La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.
La séance est reprise.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre Ier, l’examen de l’article 3.
TITRE Ier
ACCÉLÉRER LE TRAITEMENT DES DEMANDES D’ASILE ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D’ACCUEIL
Chapitre Ier
Le séjour des bénéficiaires de la protection internationale
L’amendement n° 375 rectifié, présenté par MM. Sueur, Assouline et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes G. Jourda, Lepage, Lienemann et S. Robert, M. Roger, Mmes Rossignol et Taillé-Polian, M. Temal, Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…) Après le troisième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité administrative informe les membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire, sollicitant un visa d’entrée pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois, des modes de preuves auxquels ils peuvent recourir pour établir les liens de filiation. » ;
…) Le quatrième alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le doute sur authenticité des documents étrangers bénéficie au demandeur. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Cet amendement est de bon aloi, car il a été proposé par Jacques Toubon, Défenseur des droits, que vous connaissez très bien, monsieur Karoutchi.
Il vise à renforcer le droit des réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire en leur permettant d’être informés des modes de preuve auquel ils peuvent recourir pour établir des liens de filiation dans la perspective d’une réunification familiale.
La délivrance, par les autorités administratives, diplomatiques et consulaires, d’informations sur les critères de filiation permettrait de renforcer la transparence à l’égard des étrangers souhaitant venir en France au titre de la réunification familiale.
Par ailleurs, selon un principe désormais bien établi, la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, estime que, eu égard à la situation particulière dans laquelle se trouvent les membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire d’un titre de séjour, « il convient dans de nombreux cas de leur accorder le bénéfice du doute lorsque l’on apprécie la crédibilité de leurs déclarations et des documents soumis à l’appui de celles-ci ».
La CEDH, j’y insiste, monsieur le président, a raison de dire qu’il faut accorder le bénéfice du doute au demandeur.
La CEDH et M. Toubon étant de notre côté, je ne doute pas du sort qui sera réservé à cet amendement par notre commission et par le Gouvernement !
Cet amendement a deux objets. Le premier est de prévoir dans la loi une information de la famille des réfugiés sollicitant la réunification familiale. Le second est de préciser que, en cas de doute sur l’authenticité des documents, le doute bénéficie au demandeur de la réunification familiale. Ce dernier point est évidemment très discutable. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
D’abord, la définition des liens de filiation est très complexe. Il convient de laisser aux services le soin de l’apprécier.
En outre, il faut rappeler que les consulats peuvent également consulter le registre d’état civil du pays d’origine et demander des informations à l’OFPRA. C’est évidemment prévu dans le CESEDA.
Par ailleurs, le droit des étrangers est bâti sur des filiations « légalement établies », conformément aux dispositions importantes de l’article L. 314-11 du CESEDA. Il n’apparaît pas donc pas opportun de modifier ces principes.
Je le répète : l’avis de la commission est défavorable.
Permettez-moi de vous donner lecture de l’article 47 du code civil : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »
Dans ces conditions, et compte tenu de la fraude rencontrée massivement – je dis bien : massivement – dans certains pays d’origine, le Gouvernement est défavorable au fait d’ériger en principe une présomption, même simple, de sincérité donnée à des documents douteux.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Seulement, ce qu’a dit la Cour européenne des droits de l’homme à cinq reprises devrait tout de même nous inciter à la réflexion.
Permettez-moi de profiter de cette explication de vote pour vous faire une proposition, monsieur le rapporteur. Si cet amendement était rectifié et qu’il ne visait plus qu’à insérer l’alinéa commençant par : « L’autorité administrative informe les membres de la famille… », serait-il susceptible de recevoir un avis favorable de votre part ?
À la première lecture de la rectification que propose notre collègue Sueur, je suis d’accord.
Je vous remercie de cet avis, monsieur le rapporteur. Avec l’accord de mes collègues, je rectifie donc l’amendement dans le sens que je viens d’indiquer.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 375 rectifié bis, présenté par MM. Sueur, Assouline et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes G. Jourda, Lepage, Lienemann et S. Robert, M. Roger, Mmes Rossignol et Taillé-Polian, M. Temal, Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le troisième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité administrative informe les membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire, sollicitant un visa d’entrée pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois, des modes de preuves auxquels ils peuvent recourir pour établir les liens de filiation. »
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Je prends la parole, même si je regrette la décision de l’auteur de cet amendement que j’avais cosigné.
Il me semblait totalement cohérent avec les dispositions que nous avons votées ici en 2016 concernant la protection de l’enfant et la prise en compte de sa parole d’accorder le bénéfice du doute aux demandeurs, en particulier aux mineurs non accompagnés. On a redéfini différents critères.
Je prends acte de cette rectification, mais je regrette que l’amendement ne prévoie plus d’accorder le bénéfice du doute au demandeur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 192 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa de l’article L. 723-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par les mots : « portant sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies ».
La parole est à M. Didier Marie.
L’article L. 723-5 du CESEDA prévoit que l’OFPRA peut demander à une personne sollicitant l’asile de se soumettre à un examen médical.
Par cet amendement, nous souhaitons préciser que cet examen porte exclusivement sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves que le demandeur aurait subies. Il s’agit d’assurer que l’examen médical ait un lien direct avec la demande de protection.
Cette garantie est fidèle à l’article 18 de la directive du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, dite « directive Procédures », laquelle dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires, sous réserve du consentement du demandeur, pour que celui-ci soit soumis à un examen médical portant sur des signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies dans le passé.
Il doit y avoir un lien direct entre la demande de protection et l’examen médical.
Cet amendement, s’il était adopté, conduirait à demander au législateur de se substituer au médecin. Il vise en effet à inscrire dans la loi un certain nombre de contrôles médicaux alors qu’une bonne partie d’entre nous – c’est mon cas – ne dispose pas de la compétence nécessaire pour en apprécier la pertinence.
Il est si difficile de définir le contenu exact des examens médicaux qu’il me semble préférable de laisser cela aux médecins, non au législateur. Avis défavorable.
J’ajoute qu’un peu de souplesse dans le dispositif ne ferait pas de mal.
Lorsque l’OFPRA demande au demandeur d’asile de réaliser un examen médical, c’est parce qu’il lui est nécessaire pour mener à bien sa mission de protection. Par exemple, lorsque cet examen concerne une jeune fille protégée contre un risque d’excision – elle n’est donc pas excisée –, il est contre-productif de demander qu’il ne porte que sur les atteintes subies par la personne. Cela priverait la protection de sa portée.
Un examen médical peut en effet être indispensable afin de mieux évaluer, de mieux identifier les craintes de persécutions et d’atteintes graves de ces personnes à la lumière des éléments de la demande d’asile.
Il ne s’agit en aucun cas de demander un examen à des fins autres que celles de protection ou d’exercer un quelconque contrôle.
À cet égard, la précision que vous souhaitez apporter ne nous paraît absolument pas utile.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
L’idée sous-jacente à cet amendement est que le demandeur puisse faire valoir les persécutions qu’il estime avoir subies et que son libre arbitre soit reconnu. Il n’est pas nécessaire de pratiquer des examens médicaux invasifs, qui pourraient éventuellement aller bien au-delà de ce que souhaite le demandeur.
C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
Je mets aux voix l’amendement n° 192 rectifié bis.
L’amendement n° 191 rectifié bis, présenté par MM. Marie et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…- Après le premier alinéa de l’article L. 723-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si aucun examen médical n’est réalisé conformément au premier alinéa, l’office informe le demandeur qu’il peut, de sa propre initiative et à ses frais, prendre les mesures nécessaires pour se soumettre à un examen médical portant sur les signes de persécutions ou d’atteintes qu’il aurait subies. »
La parole est à M. Didier Marie.
Je pense que M. Karoutchi votera cet amendement, lui qui préconisait tout à l’heure de ne pas aller au-delà de ce que prévoit la directive.
Cet amendement vise à nous mettre en conformité avec le droit européen. Selon l’article 18 de la directive Procédures du 26 juin 2013, que j’ai citée précédemment, les États membres prennent « les mesures nécessaires pour que le demandeur soit soumis à un examen médical portant sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies dans le passé ». À défaut d’examen médical, l’alinéa 2 du même article prévoit que l’État informe le demandeur qu’il peut, « de sa propre initiative et à ses frais », prendre les mesures nécessaires pour se soumettre à un examen médical.
L’État n’ayant pas assumé sa responsabilité et n’ayant pas proposé et financé l’examen médical, il lui revient – cela peut s’entendre – a minima de prévenir le demandeur qu’il peut réaliser un tel examen, d’autant plus que le certificat médical, en cas de séquelles physiques, mais aussi psychologiques, peut se révéler être une pièce essentielle du dossier, en ce qu’il atteste que l’état de santé du demandeur d’asile corrobore son récit, celui de ses persécutions, de sa fuite et de l’exil qui en découle.
L’objet de cet amendement est contraire à la position défendue par la commission, qui émet donc un avis défavorable.
En 2015, nous avons adopté la possibilité, pour l’OFPRA, de diligenter des examens médicaux, notamment pour les mineurs menacés de mutilations sexuelles. À cette époque, d’ailleurs pas si lointaine, cela n’a pas été facile : le Défenseur des droits trouvait d’ailleurs cette mesure trop intrusive pour la vie privée des demandeurs d’asile.
L’adoption de l’amendement n° 191 rectifié bis permettrait à un demandeur d’asile d’organiser, à ses frais, son propre examen médical. Or il paraît à la commission beaucoup plus pertinent de laisser l’organisation de cette procédure à l’OFPRA. De plus, il semblerait surprenant que l’OFPRA refuse d’organiser un tel examen médical quand il s’avère nécessaire. Je crois que nous pouvons faire confiance à cette institution de ce point de vue.
Monsieur le sénateur Marie, le demandeur a déjà la possibilité de demander un certificat médical après s’être soumis à un examen à ses frais. Préciser qu’il peut être informé d’une telle possibilité, outre le fait que cela ne relève pas du domaine de la loi, ne paraît donc pas nécessaire. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. Autrement, l’avis sera défavorable.
Il est difficilement compréhensible que l’on nous demande, à de nombreuses reprises, de nous conformer au droit européen, en l’occurrence à une directive, mais que l’on nous refuse de le faire en la circonstance, alors que j’ai cité les termes précis de la directive concernée.
Au-delà des termes évoqués, cette question est importante. Il est toujours envisageable, même si, bien évidemment, l’OFPRA fait parfaitement son travail, qu’à un moment ou à un autre un examen médical n’ait pas été mené pour corroborer l’un des problèmes soulevés par le demandeur, ne serait-ce que parce que celui-ci, nous y reviendrons tout à l’heure, ne s’est pas exprimé dans la langue qu’il maîtrise le mieux.
Dans ces conditions, il paraît opportun que le demandeur puisse à son tour, conformément à la directive, demander qu’un examen complémentaire soit réalisé, même si c’est effectivement à lui de le financer.
Je mets aux voix l’amendement n° 191 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’article 3.
Bien entendu, nous voterons contre cet article, compte tenu des modifications apportées au texte à la suite de l’adoption d’amendements déposés par le groupe Les Républicains avant la suspension du dîner. Celles-ci nous semblent particulièrement préjudiciables au droit à la réunification familiale et au respect de la capacité d’une famille de prendre en charge un enfant jusqu’à ce que j’appelle « la frontière » de ses 18 ans.
Il n’est pas raisonnable de considérer, sous le prétexte qu’il faut tenir compte du délai d’étude de la demande d’asile et du délai de la demande de réunification familiale, que ceux qui deviennent majeurs avant la fin de la procédure ne puissent pas bénéficier de la réunification familiale. Une telle modification va à l’encontre du droit d’asile et du droit à vivre dans une famille réunifiée.
Par conséquent, nous ne pouvons faire autrement que de voter contre l’article 3.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 135 :
Le Sénat a adopté.
Chapitre II
Les conditions d’octroi de l’asile et la procédure devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 193 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 711-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « au », sont insérés les mots « sexe, à l’identité de ».
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Cet amendement vise à intégrer les aspects liés au sexe dans les motifs de persécution permettant une protection. Cela devrait aller de soi, mais ni la convention de Genève ni la directive Qualification ne les mentionnent expressément.
