bien moindres que la procédure normale. En particulier, l’OFPRA doit, dans ce cadre, statuer en quinze jours, délai qui ne permet pas d’approfondir l’instruction de la demande d’asile.
Ce choix va directement à l’encontre des mises en garde formulées dans son avis sur le projet de loi par le Défenseur des droits. Celui-ci souligne que, dans un contexte de saturation du dispositif national d’accueil, « rien ne garantit qu’il ne sera pas procédé à des placements injustifiés en procédure accélérée lorsque la personne en quête d’une protection internationale n’aura pas, du fait de la saturation du dispositif, pu déposer sa demande dans le délai imparti, sans toutefois pouvoir justifier de ses tentatives infructueuses ».
La possibilité d’accélérer l’examen de la demande est justifiée, y compris dans le rapport de M. Buffet, par l’article 8 de la directive Procédures. Toutefois, je vous rappelle que, comme le Défenseur des droits vous l’a signifié dans l’avis qu’il vous a remis, que la directive ne fixe aucun délai maximal au-delà duquel il y aurait lieu de supposer que la demande présente un caractère tardif. Ainsi, le droit interne va sur ce point déjà plus loin que ce qu’exige le droit européen, en prévoyant une présomption de tardiveté pour les demandes déposées au-delà de 120 jours.
De plus, cet article réduit ce même délai à 60 jours pour la Guyane, soit un mois de moins que pour la métropole. Nous y reviendrons dans la suite de la discussion, mais le développement du droit d’exception dans le CESEDA est injustifié et fait des territoires ultramarins des territoires de seconde zone.
En parallèle, dans le même objectif, cet article dispose que les convocations à l’OFPRA et les décisions de l’Office pourront désormais se faire « par tout moyen », y compris électronique, inévitablement au détriment des demandeurs d’asile, lesquels sont particulièrement vulnérables. Nous reviendrons sur ce point également dans le débat.
En définitive, cet article entrave le dépôt de la demande d’asile dans un délai raisonnable et ne permet pas la bonne information des demandeurs quant au sort qui leur est réservé. Pour toutes ces raisons, nous en demandons la suppression.