La convention de Genève évoque, dans son article 1er, les persécutions « du fait de [la] race, de [la] religion, de [la] nationalité, de [l’] appartenance à un certain groupe social ou [des] opinions politiques ». La directive Qualification, quant à elle, mentionne, dans son article 10, au titre des motifs de persécution, « la caractéristique liée à la race, à la religion, à la nationalité, à l’appartenance à un certain groupe social ou aux opinions politiques ».
Par conséquent, les aspects liés au sexe, pourtant essentiels, sont pris en compte au titre du groupe social. Or, on le sait, le simple fait pour une femme d’être une femme justifie souvent les violences de tous ordres. D’où notre volonté, par cet amendement, de préciser noir sur blanc la mention liée au sexe.
L’amendement n° 119 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Avant l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 711-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « genre », sont insérés les mots : «, à l’identité de genre ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Le présent amendement vise à modifier l’article L. 711-2 du CESEDA, qui précise : « S’agissant des motifs de persécution, les aspects liés au genre et à l’orientation sexuelle sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe. »
L’amendement que nous défendons a pour objet de préciser la liste des traits pouvant faire l’objet de persécutions, en y ajoutant la question de l’identité de genre.
En effet, nous ne pouvons ignorer la question de la transidentité et les difficultés qui sont celles des personnes transgenres dans certains États menant une politique de répression à leur égard. Nous ne pouvons pas non plus ignorer la difficulté qui est la leur au sein de nos centres d’accueil et de rétention administrative, où elles n’ont parfois pas accès à leurs médicaments lorsqu’elles sont en cours de transition, ou lorsqu’elles se font mégenrer dans le traitement de leurs dossiers.
Alors que la question du genre n’est évoquée ni dans le droit international ni dans le droit européen, autrement dit ni dans la convention de Genève ni dans la directive 2011/95/UE traitant des conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour bénéficier de la protection internationale ou subsidiaire, la France pourrait jouer un rôle précurseur en matière d’accueil des personnes transgenres. Mes chers collègues, saisissons l’occasion d’avoir un droit d’asile progressiste.
La commission demande le retrait de l’amendement n° 193 rectifié bis. À défaut, elle y sera défavorable.
Cet amendement tend à intégrer les aspects liés au sexe dans la définition des motifs de persécution. Or ceux-ci sont déjà pris en compte dans le droit en vigueur, au sein des dispositions de l’article L. 711-2 du CESEDA, qui renvoie à la convention de Genève et à la directive 2011/95/UE, dite directive Qualification.
La notion d’appartenance à un groupe social, tel que la prévoit la convention de Genève en son article 1er, constitue l’un des motifs de persécution susceptibles d’être pris en compte pour l’octroi du statut de réfugié.
L’article 10 de la directive Qualification précise notamment, s’agissant du groupe social, qu’il réunit des membres partageant « une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée », formant un groupe ayant une « identité propre […] parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante ».
Ainsi, le droit actuel prend très clairement en compte la notion de sexe dans la détermination de l’appartenance à un groupe social.
J’en viens à l’amendement n° 119 rectifié. Celui-ci tend à intégrer, au sein des motifs de persécution, les aspects liés à la transidentité, en ajoutant la notion d’identité de genre à celle de genre, qui est déjà prévue dans les dispositions de l’article L. 711-2 du CESEDA.
Cet amendement me paraît par conséquent d’ores et déjà satisfait par le droit en vigueur, qui prévoit que « les aspects liés au genre et à l’orientation sexuelle sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe ». Cette précision reprend d’ailleurs les termes de la directive Qualification de 2011.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 119 rectifié.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable, exactement pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées par le rapporteur. En effet, la loi répond déjà aux préoccupations exprimées au travers de ces deux amendements.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote sur l’amendement n° 193 rectifié bis.
Mme Michelle Meunier. J’ai entendu les arguments du rapporteur, que j’ai du mal à partager. Personne ne m’a jamais demandé à quel groupe social j’appartiens. En revanche, je suis jugée par le seul fait d’être une femme, pas un homme. Les aspects liés au sexe entrent tout de suite en ligne de compte. Ce qui est valable pour les uns l’est aussi pour les autres. Je maintiens donc l’amendement.
M. Rachid Temal applaudit.
Je mets aux voix l’amendement n° 193 rectifié bis.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 4, et l’amendement n° 119 rectifié n’a plus d’objet.
I. – Le titre Ier du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 711-6 est ainsi modifié :
a)
b)
c) Au 2°, après le mot : « France », sont insérés les mots : « ou dans un État membre de l’Union européenne » et, après le mot : « terrorisme », la fin de la phrase est ainsi rédigée : «, soit pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace pour la société française. » ;
d)
« 3° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort dans un État tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d’État, des États démocratiques garantissant l’indépendance des juridictions répressives, soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme, soit pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace pour la société française. » ;
2° L’article L. 713-5 est complété par les mots : « ou d’un refus ou d’une fin de protection en application de l’article L. 711-6 du présent code ».
II. – Le titre Ier du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 611-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 611 -13. – Les décisions administratives de délivrance, de renouvellement ou de retrait d’un titre ou d’une autorisation de séjour sur le fondement des articles L. 121-4, L. 122-1, L. 311-12, L. 313-3, L. 314-3 et L. 316-1-1 ou des stipulations équivalentes des conventions internationales, peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques intéressées n’est pas incompatible avec le maintien sur le territoire.
« Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements de données à caractère personnel relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification.
« Il peut également être procédé aux mêmes enquêtes pour l’application des articles L. 411-6, L. 711-6, L. 712-2 et L. 712-3 du présent code.
« Un décret détermine les modalités d’application du présent article. Il précise notamment les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de la consultation de traitements de données à caractère personnel. »
III.
1° L’article L. 711-4 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peut mettre » sont remplacés par le mot : « met » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « peut également mettre » sont remplacés par les mots : « met également » ;
2° L’article L. 712-2 est ainsi modifié :
a) Au d, le mot : « grave » est supprimé ;
b) L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le présent article s’applique également aux personnes qui sont les instigatrices ou les complices de ces crimes ou agissements ou qui y sont personnellement impliquées. » ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;
3° L’article L. 712-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « peut mettre » sont remplacés par le mot : « met » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « peut également mettre » sont remplacés par les mots : « met également ».
L’article 4 du projet de loi vise à étendre, dans deux séries d’hypothèses où il existe des motifs sérieux de sécurité, les possibilités pour l’Office français de protection des réfugiés et apatrides de refuser ou retirer le statut de réfugié. Il vise également à renforcer l’obligation faite à l’autorité judiciaire de communiquer à l’OFPRA toute information susceptible de justifier une telle décision et, en parallèle, à permettre de procéder à des enquêtes administratives pouvant conduire au refus ou au retrait d’un titre de séjour ou d’une protection internationale.
Ici encore, il est proposé de revenir sur les dispositions figurant à l’article L. 711-6 du CESEDA, dont la création remonte à moins de trois ans, et ce naturellement pour les durcir, notre commission des lois ayant même souhaité étendre le champ des comportements susceptibles de fonder un refus ou un retrait du statut de réfugié.
Des milliers de personnes meurent de vouloir rejoindre le continent européen. Le Parlement et l’exécutif préfèrent au fait d’assurer un accueil digne envoyer un message plutôt sécuritaire. Rien de surprenant peut-être, mes chers collègues, mais il y a quelque chose de terrifiant à voir des thèses et des idées insidieuses, habituellement réservées à l’extrême droite, aujourd’hui utilisées par presque tous les bords politiques.
Faire penser aux citoyens, qui pourraient être à raison choqués de voir comment la supposée patrie des droits humains traite les exilés, que, parmi ces derniers, se cachent sans doute des terroristes : voilà ce contre quoi nous nous battons.
Les procédures existent pour refuser ou retirer le statut de réfugié. C’est tout à fait légitime. Mais les durcir nous paraît pour le moins inutile et relever d’une vision uniquement sécuritaire et dissuasive de la question migratoire, vision qui me semble parfaitement vaine.
L’amendement n° 517 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mme Laborde et MM. Menonville, Vall et Gold, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au 1° de l’article L. 711-6, le mot : « grave » est remplacé par les mots : « pour la sécurité publique ou » ;
2° Le titre Ier du livre VI est complété par un article L. 611-… ainsi rédigé :
« Art. L. 611 - … – Les décisions administratives de délivrance, de renouvellement ou de retrait d’un titre ou d’une autorisation de séjour sur le fondement des articles L. 121-4, L. 122-1, L. 311-12, L. 313-3, L. 314-3 et L. 316-1-1 ou des stipulations équivalentes des conventions internationales, peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques intéressées n’est pas incompatible avec le maintien sur le territoire.
« Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements de données à caractère personnel relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification.
« Il peut également être procédé aux mêmes enquêtes pour l’application des articles L. 411-6, L. 711-6, L. 712-2 et L. 712-3 du présent code.
« Un décret détermine les modalités d’application du présent article. Il précise notamment les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de la consultation de traitements de données à caractère personnel. »
La parole est à M. Guillaume Arnell.
Pour des raisons évidentes, la lutte contre le terrorisme fait actuellement l’objet d’une préoccupation transversale et impacte un grand nombre de politiques publiques.
L’article 4, considérablement modifié en commission des lois, propose dans sa version actuelle de réduire substantiellement les marges d’appréciation de l’OFPRA et de le contraindre à retirer ou à rejeter systématiquement la protection à une personne condamnée à l’étranger pour terrorisme ou pour une infraction punie de plus de dix ans d’emprisonnement.
Si l’objectif recherché nous paraît légitime, la rédaction proposée par le rapporteur ne nous semble pas satisfaisante, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, l’article L. 711-6 du CESEDA offre déjà un fondement à l’OFPRA pour rejeter une demande d’asile ou y mettre fin, quand la présence de la personne sur le sol français représente une menace grave pour la sûreté de l’État ou lorsque celle-ci a déjà été condamnée pour un crime ou délit puni de plus de dix ans d’emprisonnement. L’automaticité ainsi introduite n’est pas souhaitable.
Ensuite, la nouvelle rédaction proposée tend à transformer le rôle assigné à l’OFPRA, en l’insérant dans le dispositif de lutte contre le terrorisme. Cela pourrait nuire à son indépendance, consacrée par l’article 7 de la loi sur l’asile de 2015, qui dispose en effet que l’Office « exerce en toute impartialité » ses missions « et ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction ». Il serait préférable de renforcer à cette fin le contrôle effectué en préfecture, où le personnel est plus familier des questions de sécurité et d’ordre public, et ce dès la phase initiale de la demande d’asile.
Enfin, la rédaction proposée est insatisfaisante, dès lors qu’elle renvoie à un décret en Conseil d’État la fixation d’une liste des États démocratiques garantissant l’indépendance des juridictions répressives soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme, soit pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement. Une telle qualification est éminemment politique, comme l’a montré la récente condamnation de Mélina Boughedir en Irak.
Cet amendement vise donc à modifier l’article L. 711-6 du CESEDA, afin d’élargir le fondement d’un rejet ou d’un retrait d’une protection à une personne représentant une menace, en conservant toutefois une marge d’appréciation pour l’OFPRA. Nous avons également eu le souci de conférer à cet office des moyens utiles dans son appréciation et souhaité maintenir la possibilité, pour les officiers de protection, de consulter certains fichiers administratifs.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 517 rectifié, qui vise à réécrire l’intégralité de l’article 4. Y est notamment proposé de supprimer la prise en compte d’une condamnation dans un État de l’Union européenne ou dans un État tiers pour le refus ou le retrait du statut de réfugié, ce qui pose tout de même une difficulté assez sérieuse.
L’amendement tend également à supprimer plusieurs autres apports de la commission, notamment sur la compétence liée de l’OFPRA pour le retrait de la protection subsidiaire. Lorsque l’OFPRA, après analyse de l’ensemble des faits dont il est saisi, décide que la protection ne peut pas être accordée, il en découle qu’il a évidemment non plus la faculté, mais l’obligation de refuser le statut en la circonstance.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable. La loi actuelle transpose exactement la directive sans qu’il soit nécessaire, au regard du droit européen, d’y ajouter d’autres éléments.
Je mets aux voix l’amendement n° 517 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mes chers collègues, j’entends vos protestations, mais je vous rappelle que toute demande de scrutin public dûment remplie ne peut qu’être acceptée.
Nous protestons contre les raisons sous-tendant la demande de scrutin public !
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 136 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons consulté l’article 29 ter du règlement de notre assemblée, relatif à l’organisation des débats. Nous risquons de perdre des heures à enchaîner les scrutins publics et nous avons donc réfléchi à la situation.
J’ai demandé à mes collègues du groupe socialiste et républicain de bien vouloir quitter l’hémicycle pour que vous puissiez être majoritaire, chers collègues de la majorité
Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Nous pouvons retarder les échéances, parce que, malheureusement pour vous, vous n’avez pas réussi à mobiliser autant que vous l’auriez souhaité sur un texte aussi important.
Nous avons estimé, pour ce qui nous concerne, que ce texte méritait la mobilisation de notre groupe.
Nous constatons toutefois une forme de blocage dans la fluidité de nos débats.
En conséquence, monsieur le président, je sollicite de votre part une suspension de séance, afin que nos collègues puissent remplir leurs travées et retrouver leur rang de majorité !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mon cher collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants afin d’observer l’évolution de la situation.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase de l’article L. 711-1, après le mot : « liberté », sont insérés les mots : « et de l’égalité » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent amendement vise à modifier l’article L. 711-1 du CESEDA, qui dispose que « la qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ».
Nous souhaitons préciser que les militants en faveur de l’égalité devraient également se voir attribuer le statut de réfugié, lorsque leur lutte politique engendre une persécution dans leurs pays d’origine.
Valeur cardinale, fondatrice et inaliénable de notre République, l’égalité ne saurait être ignorée dans l’attribution du statut de réfugié. Il y va du respect de nos valeurs comme du droit international et européen.
En effet, tant la convention de Genève que la directive 2011/95 de l’Union européenne traitant des conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour bénéficier de la protection internationale ou subsidiaire considèrent que l’opinion politique et donc, de ce fait, la lutte pour les droits civiques et pour l’égalité légitiment une demande de droit d’asile et l’octroi du statut de réfugié, afin de mettre les militants politiques à l’abri des persécutions qu’ils pourraient subir dans leurs pays d’origine.
Le présent amendement vise à modifier l’article L. 711-1 du CESEDA qui dispose que la qualité de réfugié est accordée à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté, en ajoutant qu’elle l’est également si son action est en faveur de l’égalité.
Il s’agit ici de modifier l’asile constitutionnel prévu à l’article 53-1 de la Constitution selon lequel « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ».
Cette rédaction me semble suffisamment large et l’amendement satisfait par le droit en vigueur.
Je vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
L’amendement n° 35 rectifié est retiré.
L’amendement n° 194 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à revenir à la rédaction actuelle du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui a été modifiée par la commission.
Le CESEDA dispose aujourd’hui que : « Le statut de réfugié peut être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque :
« 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’État ;
« 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société. »
La commission propose de remplacer « peut » par « est ». Elle considère donc que l’OFPRA doit dans tous les cas, une fois qu’il aura constaté les faits indiqués, refuser la protection.
Nous pensons au contraire qu’il est important de défendre la marge de manœuvre de l’OFPRA en la matière et de lui faire confiance. Sa décision pourra, dans tous les cas, être contestée devant la CNDA.
Il nous semble donc aberrant de privilégier une situation dans laquelle on refuserait à l’OFPRA toute marge de manœuvre alors que la personne qui recevrait une réponse obligatoirement négative en raison de la loi pourrait contester cette décision devant la CNDA.
Outre le manque de confiance que cela dénote envers l’OFPRA, une telle mesure conduirait à encombrer la CNDA, dont je rappelle qu’elle est un des points chauds du dispositif aujourd’hui, et qu’elle a besoin de moyens pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions.
Cela ne sert à rien, mieux vaut faire confiance à l’OFPRA et lui laisser une marge de manœuvre. C’est la raison pour laquelle nous proposons de maintenir la rédaction actuelle du CESEDA sur ce point.
La commission est défavorable à cet amendement qui tend à supprimer la compétence liée de l’OFPRA pour prononcer le refus ou le retrait du statut de réfugié en application de l’article L. 711-6 du CESEDA.
Il s’agit de distinguer la qualification des faits, pour laquelle l’OFPRA a toute latitude dans le cadre de l’instruction des dossiers – sous le contrôle du juge – et la conséquence de cette qualification, qui doit lier l’autorité administrative.
L’OFPRA doit ainsi apprécier, premièrement, si le demandeur constitue une menace pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État – c’est donc bien l’OFPRA qui qualifie les faits –, ou, deuxièmement, si le demandeur a été condamné pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, si sa présence constitue une menace pour la société française.
Les deux conditions sont cumulatives, l’étranger devant nécessairement avoir été condamné définitivement et, de surcroît, constituer une menace grave pour la société.
Il n’y a donc aucun caractère d’automaticité en présence d’une condamnation pour les infractions mentionnées au 2° de l’article L. 711-6 du CESEDA.
Dès lors que l’OFPRA a qualifié les faits, il n’y a aucune raison qu’il n’en tire pas les conséquences. C’est le sens de la position que la commission a adoptée sur la question de la compétence liée.
Après avoir entendu ces deux exposés, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Je mets aux voix l’amendement n° 194 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 137 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 85, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
ou dans un État membre de l’Union européenne
par les mots :
, dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou au sein de la Confédération suisse
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Cet amendement vise à permettre de refuser le statut de réfugié à un demandeur ayant fait l’objet d’une condamnation pour terrorisme en France, dans tout autre État membre de l’Union européenne, partie de l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse.
L’actuelle rédaction de l’article 4 du projet de loi protège notre pays contre les demandeurs d’asile condamnés pour terrorisme dans un autre État membre de l’Union européenne, mais ne dit rien des autres pays européens.
L’Islande, la Norvège, le Liechtenstein ou la Confédération suisse ne sont pas mentionnés dans cet article, alors qu’ils ont noué des partenariats étroits avec l’Union européenne, y compris sur les questions d’asile et d’immigration.
Le cas futur du Royaume-Uni est tout aussi important, car, en quittant l’Union européenne, il ne sera plus concerné par l’article L. 711-6 du CESEDA.
Il convient donc d’harmoniser la rédaction de cet article en interdisant le statut de réfugié aux demandeurs ayant fait l’objet d’une condamnation en France, dans un État membre de l’Union européenne, dans un État membre de l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse.
La commission demande le retrait de cet amendement, qu’elle considère comme satisfait par la rédaction de l’article 4 issue de ses travaux.
Cet amendement tend à étendre le champ des condamnations prises en compte pour le refus ou le retrait du statut de réfugié, à celles prononcées dans un État de l’Espace économique européen ou au sein de la Confédération helvétique.
Il est satisfait par l’alinéa 7 de l’article 4, qui prévoit que sont prises en compte les condamnations prononcées en dernier ressort dans des États tiers, démocratiques et garantissant l’indépendance des juridictions répressives, dont la liste serait fixée par décret en Conseil d’État.
Cette disposition permettrait par exemple d’écarter du droit d’asile une personne condamnée pour un crime ou un acte de terrorisme par les juridictions des États-Unis ou du Canada, mais aussi de la Confédération helvétique, par exemple.
Je vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut l’avis serait défavorable.
Le Gouvernement considère également que cet amendement est satisfait par l’alinéa 7 de l’article 4.
L’amendement n° 85 est retiré.
L’amendement n° 156 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
deux
La parole est à M. Sébastien Meurant.
Dans le même esprit, nous considérons que devenir Français est soit une chance de la nature soit un honneur.
Il est donc inconcevable d’y prétendre en ayant été condamné par la justice. Nous considérons qu’avoir encouru une peine de plus de deux ans de prison devrait interdire d’être Français.
Je demande le retrait de cet amendement, qui tend à abaisser à deux ans le quantum des peines prises en compte dans le refus ou le retrait du statut de réfugié dans la seconde hypothèse de l’article L. 711-6 du CESEDA, lorsqu’il existe des motifs sérieux de sécurité publique.
Or cet article constitue la transposition en droit interne de l’article 14 de la directive Qualification, lequel impose de ne prendre en considération que des infractions d’une particulière gravité par leur nature et donc nécessairement punies d’une peine d’un quantum élevé.
Abaisser le quantum de la peine risquerait de conduire à méconnaître le sens et la portée de la directive et pourrait nous exposer, en cas de décisions de retrait ou de refus du statut sur ces motifs, à des annulations par le juge national pour non-respect de la directive ou à une procédure en manquement engagée par la Commission européenne.
Devant ce risque juridique important, je souhaite que vous retiriez cet amendement ; à défaut, je serais meurtri de devoir émettre un avis défavorable.
Sourires.
Je ne sais pas si l’on se rend compte de ce que nous sommes en train de faire.
Le droit français est bafoué de toutes parts en matière d’immigration, le bien commun et l’intérêt général devraient nous conduire à fermer les portes grandes ouvertes, mais l’on entend sur les travées à droite…
On pourra donc devenir Français, s’intégrer à la société française, en ayant été condamné.
Je considère que c’est très dommageable. Je vais suivre l’avis de la commission
Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 156 rectifié est retiré.
L’amendement n° 195 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 7
Remplacer les mots :
pour la société française
par les mots :
grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Cet amendement vise à rédiger de manière claire l’article 4, dans lequel il est fait référence à la notion curieuse de « menace grave pour la société française », laquelle n’existe pas juridiquement, sauf erreur de ma part.
En revanche, il existe la notion de « menace grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État », dont nous savons définir les contours. L’objet de cet amendement est donc de clarifier le texte.
L’avis est défavorable. Le présent amendement vise à remplacer la notion de « menace pour la société française », par celle de « menace pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État », s’agissant de la seconde hypothèse permettant de refuser ou retirer le statut de réfugié en cas de motifs sérieux de sécurité.
Or cette définition correspond exactement au point b du paragraphe 4 de l’article 14 de la directive Qualification, que l’article L. 711-6 du CESEDA transpose.
Même avis.
Ces termes sont effectivement la transposition de l’article 14.4 de la directive européenne dite « Qualification ». Il est souhaitable de faire coïncider au mieux le texte européen et le texte national et de ne pas « abaisser » la définition.
Mais une menace grave pour la société, cela ne veut rien dire en droit français !
Chers collègues, je vous remercie d’attendre d’avoir la parole, que je donne volontiers à qui la demande, pour intervenir dans le débat.
La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
Je regrette fort de me trouver en désaccord avec, à la fois, le rapporteur et la ministre, ce qui fait beaucoup… J’ai en effet une autre appréciation de la manière dont on doit transposer une directive européenne.
Nous avons de multiples exemples malheureux du vocabulaire juridique hasardeux utilisé dans les directives, négociées entre les États membres dans des langues variées – le plus souvent en anglais – avec des traductions subséquentes. La notion de « menace pour la société française » ne correspond à aucun concept juridique français. Je ne vois donc pas, madame la ministre, ce qui s’opposerait à ce que nous lui substituions celle de « menace grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État ».
Je trouve dommageable que, à cause d’un vocabulaire défectueux d’une directive qui ne nous lie en aucune manière en droit, nous écrivions une loi française sur un sujet de cette importance dans un langage qui n’a aucune pertinence.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Nous aurions été prêts à nous laisser convaincre par les avis donnés par le rapporteur et la ministre s’ils avaient été plus explicites…
Je m’interroge : qu’y a-t-il dans la notion « de menace pour la société » qui ne serait pas incluse dans celle de « menace grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État » ? Qu’est-ce que la société, indépendamment du fait que ce n’est pas un objet juridique ? S’agit-il de l’opinion, de la communauté que nous formons, des valeurs ? Toutes ces notions, subjectives, n’ont pas place dans un texte de loi. C’est pourquoi nous voterons l’amendement de Mme de la Gontrie.
Puisque nous allons passer au vote dans quelques instants, je souhaite ne pas banaliser ce qui se passe depuis tout à l’heure.
Au moment même où nous discutons de ce projet de loi – la ministre et le rapporteur ont souligné l’importance de nos débats –, le ministre de l’intérieur italien déclare : « Nous avons besoin d’une épuration de masse, rue par rue, quartier par quartier. »
Ce que nous faisons ici est donc important et va rester dans l’histoire du débat public de notre pays, car ce qui se passe en Europe et dans le monde est très grave et doit tous nous interpeller. Or les membres de la majorité sénatoriale, qui disent pourtant accorder de l’importance au sujet dont nous débattons, ne sont pas capables de mettre à l’honneur le Sénat en étant suffisamment nombreux dans l’hémicycle.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Allez donc, faites du bruit !
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Le bruit ne peut pas compenser l’absence !
Mêmes mouvements sur les mêmes travées.
Quant au groupe qui soutient le Gouvernement à l’origine de ce texte de loi, même s’il est ce qu’il est au Sénat, il compte seulement deux sénateurs présents. §
M. Roger Karoutchi. J’admire, une fois de plus – ça fait beaucoup aujourd’hui
Sourires.
Rassurez-vous, dans quelques jours, ce sera votre tour, et le président Kanner sera alors obligé de dire à ses troupes : « Vous n’étiez pas là, et j’ai été dans l’embarras. »
Franchement, ce genre de commentaire, qui pourra se retourner contre vous demain ou après-demain et sur n’importe quel texte, ne fait en rien avancer le débat sur l’immigration. §C’est même indigne de notre assemblée.
Sur le fond, je dois dire qu’exceptionnellement je suis assez d’accord avec Alain Richard.
Je ne comprends pas bien la notion d’atteinte à la société française. Serait-il possible d’ajouter à la notion de « menace pour la société française » celle de « menace grave pour la sécurité publique » ? J’avoue ne pas être assez juriste pour répondre.
Quoi qu’il en soit, si la notion de « menace pour la société » renvoie très certainement à une réalité européenne fascinante, je ne sais pas ce qu’elle signifie pour les Français de base.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Pour être le plus clair possible, je vais vous donner lecture de l’article L. 711-6 du CESEDA, qui, je vous le rappelle, a été modifié par le Sénat en 2015 : « Le statut de réfugié peut être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque :
« 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’État ;
« 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société. »
Cet article est certes la transposition de la directive Qualification, mais nous n’en faisons pas un totem. Simplement, la rédaction adoptée par notre commission, qui est un peu plus large, est très complémentaire et précise clairement les choses. C’est pour cette raison que l’avis de la commission est défavorable à l’amendement n° 195 rectifié bis.
Je mets aux voix l’amendement n° 195 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 138 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 196 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces infractions s’apprécient au regard du droit national.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Le projet de loi vise à refuser le statut de réfugié à une personne condamnée dans un autre pays que la France pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme. Le CESEDA ne prévoyait jusqu’alors ce refus que dans le cas d’une condamnation en France.
Cet amendement tend à préciser que la notion de crime ou de délit constituant un acte de terrorisme s’apprécie au regard du droit national, car elle peut différer d’un pays à l’autre. Cette précision vaut aussi pour un État démocratique.
La commission considère que l’amendement n° 196 rectifié bis est satisfait par le droit en vigueur.
Le présent amendement tend à préciser que l’appréciation des infractions prises en compte par les dispositions de l’article L. 711-6 du CESEDA pour retirer ou refuser le statut de réfugié en cas de motifs sérieux de sécurité s’effectue au regard du droit national.
Sachez que les infractions devront faire l’objet d’une double incrimination : dans le pays tiers et en France. Elles devront en outre être examinées à la lumière des principes du droit pénal français et des peines prévues, comme le Conseil constitutionnel l’a rappelé dans le considérant 23 de sa décision n° 2003-485.
Par ailleurs, le même principe prévaut s’agissant des pays membres de l’Union européenne en vertu de l’article 132-23-2 du code pénal.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Cet amendement vise à préciser que les infractions s’apprécient au regard du droit français, ce qui n’apparaît pas utile. En effet, cette exigence est implicitement contenue dans la définition donnée à l’alinéa 7 de l’article 4.
En outre, l’examen auquel se livrera l’OFPRA avant la décision de rejet ou de retrait permettra de vérifier que ces conditions sont réunies.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
Compte tenu des précisions et des assurances qui viennent d’être données, je retire l’amendement.
L’amendement n° 196 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 86, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … La personne concernée est inscrite au fichier de traitement des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Cet amendement tend à étendre le refus d’asile aux demandeurs inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.
Le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, publié en février dernier, compte environ 20 000 personnes selon Matignon, dont plus de la moitié est actuellement sous haute surveillance. À l’inverse des fameuses fiches S, qui recensent les personnes susceptibles de menacer la « sûreté de l’État » et dont les profils peuvent être très variés – des militants d’extrême gauche aux hooligans –, ce fichier recense exclusivement des individus radicalisés.
Mis à jour régulièrement, il permet d’orienter les perquisitions, notamment pendant les périodes d’état d’urgence. Ainsi, les personnes susceptibles de passer à l’acte sont surveillées par la Direction générale de la sécurité intérieure. Les suspects jugés « moins dangereux » sont pour leur part suivis par le Service central du renseignement territorial, tandis que la police judiciaire, les gendarmes et le service de renseignement parisien s’occupent de tous les autres.
Il est donc essentiel que ce fichier puisse servir dans l’évaluation d’un dossier de délivrance d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle.
Cet amendement tend à prévoir que l’inscription au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT, constituerait une troisième hypothèse permettant de refuser ou de retirer le statut de réfugié, au sens de l’article L. 711-6 du CESEDA.
Tout en comprenant parfaitement les intentions des auteurs de cet amendement, la commission considère qu’il est satisfait dans son esprit par les dispositions de l’article 4, qui permettent de procéder à des enquêtes administratives pour la mise en œuvre du refus ou du retrait du statut de réfugié pour des motifs sérieux de sécurité publique. Il s’agira d’ailleurs principalement pour l’OFPRA de demander aux services compétents d’effectuer ce qu’on appelle un criblage des individus concernés via la consultation des fichiers de police, de justice et de renseignement.
L’inscription d’un individu au sein de l’un de ces fichiers – le FSPRT ou le fichier S – sera donc bien prise en compte pour déterminer s’il constitue une menace pour la sécurité publique, la sûreté de l’État ou la société et si le statut de réfugié doit lui être refusé ou retiré.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Le Gouvernement comprend la préoccupation exprimée par les auteurs de cet amendement, mais la seule inscription dans un fichier de renseignement ne saurait fonder une mesure de refus ou de retrait d’asile.
Il convient de rappeler que le FSPRT est un fichier administratif établi à partir de signalements et visant le recueil de renseignements sur des personnes dont certaines peuvent représenter une menace pour l’ordre public, d’autres non. Il ne peut donc fonder une décision de refus automatique, qui, en méconnaissant le principe de proportionnalité, serait contraire à la Constitution et au droit international.
Un retrait de cet amendement serait donc bienvenu.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit que cet amendement était satisfait dans l’esprit. J’aurais préféré qu’il le soit dans la lettre… Néanmoins, je le retire.
L’amendement n° 86 est retiré.
L’amendement n° 197 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… À la première phrase de l’article L. 713-3, après le mot : « protection », sont insérés les mots : « effective et non temporaire » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
L’article L. 713-3 du CESEDA permet de refuser une demande d’asile si la personne a accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine. Cet amendement vise à garantir qu’une protection ne pourra lui être refusée en France qu’à la condition que la protection dont elle peut bénéficier dans son pays d’origine soit effective et non temporaire.
Le présent amendement vise à préciser la notion d’asile interne, qui permet de rejeter une demande d’asile lorsque la personne concernée peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine. Les auteurs de l’amendement proposent que ce refus ne puisse être opposé que si la protection dont bénéficie l’intéressé dans son pays d’origine est effective et non temporaire.
L’article L. 713-3 du CESEDA, qui transpose les termes de l’article 8 de la directive Qualification, dispose que la personne doit être en mesure de s’établir dans ledit pays, ce qui suppose bien que la protection soit effective et non pas temporaire.
L’avis est donc défavorable.
Les conditions de l’asile interne sont strictement définies et encadrées par l’article L. 713-3 du CESEDA, qui est la transposition de la directive du 13 décembre 2011.
Alors que le Gouvernement agit à l’échelle européenne pour harmoniser davantage les règles européennes en matière d’asile, la précision que l’amendement tend à apporter serait contraire à l’objectif poursuivi. Elle introduirait au mieux des confusions, au pire des contradictions avec les directives européennes.
En outre, l’OFPRA et la CNDA veillent à appliquer ce dispositif de manière très attentive en faveur de la protection des personnes.
Pour ces motifs, le Gouvernement émet un avis vraiment défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 36, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
… L’article L. 713-5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le statut de réfugié est refusé ou retiré en raison d’une condamnation intervenue dans un État membre de l’Union européenne, la décision étrangère traduite par un expert assermenté est versée au dossier du demandeur.
« Lorsque l’Office a connaissance d’une décision de condamnation intervenue dans un État membre de l’Union européenne, il en informe, sans délai, le demandeur et le cas échéant son conseil afin de recueillir ses observations. Les observations ainsi recueillies sont consignées dans le dossier du demandeur. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Cet amendement a pour objet de compléter l’article 4, qui prévoit la faculté pour l’OFPRA de refuser le statut de réfugié ou de mettre fin à ce statut en cas de condamnation pour faits graves.
Au même titre que les avocats du droit d’asile de l’association ELENA, nous jugeons le présent article incomplet.
Aujourd’hui, le refus ou le retrait du statut de réfugié en raison d’une condamnation intervenue dans un État membre de l’Union européenne existe déjà, et ce de manière plus ou moins informelle. Faute d’un encadrement juridique suffisant, les requérants du droit d’asile se voient parfois refuser leur dossier en raison d’une condamnation intervenue dans un pays européen, alors même qu’ils n’ont jamais eu connaissance d’une telle condamnation.
Cela n’étant pas acceptable, le présent amendement vise à pallier les faiblesses juridiques existantes en accordant les droits nécessaires à la défense, notamment en donnant la possibilité au demandeur d’être informé de cette condamnation. Il s’agit simplement de respecter les droits de la défense, parmi lesquels figure le principe du contradictoire. Pour garantir ce droit, il incombera aux autorités chargées de l’examen des demandes d’asile de faire procéder à la traduction du document relatant la condamnation par un expert assermenté.
Dans un État de droit, il apparaît fondamental que le demandeur et/ou son conseil soient avisés de l’existence de cette décision de condamnation et invités à formuler des observations la concernant.
Cet amendement tend à prévoir une procédure contradictoire en cas de refus ou de retrait du statut de réfugié sur le fondement des dispositions de l’article L. 711-6 du CESEDA. Il est toutefois satisfait par les dispositions des articles L. 724-1 à L. 724-3 du même code, introduites par le Sénat en 2015.
Ces dispositions prévoient précisément que, lorsque l’OFPRA envisage de mettre fin à une protection, la personne concernée est en mesure de se défendre en lui présentant les motifs pour lesquels il n’y a pas lieu de lui retirer la protection internationale grâce à une procédure contradictoire. Ainsi, lorsque l’OFPRA informe par écrit la personne concernée des motifs de l’engagement de cette procédure, celle-ci peut présenter par écrit ses observations, et il peut être procédé à un entretien personnel.
Nous avions veillé en 2015 à ce que la procédure contradictoire soit parfaitement respectée. Cet amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 36 est retiré.
L’amendement n° 578, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Compléter cet alinéa par le mot :
français
II. – Alinéas 11 et 13, seconde phrase
Après le mot :
traitements
insérer le mot :
automatisés
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 198 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 14 à 25
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jacques Bigot.
Les alinéas 14 à 25 de l’article 4 donnent l’illusion de renforcer la sévérité en imposant à l’Office de mettre fin de sa propre initiative au statut de réfugié lorsque la personne concernée relève de l’une des clauses de cessation. Ainsi, à l’article L. 712-2, concernant le refus de protection subsidiaire, les mots « peut être » sont remplacés par le mot « est ». De même, la nouvelle rédaction de l’article L. 712-3 impose à l’Office de mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié l’octroi de cette protection ont cessé d’exister.
L’Office se voit retirer toute marge d’appréciation. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les modifications apportées aux articles L. 711-4, L. 712-2 et L. 712-3.
Je me suis déjà exprimé sur la compétence liée de l’OFPRA. Je ne vais donc pas refaire la démonstration.
Il appartient à l’OFPRA d’apprécier les faits et d’en tirer les conséquences : en l’occurrence, le refus du statut de réfugié lorsque les conditions ne sont pas réunies pour qu’il soit accordé.
L’avis est donc défavorable
Madame la ministre, je suis très étonné de votre avis, qui semble signifier que le Gouvernement se méfie de l’OFPRA…
Pis, vous rendez-vous compte qu’en remplaçant « peut mettre fin » par « doit mettre fin » ou « met fin », de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au statut de réfugié, vous exposez l’État français à des poursuites dans le cas où un citoyen français se dirait victime d’un réfugié à qui l’OFPRA aurait dû, en vertu de cette rédaction nouvelle, retirer le statut de réfugié ? Je crains que vous n’ayez pas complètement mesuré cela. J’aurais mieux compris que, n’étant pas à l’origine de cette modification, vous jugiez préférable de revenir au texte initial.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 4 est adopté.
I. – Le titre II du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° AA
1° A Au quatrième alinéa de l’article L. 722-1, après le mot : « femmes », sont insérés les mots : «, quelle que soit leur identité de genre ou leur orientation sexuelle » ;
1° B
1° C
« Art. L. 722 -6. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles l’Office émet par tout moyen les convocations et notifications prévues au présent livre ainsi qu’au livre VIII. Il fixe notamment les modalités permettant d’assurer la confidentialité de la transmission de ces documents et leur réception personnelle par le demandeur. » ;
1° L’article L. 723-2 est ainsi modifié :
a) Au 3° du III, les mots : « cent vingt » sont remplacés par les mots : « quatre-vingt-dix » ;
b)
2° L’article L. 723-6 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « convoque », sont insérés les mots : «, par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur, » ;
b) La seconde phrase du sixième alinéa est ainsi rédigée : « Il est entendu, dans les conditions prévues à l’article L. 741-2-1, dans la langue de son choix ou dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante. » ;
b bis) À la première phrase du huitième alinéa, après le mot « sexe », sont insérés les mots : «, l’identité de genre » ;
c) Après le même huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque cela est justifié pour le bon déroulement de l’entretien, le demandeur d’asile en situation de handicap peut, à sa demande et sur autorisation du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, être accompagné par un professionnel de santé ou par le représentant d’une association d’aide aux personnes en situation de handicap. » ;
3° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 723-8 est complétée par les mots : «, par tout moyen garantissant la confidentialité et sa réception personnelle par le demandeur » ;
4° Au cinquième alinéa de l’article L. 723-11, après le mot : « asile », sont insérés les mots : « est effectuée par écrit, par tout moyen garantissant la confidentialité et sa réception personnelle par le demandeur, et » ;
4° bis
5° L’article L. 723-13 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « n’a pas introduit sa demande à l’office dans » sont remplacés par les mots : « a introduit sa demande à l’office en ne respectant pas » ;
b) Après le 3°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° Le demandeur a abandonné, sans motif légitime, le lieu où il était hébergé en application de l’article L. 744-3.
« Par exception à l’article L. 723-1, lorsque l’étranger, sans motif légitime, n’a pas introduit sa demande, l’office prend une décision de clôture. » ;
c) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’office notifie par écrit sa décision au demandeur, par tout moyen garantissant la confidentialité et sa réception personnelle par le demandeur. Cette décision est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours.
« Dans le cas prévu au 3° du présent article, la décision de clôture est réputée notifiée à la date de la décision. » ;
6° La première phrase de l’article L. 724-3 est complétée par les mots : «, par tout moyen garantissant la confidentialité et sa réception personnelle par le demandeur ».
II. –
Non modifié
L’article 5, l’un des plus emblématiques de ce projet de loi, est de ceux qui cristallisent les critiques de l’ensemble des associations et acteurs du droit d’asile. Pour l’essentiel, il réduit le délai de dépôt d’une demande d’asile de 120 à 90 jours à compter de l’entrée sur le territoire afin que celle-ci soit examinée en procédure normale. Ce qui signifie que les demandes déposées après 90 jours seront toutes examinées en procédure accélérée.
Passer de quatre à trois mois pourrait sembler anecdotique, mais tant s’en faut : la procédure accélérée offre aux demandeurs d’asile des garanties bien moindres que la procédure normale. En particulier, l’OFPRA doit, dans ce cadre, statuer en quinze jours, délai qui ne permet pas d’approfondir l’instruction de la demande d’asile.
Ce choix va directement à l’encontre des mises en garde formulées dans son avis sur le projet de loi par le Défenseur des droits. Celui-ci souligne que, dans un contexte de saturation du dispositif national d’accueil, « rien ne garantit qu’il ne sera pas procédé à des placements injustifiés en procédure accélérée lorsque la personne en quête d’une protection internationale n’aura pas, du fait de la saturation du dispositif, pu déposer sa demande dans le délai imparti, sans toutefois pouvoir justifier de ses tentatives infructueuses ».
La possibilité d’accélérer l’examen de la demande est justifiée, y compris dans le rapport de M. Buffet, par l’article 8 de la directive Procédures. Toutefois, je vous rappelle que, comme le Défenseur des droits vous l’a signifié dans l’avis qu’il vous a remis, que la directive ne fixe aucun délai maximal au-delà duquel il y aurait lieu de supposer que la demande présente un caractère tardif. Ainsi, le droit interne va sur ce point déjà plus loin que ce qu’exige le droit européen, en prévoyant une présomption de tardiveté pour les demandes déposées au-delà de 120 jours.
De plus, cet article réduit ce même délai à 60 jours pour la Guyane, soit un mois de moins que pour la métropole. Nous y reviendrons dans la suite de la discussion, mais le développement du droit d’exception dans le CESEDA est injustifié et fait des territoires ultramarins des territoires de seconde zone.
En parallèle, dans le même objectif, cet article dispose que les convocations à l’OFPRA et les décisions de l’Office pourront désormais se faire « par tout moyen », y compris électronique, inévitablement au détriment des demandeurs d’asile, lesquels sont particulièrement vulnérables. Nous reviendrons sur ce point également dans le débat.
En définitive, cet article entrave le dépôt de la demande d’asile dans un délai raisonnable et ne permet pas la bonne information des demandeurs quant au sort qui leur est réservé. Pour toutes ces raisons, nous en demandons la suppression.
Cet article pose problème à plusieurs niveaux.
Ainsi, au 3° du III de l’article L. 723-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il réduit de 120 à 90 jours le délai avant placement en procédure accélérée, ce qui augmenterait mécaniquement le nombre de ces placements.
D’un point de vue pratique, en procédure normale, l’OFPRA dispose de six mois pour statuer après enregistrement du dossier et la CNDA de cinq mois après enregistrement du recours. En procédure accélérée, l’OFPRA dispose de quinze jours pour statuer après enregistrement du dossier et la CNDA de cinq semaines après enregistrement du recours. De plus, dans ce cas, l’affaire est jugée par un juge unique, non par une formation collégiale. Cette procédure est donc particulièrement désavantageuse pour les demandeurs d’asile.
Par ailleurs, la première phrase de l’alinéa 1er de l’article L. 723-6 prévoirait que l’OFPRA puisse convoquer le demandeur d’asile à l’entretien « par tout moyen ». En outre, toutes les décisions de l’Office pourraient être notifiées « par tout moyen garantissant la confidentialité ». Il s’agit de permettre la notification des décisions non plus uniquement par voie postale, mais aussi par voie dématérialisée : SMS, courriel et téléphone. Un tel élargissement des voies de notification des décisions de l’OFPRA ne va pas, bien sûr, sans poser des difficultés au regard de la situation de précarité dans laquelle se trouvent de nombreux demandeurs d’asile, certains sans accès direct à internet, d’autres sans téléphone, entre autres situations possibles.
Enfin, l’alinéa 6 de l’article L. 723-6 permettrait à l’OFPRA d’imposer aux demandeurs d’asile la langue dans laquelle ils seront entendus. En effet, il serait prévu que le migrant peut être entendu dans une langue « dont il a une connaissance suffisante ». Or, selon les associations accompagnant les migrants, il n’est pas rare qu’il soit imposé au demandeur une langue qu’il a déclaré comprendre lors de son enregistrement en préfecture, alors qu’il cherchait uniquement à manifester sa bonne disposition à l’intégration. Il est très malaisé pour un demandeur dans cette situation de se faire comprendre au mieux, de décrire son parcours, ses craintes légitimes en cas de retour dans son pays d’origine et, plus simplement, de défendre ses droits.
C’est pourquoi il est nécessaire, conformément à l’avis du Défenseur des droits, d’abandonner ces dispositions, de même que les alinéas 6 et 7 de l’article 7, par ailleurs contraires à l’esprit de la directive Procédures, puisque les modifications envisagées risquent de compromettre l’accès effectif du demandeur d’asile à la procédure.
Le placement en procédure accélérée prive tout bonnement le justiciable de la collégialité devant la CNDA et raccourcit le délai de préparation du dossier, au détriment de la qualité de l’instruction. Vous l’aurez compris, nous pouvons ainsi craindre des traitements de dossier à la hâte et, de ce fait, des décisions éthiquement contestables.
Par cet article, ce sont les requérants qu’on pénalise dans la formation de leur requête, mais également l’instruction par les agents de la CNDA qu’on dessert, en imposant à ceux-ci une logique de rendement. Cette philosophie quantitative plutôt que qualitative devrait pourtant être proscrite dans le traitement administratif de ce type de dossiers.
La disposition de cet article autorisant l’OFPRA à adresser au requérant la convocation à son entretien individuel « par tout moyen » est injuste. Les rédacteurs du projet de loi méconnaissent-ils la réalité au point de croire que tous les exilés disposent d’un téléphone portable, d’une adresse pour recevoir un courrier postal ou d’internet pour se voir communiquer un courriel ? Je ne le pense pas. Je crois, hélas, que l’exécutif fait le pari cynique que le nombre de requérants déboutés sera ainsi multiplié, ceux-ci n’ayant pu défendre leur cause, faute de s’être rendus à leur entretien individuel à l’OFPRA.
Mes chers collègues, ces exilés qui ont fui la guerre, la misère, les dégradations climatiques ou l’instabilité politique méritent un traitement plus digne de leur demande d’attribution de titre de séjour qu’une procédure déshumanisée et mathématique.
Je tiens à exprimer mon désaccord avec cet article tel qu’il est rédigé. Je considère en effet qu’il présente un risque d’affaiblissement des droits pour une majorité des demandeurs d’asile.
Ainsi, l’abaissement du délai de dépôt d’une demande d’asile à 90 jours ne peut avoir que des effets négatifs sur l’accueil du demandeur. On a déjà décrit la situation dans laquelle se trouvent les demandeurs d’asile qui arrivent sur notre sol. Il n’est pas raisonnable de penser qu’ils pourraient, en 90 jours, constituer de façon complète des dossiers aussi complexes que ceux prévus par le CESEDA.
En réalité, derrière cet abaissement du délai de dépôt, il y a une hausse du recours à la procédure accélérée. Aujourd’hui, 40 % des demandes d’asile suivent cette procédure ; il est tout à fait certain que, si l’article 5 est adopté, cette proportion augmentera de manière importante.
Plus de la moitié des demandeurs d’asile risquent donc de voir leur dossier examiné sous un régime dérogatoire au droit commun, qui présente un risque de prise en compte insuffisante des différentes circonstances éclairant leur situation. En effet, si l’OFPRA dispose en procédure normale d’un délai de six mois pour statuer sur une demande d’asile, ce délai est abaissé à quinze jours en procédure accélérée.
Pour toutes ces raisons, je suis hostile au présent article.
Comment ne pas s’opposer à cet article, qui affaiblit et détériore les garanties des droits fondamentaux des demandeurs d’asile ?
L’article 5 a pour objet la réduction des délais d’instruction des dossiers, actuellement de l’ordre de treize mois. Cet objectif pourrait être partagé, si les services concernés bénéficiaient pour cela de moyens adaptés.
Il est notamment proposé de réduire de 120 à 90 jours le délai à compter de l’entrée sur le territoire au-delà duquel le dépôt d’une demande d’asile peut entraîner l’examen de celle-ci selon la procédure accélérée. Or les moyens choisis pour atteindre ce but consistent exclusivement en une réduction des garanties procédurales, au détriment des demandeurs d’asile : augmentation du nombre de procédures accélérées, réduction des délais de recours devant la CNDA, fin du caractère suspensif de certains de ces recours, choix de la langue de la procédure, convocations envoyées par tout moyen et systématisation de la visioconférence pour les audiences.
Les demandeurs d’asile et les professionnels du droit d’asile ont déjà toutes les peines du monde à respecter le délai de 120 jours. Pensez-vous réellement que le délai de 90 jours soit tenable ?
La procédure accélérée raccourcit le délai de préparation du dossier, au détriment de la qualité de l’instruction ; elle prive en outre le justiciable de la collégialité devant la CNDA.
Toutes ces dispositions méconnaissent manifestement les droits de la défense et le droit à un procès équitable garantis par la convention européenne des droits de l’homme.
Le Gouvernement et la majorité du Sénat veulent, comme l’ont expliqué les orateurs précédents, réduire de 120 à 90 jours le délai dans lequel le demandeur d’asile doit déposer sa demande. La main sur le cœur, on nous affirme que c’est pour réduire les délais d’instruction. Nous ne sommes pas tout à fait sûrs de l’objectif visé : s’agit-il de protéger au plus vite les demandeurs ou de leur rendre la vie plus difficile et de les décourager, eux et ceux qui seraient tentés, ultérieurement, de choisir la France ?
Le Gouvernement n’a pas avancé d’arguments convaincants pour justifier ce recul en matière de délai. En tout cas pas en faisant référence à la directive, qui ne fixe pas de délai limite pour qualifier les demandes de tardives.
Pourquoi revenir sur les 120 jours ? Pourquoi suspecter le demandeur de tarder ? Pour s’installer, pour frauder ?
C’est méconnaître la situation des demandeurs. Nombre d’entre nous, à l’occasion de ce projet de loi ou plus souvent, vont à leur rencontre et à celle des associations. Quand on fuit un conflit, qu’on y échappe dans la clandestinité et qu’on est maltraité, voire torturé, par les passeurs ou les autorités des pays de transit, quand on traverse la Méditerranée dans des conditions précaires, qu’on risque de chavirer, qu’on voit ses compagnons de voyage se noyer et qu’on franchit les Alpes en hiver pour échapper aux contrôles, on peut, au moment de penser à sa demande d’asile, avoir besoin d’un temps de répit.
Cette semaine, on m’a présenté le cas d’une jeune femme mauritanienne ayant fui son pays du fait d’une menace d’excision. Elle a rejoint en Seine-Maritime sa sœur, qui, elle, n’avait malheureusement pas pu y échapper. Son parcours fut dangereux. Alors qu’elle aurait pu bénéficier d’une protection, elle est restée terrée plusieurs mois chez sa sœur, dépassant les délais, incapable d’affronter les démarches.
Des histoires comme celle-là, il y en a des centaines. La plupart des demandeurs ont besoin de temps pour se reconstruire. À cela s’ajoutent la méconnaissance des procédures, la difficulté de comprendre et de se faire comprendre dans une langue maîtrisée, l’isolement, la précarité – 60 % des demandeurs ne sont pas hébergés – et l’absence de conseils, voire de mauvais conseils.
Le projet de loi complique encore les démarches, avec la dématérialisation et une langue imposée – nous y reviendrons.
M. Didier Marie. Passé 90 jours, ces personnes seraient placées sous le régime de la procédure accélérée, non pour mieux les protéger, mais pour simplifier l’examen de leur demande, donc rendre précaires leurs conditions d’accès à l’asile.
Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 6, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Cet article, comme mes collègues et moi-même l’avons déjà expliqué, comporte des dispositions affaiblissant considérablement les garanties et les droits fondamentaux des demandeurs d’asile. C’est pourquoi nous en souhaitons la suppression.
Vous ne serez pas surpris qu’il soit défavorable, puisque l’amendement tend à supprimer l’article 5.
Pour le principal, cet article réduit de 120 à 90 jours le délai au terme duquel une demande d’asile devient tardive. Je ne puis que souscrire à cette démarche, que le Sénat avait proposée dès 2015. L’objectif est d’assurer la célérité du traitement de la demande, afin de garantir le plus rapidement possible une protection aux personnes qui en ont besoin et évidemment d’exclure les demandes manifestement étrangères à un besoin de protection.
Je rappelle que ce délai de trois mois s’applique à l’enregistrement de la demande en préfecture, non au traitement du dossier.
S’agissant des convocations et des notifications des décisions de l’OFPRA envoyées au demandeur par tout moyen, il s’agit, il est vrai, d’un dispositif nouveau. L’OFPRA a assuré souhaiter mettre en place un dispositif pleinement compatible avec la garantie des droits des usagers.
Vous avez et nous avons raison de rappeler qu’il faut être certain que la décision de l’OFPRA parvienne au demandeur, afin qu’il puisse éventuellement former les recours possibles. La commission a d’ailleurs prévu un décret en Conseil d’État, qui devra préciser les modalités techniques permettant d’assurer la confidentialité de la transmission de ces documents et leur réception personnelle par le demandeur. C’est le moyen de sécuriser la proposition faite par le Gouvernement.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à l’amendement, puisque l’article 5 comporte un ensemble de mesures destinées à favoriser la réduction du délai de traitement des demandes, telles que la simplification des modalités de convocation et de notification des décisions et la réduction du délai laissé au demandeur pour déposer sa demande, une fois entré sur le territoire.
Cet article contient aussi des mesures protectrices, s’agissant notamment de la définition des pays d’origine sûrs et de la présence à l’entretien de protection d’une association spécialisée accompagnant le demandeur handicapé.
Supprimer l’article 5 irait à l’encontre des objectifs visés par le Gouvernement.
Compte tenu des dispositions contenues dans cet article, nous voterons bien évidemment l’amendement.
La procédure accélérée a vocation à permettre un traitement beaucoup plus rapide de la demande. Vous me direz : ce n’est pas nécessairement avec moins de droits. On peut regarder la manière dont cela se passe depuis 2015.
Avec le dispositif proposé par le Gouvernement et entériné par la majorité sénatoriale, la procédure accélérée entraînera un réel affaiblissement des droits. Ainsi, si vous êtes débouté à l’OFPRA et souhaitez saisir la CNDA, votre recours ne sera plus suspensif. Je le répète : relever de la procédure accélérée, ce sera subir un affaiblissement important de ses droits.
Comme plusieurs orateurs l’ont déjà souligné, la réduction de 120 à 90 jours du délai avant passage en procédure accéléré vise des personnes qui ont souvent subi des traumatismes. Nous avons tous vu ce qui s’est passé cette semaine avec les passagers de l’Aquarius. Dans tous les cas, après un départ motivé par des traumatismes et un voyage lui-même traumatisant, il faut un peu de temps pour se remettre et pouvoir agir normalement, à peu près rationnellement, après une phase absolument horrible.
Madame la ministre, si l’on veut accélérer le traitement des demandes, l’enjeu principal est l’accueil en préfecture et la capacité des plateformes à répondre rapidement. C’est ce qui a été le moins bien fait depuis 2015. Songez que des personnes qui demandent l’asile obtiennent un rendez-vous deux ou trois plus mois plus tard, parce que les préfectures ne sont pas capables de répondre plus vite. Là, je dis : il y a échec !
Avant d’en rejeter la responsabilité sur les demandeurs d’asile en leur demandant de déposer leur dossier dans les trois mois, il faudrait que les préfectures soient capables d’enregistrer ces dossiers dans le délai de trois jours imposé par la directive. Combien de préfectures respectent aujourd’hui ce délai ? Combien de plateformes sont aujourd’hui capables, après l’enregistrement des demandes, d’accompagner les demandeurs dans les délais pour qu’ils puissent tranquillement déposer leur récit ?
Là est aujourd’hui l’enjeu : défendre les droits des demandeurs d’asile !
La procédure accélérée est prévue pour les cas où un examen approfondi n’est pas nécessaire, parce qu’il est manifeste que la demande ne relève pas d’un besoin de protection ou, au contraire, parce qu’il faut assurer très rapidement la protection d’une personne dont la situation paraît évidente.
La généralisation de cette procédure, déjà trop largement utilisée, est donc un détournement de son objet initial. En faire une procédure de droit commun n’est pas acceptable !
Comme les orateurs précédents l’ont souligné, ses caractéristiques sont beaucoup plus strictes : délai d’examen par l’OFPRA ramené à quinze jours et, en cas de rejet de la demande, examen du recours par un juge unique de la CNDA, dans un délai ramené de cinq mois à cinq semaines.
On imagine aisément les conséquences désastreuses d’une application généralisée de cette procédure. On ne peut pas l’accepter, et pas davantage les conditions contraignant les demandes.
Monsieur Leconte, les délais que vous avez mentionnés devant les guichets uniques des préfectures étaient exacts à l’automne dernier. Depuis lors, comme vous le savez, nous avons procédé à de vastes réorganisations dans les services des préfectures ; nous avons aussi prévu des personnels supplémentaires.
Aujourd’hui, le délai moyen est de six jours, et de nombreuses préfectures sont déjà à trois jours, soit l’objectif fixé par le Gouvernement pour la fin de l’année et l’ensemble des préfectures.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 43 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… À l’article L. 721-1, les mots : « chargé de l’asile » sont remplacés par les mots : « des affaires étrangères » ;
… À l’article L. 722-2, les mots : « conjointe » et les mots : « et du ministre chargé de l’asile » sont supprimés ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Le projet de loi s’intitule : « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie ». Le choix fait par le Gouvernement semble clair : régir dans le même temps la politique de l’asile, qui relève du droit humanitaire, et la régulation de l’immigration, qui répond à des considérations tout autres.
Insidieusement, l’exécutif laisse germer l’idée que l’attribution du droit d’asile devrait être régulée au même titre que l’immigration, comme si les exilés qui pourraient aujourd’hui bénéficier du statut de réfugié devaient voir leur demande traitée comme celles des requérants venus pour des raisons économiques.
Au groupe CRCE, nous nous refusons bien évidemment à procéder à une gradation des misères et des raisons qui poussent les gens à s’arracher à leur terre natale. Nous pensons toutefois que ces raisons doivent être traitées de manière différenciée et adéquate selon le cas et les causes ayant poussé le demandeur à émigrer. Aussi proposons-nous de rattacher l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, non plus au ministère de l’intérieur, mais au ministère des affaires étrangères, afin que les exilés qui formuleront une demande de titre de séjour sur notre territoire puissent bénéficier d’un droit d’asile effectif et indépendant de la politique migratoire, qui relève des compétences de l’administration de la place Beauvau.
L’amendement n° 43 rectifié bis a pour objet de rattacher l’OFPRA au ministère des affaires étrangères et non plus, comme depuis 2010, au ministère de l’intérieur. Sous-entendu : l’OFPRA ne serait pas indépendant !
En réalité, le principe d’indépendance est inscrit à l’article L. 721-2 du CESEDA, aux termes duquel « l’Office exerce en toute impartialité [ses] missions et ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction ».
Quand on connaît un peu le fonctionnement de l’OFPRA et qu’on y participe, il est difficile d’imaginer qu’il reçoive véritablement des instructions, en tout cas, s’il en recevait, qu’il les écoute véritablement. L’avis est donc défavorable.
Il est également défavorable, pour les raisons exposées par le rapporteur. Considérer que le ministère de l’intérieur mènerait une politique restrictive en matière de moyens accordés à l’asile revient à méconnaître vraiment la réalité des faits.
Cet amendement présente l’intérêt majeur de nous rappeler ce qu’était l’asile voilà quelques années, lorsque l’OFPRA était placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et l’intégration sous celle du ministère des affaires sociales et de l’emploi.
La perspective était différente. Il y avait l’asile, un droit : s’en occupaient – c’était normal – ceux qui au sein de l’État et de l’exécutif connaissaient le mieux la situation des pays, c’est-à-dire les affaires étrangères. De même, pour l’intégration, la question prioritaire n’était pas la sécurité, mais l’intégration par le travail, l’intégration dans la société ; cela relevait des affaires sociales et de l’emploi.
Depuis quinze ans, peu à peu, nous avons glissé, et tout est arrivé au ministère de l’intérieur.
Cette domination du ministère de l’intérieur, c’est 2007, Hortefeux, Éric Besson, le ministère de l’identité nationale. Ainsi, la donne a changé, et aujourd’hui toute la question de l’immigration, toute la question de l’asile sont traitées uniquement sous le prisme de la sécurité.
Cet amendement nous rappelle ce que c’était quand ça fonctionnait.
Je connais la qualité de l’OFPRA et de ses agents. Je connais l’indépendance que cet office sait garder par rapport au Gouvernement, et je lui fais confiance, quel que soit le sort de cet amendement.
Je tenais simplement à souligner que, si nous voulons une intégration réussie, tout ne peut pas passer par le ministère de l’intérieur. L’ensemble des services de l’État doivent être mobilisés, en particulier les ministères des affaires sociales et de l’emploi, parce que l’intégration se fait par là ! De même, l’asile n’est pas une question de sécurité, mais de droits et de connaissance de la situation dans un certain nombre de pays.
C’est pourquoi cet amendement a un intérêt ; nous le voterons bien entendu.
Tout ça, pardonnez-moi, me semble être un faux débat.
D’abord, qu’une structure dépende du ministère de l’intérieur ou de celui des affaires étrangères, si le Gouvernement veut donner une instruction, il la donne… Ne me dites pas que les affaires étrangères seraient un ministère tellement neutre qu’il n’y aurait aucune instruction !
Ensuite, pour siéger au conseil d’administration de l’OFII, qui est sous la tutelle d’un ministère, ce qui est bien normal, je sais que cet office fonctionne d’une manière extraordinaire, avec des agents dévoués.
Nous travaillons beaucoup avec l’OFPRA, dont l’activité est très intense : cet office applique la loi, avec une marge d’action, de manœuvre considérable.
Monsieur Leconte, je ne vous ai pas interrompu – et j’ai eu du mal. Veuillez à votre tour ne pas m’interrompre.
Il ne faudrait pas que de ce débat sorte l’idée que nous remettrions en cause les agents ou le fonctionnement de l’OFPRA, parce que ce serait injuste.
Permettez-moi maintenant de rebondir sur ce que vient de dire Mme Benbassa : après tout, on aurait pu effectivement imaginer que les questions d’asile soient rattachées au ministère des affaires étrangères si, comme il y a dix ou douze ans, il y avait 15 000 ou 20 000 demandes d’asile par an. Seulement, le problème est que nous en recevons plus de 100 000 aujourd’hui.
Par ailleurs, on sait parfaitement que les demandes d’asile, si elles sont accordées dans 30 % des cas, sont rejetées dans la plupart des autres cas parce que l’OFPRA, ou la CNDA, estime qu’elles relèvent en réalité d’une filière d’immigration détournée. Il y a donc une logique à ce que tout soit rassemblé aujourd’hui autour d’un seul ministère, et le ministère de l’intérieur fait très bien son travail !
Je voudrais juste apporter une précision pour lever tous les doutes.
Dans la plupart des pays européens, l’immigration dépend du ministère de l’intérieur. J’assiste régulièrement à des réunions des ministres européens de l’intérieur et de la justice – les conseils JAI. Je peux vous assurer que les ministres qui traitent les questions d’immigration sont majoritairement – pas tous – ministres de l’intérieur.
Madame la ministre, justement, avez-vous entendu la déclaration des ministres de l’intérieur allemand, autrichien et italien, qui ont osé parler d’« axe » – ils osent le mot ! – sécuritaire face à l’immigration ? J’espère qu’on n’en arrivera jamais là.
Nous parler de l’Europe sur cette question n’est pas un argument : il ne faut pas essayer de ressembler à ces pays européens qui proposent une régression. Car il s’agit d’une régression !
Mon collègue Jean-Yves Leconte l’a déjà expliqué en détail : la régression, c’est aussi la loi elle-même, qui mélange asile et immigration, ce qui ne s’était jamais vu dans un texte de loi. Et pourtant, on a connu des alternances entre gauche et droite ces dernières années !
Vous le constatez comme moi, de tels débats n’étaient même pas envisageables il y a encore dix ou douze ans quand la droite était au pouvoir.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Il y a toujours eu des consciences, sur toutes les travées de cet hémicycle, qui auraient évidemment pointé le fait qu’on ne peut pas mettre les questions d’immigration et d’asile dans le même pot, qu’on ne peut pas traiter ces sujets en se demandant simplement quels moyens mettre en œuvre pour se défendre par rapport à cette déferlante… Aujourd’hui, ça passe inaperçu !
C’est la même chose pour tout, pour le délai de rétention dont on va bientôt discuter, par exemple. Je me rappelle que, au moment de l’examen de la loi Hortefeux-Besson, ce sont des sénateurs siégeant sur les travées de droite qui se sont demandé à quoi servait l’allongement de la durée maximale de rétention à 45 jours puisque, au bout de quinze ou seize jours, les demandeurs d’asile se retrouvaient dehors. Finalement, la disposition a été votée après une longue bataille. Monsieur Karoutchi, vous devez vous en souvenir !
Rires sur les travées du groupe Les Républicains.
En tout cas, ça n’est pas passé tout seul.
Et, aujourd’hui, on en est à défendre le délai de 45 jours de rétention, parce que vous voulez le faire passer à 90 jours !
Dans tous les domaines, on a cherché à relever un défi, toujours plus difficile, en estimant que la meilleure manière de se protéger était de fermer. En réalité, c’est l’inverse qui se produit : tous les jours, on régresse de plus en plus, alors que le populisme et le racisme continuent de monter !
Je veux réagir au précédent débat entre nos collègues Leconte et Karoutchi sur la question du rattachement de l’OFPRA au ministère de l’intérieur ou à celui des affaires étrangères.
Je vais vous livrer ma réflexion : le rôle du ministère des affaires étrangères pose la question de notre cadre de coopération. En d’autres termes, la façon dont le ministère aborde et traite cette question du droit d’asile nous renvoie aux relations que la France entretient avec les autres États.
M. Karoutchi nous explique qu’il fut un temps où la France n’accueillait qu’un certain nombre de migrants et que, aujourd’hui, il y en a davantage. Or ces migrants viennent de certains États, pour diverses raisons que nous connaissons bien les uns et les autres. Par conséquent, je suis sensible à la question soulevée par mon collègue Leconte. Notre pays doit prendre certaines décisions : quand des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes quittent leurs pays pour demander l’asile, il faut que ça nous fasse réfléchir à nos relations commerciales.
Quand certaines migrations sont en outre liées à des aléas climatiques, il faut aussi s’interroger sur la nécessité de régler ce problème, faute de quoi ces migrations vont perdurer.
Dans un climat de discussion où règne un esprit de responsabilité, la France, qui jouit quand même d’une belle image sur le plan international, ferait bien d’envisager ces questions de migration sous l’angle de ses relations commerciales et de ses cadres de coopération, surtout quand il est question du droit d’asile.
Je souhaite vous poser une question, monsieur Karoutchi : qu’entendez-vous par « immigration détournée » ?
J’ai parlé d’une filière d’immigration détournée via le droit d’asile !
(Rires.) J’aime beaucoup les pensées complexes, mais, dans votre cas, elle est soupçonneuse.
Nouveaux rires.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d ’ administration générale. Puisque beaucoup de nos collègues ont jugé indispensable de s’étendre sur le sujet, je ne vois pas pourquoi je me priverais d’intervenir à mon tour.
Sourires.
Je voudrais vous dire que cette question aurait une véritable importance si les pouvoirs exercés par l’OFPRA étaient discrétionnaires, si l’OFPRA prenait ses décisions sous les ordres d’un ministre. Mais tel n’est pas le cas ! L’Office applique des procédures, que nous sommes d’ailleurs en train de modifier, qui sont de niveau législatif. Il applique également des règles fixées par la Constitution, les conventions internationales et les directives européennes.
Vous pourriez décider de rattacher l’OFPRA au ministère de la jeunesse et des sports ou au ministère de la santé, cela ne changerait rien à l’affaire : son travail est, par nature, celui d’une quasi-juridiction sous le contrôle d’une juridiction dont chacun reconnaît l’importance de la mission.
Au reste, tout le travail de l’OFPRA, au cours des dernières années, a consisté à mieux vérifier les droits des demandeurs d’asile pour faire en sorte que le taux des décisions annulées par la Cour nationale du droit d’asile baisse. Or l’OFPRA a réalisé cette performance.
Nous avons passé beaucoup de temps à débattre du rattachement administratif de l’Office, question qui relève d’ailleurs du seul Gouvernement, alors que ce sujet est totalement dénué d’importance.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président Bas, permettez-moi de vous dire que je suis complètement en désaccord avec ce que vous venez de dire. Ce sujet n’est pas à prendre à la légère.
J’ouvre d’ailleurs une petite parenthèse : les salariés de l’OFPRA l’ont eux-mêmes dit lorsqu’ils se sont mis en grève il y a quelques semaines, ce que vous semblez oublier.
Rétablir la tutelle du ministère des affaires étrangères est la meilleure façon de rappeler la spécificité des protections internationales que représentent les statuts de réfugié, de protégé subsidiaire et d’apatride, ce que n’assure pas le ministère de l’intérieur.
Pour aller dans le même sens que le président Bas, je voudrais indiquer à nos collègues qui se sont beaucoup engagés dans le débat que celui-ci comporte une part d’illusion.
Heureusement, dans notre pays, l’État est un, et les ministères ne suivent pas des politiques contradictoires.
Notre pays a la capacité de faire fonctionner l’interministériel de manière cohérente et de faire appliquer la même politique gouvernementale par les différents départements ministériels.
Pour ne pas gâcher l’intérêt de la discussion, personne n’a voulu soulever cet argument, mais ce dont nous parlons relève d’un simple décret.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 411 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Lepage, Perol-Dumont, Lubin, G. Jourda, Lienemann, Grelet-Certenais, Meunier, Préville, Ghali, Monier, Artigalas, Tocqueville et Taillé-Polian et MM. Féraud, Durain, Marie, Houllegatte, Lalande, Tourenne, Temal, Manable, Vallini, Cabanel, Daudigny et Devinaz, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Le quatrième alinéa de l’article L. 722-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ne peut être considéré comme un pays d’origine sûr pour les femmes celui dans lequel le recours à l’avortement est passible de sanctions pénales. » ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet article précise ce qu’est un pays sûr, c’est-à-dire un régime démocratique dans lequel il n’y a ni persécutions, ni traitements inhumains ou dégradants, ni encore de tortures.
L’Assemblée nationale, puis la commission des lois du Sénat ont jugé utile d’apporter des précisions à propos des femmes ou de l’identité de genre.
Je souhaite apporter une autre précision et m’arrêter un instant, plus particulièrement, sur ces nombreux pays dans lesquels l’avortement est un crime grave, puni de peines pouvant atteindre jusqu’à trente ou cinquante ans d’emprisonnement comme, par exemple, au Salvador, où l’avortement est qualifié d’homicide aggravé. Toujours au Salvador, il y a actuellement au moins trente femmes en prison, non pas pour avoir avorté, mais pour avoir subi une fausse couche spontanée que des juges ont qualifiée d’avortement.
Je crois qu’il est important que notre pays, la France, accueille ces femmes, qui sont menacées de prison quand elles ont recours à l’avortement, en particulier pour elles-mêmes, et leur accorde le statut de réfugié. Ce serait à la fois un signal donné en matière de liberté et une mesure humanitaire indispensable.
En ce qui concerne l’avortement, la planète est exposée à des vents contraires : certes, l’Irlande et l’Argentine sont en train de légaliser ou ont récemment légalisé l’avortement, mais d’autres pays sont en pleine régression en le criminalisant.
Mes chers collègues, je vous suggère d’adopter cet amendement, qui précise que l’on ne peut pas considérer un pays dans lequel le recours à l’avortement est passible de sanctions pénales comme un pays d’origine sûr pour les femmes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
La commission souhaite avoir l’avis du Gouvernement sur cet amendement, non pas pour éviter d’avoir à prendre ses responsabilités, …
… mais parce que celui-ci pose une vraie question, qui n’est pas sans conséquence sur le plan juridique. Il conviendrait sûrement de trouver une solution satisfaisante sur ce point.
Je rappelle que le présent amendement tend à exclure de la liste des pays sûrs ceux dans lesquels le recours à l’avortement est passible de sanctions pénales.
La convention de Genève et la directive Qualification de 2011 protègent d’ores et déjà les pratiques d’avortement ou de stérilisation forcés, qui peuvent être prises en compte dans la définition de l’appartenance à un certain groupe social.
Comment qualifier l’avortement sur le plan juridique dans le cadre de la directive ?
C’est simple uniquement dans l’idée que l’on s’en fait.
En réalité, la question de la pénalisation de l’avortement ne peut pas se traiter indépendamment du cadre européen. La définition de la liste des pays sûrs découle en effet directement de la directive Procédures. Or je rappelle que, dans plusieurs États membres de l’Union européenne, qui sont considérés comme des pays sûrs en vertu du protocole « Aznar » annexé au traité d’Amsterdam, l’avortement est interdit ou pénalement réprimé. Je citerai notamment les exemples de la Pologne, de Chypre et de Malte.
Des discussions sont en cours pour réviser le régime d’asile européen commun. Ce sujet important devrait donc être abordé au niveau européen.
Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin d’aller plus avant dans l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 411 rectifié ter ?
Madame Rossignol, il s’agit en effet d’une question juridique, comme l’a dit le rapporteur.
Comme l’a rappelé une décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 7 novembre 2013, la seule pénalisation d’une pratique ne constitue pas, en tant que telle, un acte de persécution, car il faut que la peine soit effectivement appliquée contre un groupe social et dans des conditions qui s’apparentent à une persécution à l’égard de ce groupe.
L’existence d’une infraction pénale n’est pas suffisante pour caractériser une persécution. Pour bénéficier de la protection subsidiaire, il faut ainsi prouver que l’on est exposé dans son pays à un risque de peine de mort, de torture ou de traitements inhumains et dégradants, ou encore d’une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne.
Pour ces motifs, le Gouvernement vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.
Aujourd’hui, il y a des négociations au niveau européen, mais il n’existe pas de liste de pays sûrs à ce niveau, parce que les pays européens n’arrivent pas à se mettre d’accord.
Certains pays considèrent même que l’asile étant, par définition, une question individuelle, on ne devrait pas appliquer de procédure spécifique aux demandeurs en fonction du pays dont ils sont originaires. Pour ces pays, une demande d’asile est par définition une demande individuelle.
Cette liste européenne des pays d’origine sûrs n’existe pas. Elle est en débat, notamment au niveau du Parlement européen. Décider que tel ou tel pays est ou n’est pas un pays d’origine sûr relève donc toujours de notre souveraineté.
De ce point de vue, le présent amendement mériterait, me semble-t-il, d’être soumis au vote. Compte tenu des explications et des arguments utilisés par Mme la ministre, qu’à mon sens on ne peut pas laisser passer, et même si je n’ai pas cosigné cet amendement initialement, je suis maintenant convaincu de son intérêt.
Monsieur le rapporteur, je ne vois pas bien où se situe le problème juridique si ce n’est, comme vient de l’expliquer mon collègue Leconte, que nous sommes effectivement coincés par l’impossibilité de l’Europe à se mettre d’accord sur la définition des pays d’origine sûrs.
La question de l’avortement et du droit des femmes à disposer de leur corps n’est pas un mince sujet dans l’Union européenne, puisqu’il n’aura échappé à personne que certains pays, dans lesquels l’avortement était auparavant légal, sont en pleine régression et s’orientent vers une criminalisation de l’avortement, y compris lorsque l’avortement est consécutif à un viol, une malformation de l’enfant ou un risque important encouru par la mère.
Le problème n’est donc juridique que si on le veut bien. À un moment donné, cela devient un problème politique ! Je considère qu’affirmer qu’un pays qui condamne les femmes ayant recours à l’avortement n’est pas un pays sûr est une décision politique.
Enfin, lorsque l’on sait qu’une femme meurt d’un avortement clandestin toutes les quatre minutes sur la planète, si ce n’est pas une persécution, je ne sais pas ce que c’est !
Madame la ministre, je ne retirerai pas mon amendement, ce dont vous vous doutiez, j’imagine, et je vous demande d’assumer votre avis défavorable sur cet amendement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.
On peut même aller plus loin dans ce débat sur les pays sûrs, parce que la situation n’est pas statique : on va devoir se demander très vite, madame la ministre, monsieur Bas, nous tous, mes chers collègues, si les pays européens sont réellement sûrs.
Vous avez probablement entendu parler de certains faits en provenance de Pologne, de Roumanie, de Hongrie et maintenant d’Italie. Ce ne sera pas seulement la question de l’avortement qu’on aura à traiter en fonction de nos principes, mais beaucoup d’autres sujets : par exemple, les libertés fondamentales et les libertés publiques, qui paraissaient tout à fait évidentes dans le cadre européen, tel qu’il existait, et auxquelles on est en train de porter atteinte.
Si nous restons complètement muets sur le sujet, si on n’en débat pas, on va devoir fermer les yeux sur les potentielles dérives qui se dérouleront dans pas mal de pays européens. Je le répète, il était impensable d’entendre les dirigeants d’un pays fondateur de l’Europe – je parle de l’Italie – dire un jour qu’il faut épurer chaque rue et chaque quartier et généraliser le recensement des Roms ! (Cela ne choque pas certains collègues, mais je sais que la majorité de cet hémicycle est choquée par ce que je dénonce !
Il faut donc garder un œil sur la dynamique actuelle. La question que pose Mme Rossignol au travers de cet amendement se posera de nouveau, et de façon beaucoup plus aigüe encore, sur d’autres sujets si on ne les aborde pas du point de vue de M. Leconte, c’est-à-dire sous l’angle d’une individualisation du traitement des dossiers.
Madame la ministre, je suis presque scandalisé par toutes les réserves que vous opposez à Mme Rossignol et par votre demande de retirer l’amendement.
Le Président de la République, qui a nommé le Gouvernement dont vous faites partie, a souhaité que Simone Veil repose dans quelques jours au Panthéon. Et c’est le moment que vous choisissez, sur cette question fondamentale des valeurs, pour lesquelles Simone Veil s’est battue, pour nous dire que vous ne pouvez pas suivre l’amendement de Laurence Rossignol pour des raisons juridiques.
S’il faut simplement améliorer la rédaction de cet amendement d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, on peut le faire. En revanche, dire qu’un pays qui ne reconnaît pas le droit à l’avortement n’est pas un pays sûr ne signifie pas pour autant que tous les demandeurs d’asile en provenance de ce pays auront automatiquement droit à l’asile. Ils devront de toute façon apporter d’autres preuves. Cela signifie simplement que le Gouvernement, dans son décret, n’inscrira pas d’office cet État dans la liste des pays sûrs.
M. Jacques Bigot. Je ne comprends pas la réserve du Gouvernement, alors même que, le 1er juillet prochain, nous allons rappeler en quoi Simone Veil est l’honneur de la France !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.
Dans la période historique que nous traversons, il faut développer une certaine idée de la France.
Si nous ne sommes pas capables de faire des droits de la personne humaine, notamment des droits de la femme, compte tenu de cet immense drame qu’est l’avortement, un enjeu suffisamment important pour nous permettre d’affirmer ces libertés, de les protéger et de les garantir, nous ne serons pas à la hauteur de l’histoire que nous vivons. Partout, il y a des régressions. Partout, il y a des tentations de faire reculer ces droits.
J’entends beaucoup de commentaires de la part de certains de nos collègues quand les atteintes à ces libertés sont revendiquées au nom de tendances religieuses ou d’intégrismes, ici ou là. En revanche, quand c’est le droit lui-même qui, dans certains États, rend impossible l’avortement ou condamne des femmes qui ont avorté, ne pas dire haut et fort que ces pays ne peuvent pas être considérés par la République française comme des pays sûrs constitue un recul et écorne l’image que nous donnons de nous dans le monde.
Nous devons rester la flamme de la liberté, des droits des personnes, du respect et de la protection qui leur sont dus. De ce point de vue, l’argument fondé sur l’absence d’une liste de pays sûrs au niveau européen ne tient pas. Bientôt, il ne restera de toute façon plus beaucoup de pays sûrs, eu égard à tous les reculs que l’on constate en matière de droits des femmes sur notre propre continent, ou en matière de libertés : il n’est qu’à voir comment la Constitution de la Hongrie ou celles d’autres pays bafouent l’indépendance de la justice ! On est face à un important mouvement de recul dans certains États.
Nous devons donc tenir bon en Europe et considérer que, pour la France, ces pays qui pénalisent l’avortement ne sont pas sûrs.
Personnellement, je pense que le droit d’asile ne devrait pas dépendre de son appartenance à un pays sûr. Il s’agit d’abord d’un droit individuel qui doit être évalué au niveau de chaque personne : il faut déterminer si les demandeurs sont menacés, pour une raison ou pour une autre, dans un autre pays.
En attendant, puisqu’il existe une liste de pays sûrs, la France ne doit pas accepter dans cette liste un pays qui condamne des femmes qui ont avorté !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.
M. Pascal Allizard. Je suis un peu étonné par notre capacité à donner des leçons à un certain nombre de pays.
Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je voudrais simplement vous informer, mes chers collègues, que nous avons siégé en commission mixte paritaire cet après-midi, afin de trouver un texte commun avec l’Assemblée nationale sur la loi de programmation militaire. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de l’amendement « élastique ». Peut-être pas…
Cet amendement concerne le statut des femmes dans l’armée française, en particulier les femmes qui vivent leur grossesse tout en étant militaires. Nous avons dû inscrire dans la loi le fait que ces femmes avaient le droit à un uniforme un peu particulier, un uniforme élastique pour bien vivre leur grossesse…
Mes chers collègues, écoutez-moi : on a voté en faveur de cet amendement.
Oui, absolument !
C’est pourquoi je dois vous dire que je trouve extraordinaire que nous soyons obligés, nous, Français, qui donnons des leçons au monde entier, d’inscrire cet amendement « élastique » dans la loi ! Quand j’entends vos propos sur les autres pays, …
Mes chers collègues, je vous en prie, laissez l’orateur terminer son intervention !
La commission mixte paritaire a voté cet amendement « élastique » à l’unanimité. Quand on vit dans un pays où il faut inscrire dans la loi que les femmes militaires auront droit à un uniforme particulier, parce qu’elles sont enceintes, je me demande de quel droit nous nous permettons de donner des leçons aux autres pays.
M. Pascal Allizard. Pour autant, et j’en reviens à l’amendement de Mme Rossignol
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Cela étant, vous l’aurez compris, je m’étonne quand même que nous puissions à la fois avoir une discussion sur l’amendement « élastique » dans l’après-midi et donner des leçons au monde entier dans la soirée.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Chers collègues, serait-ce trop vous demander que de laisser les orateurs terminer leurs interventions ?
Vous le savez, lorsque vous me demandez la parole, je vous la donne. Alors, respectons-nous les uns et les autres et respectez les orateurs s’il vous plaît !
Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Laissez chacun et chacune aller au bout de son argumentation ! Je vous remercie.
La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Je suis toujours étonné de l’étroitesse d’esprit d’un côté de l’hémicycle.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Sébastien Meurant. Nos collègues entendent donner des leçons au monde entier, mais où a lieu le plus grand féminicide depuis maintenant des décennies ? En Chine communiste, me semble-t-il, et dans le sous-continent indien !
Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Dans ces pays, au motif que l’on préférait, dans le cadre de la règle de l’enfant unique, avoir des enfants mâles, on a assassiné des millions de filles !
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
On voit plus de businessmen que de défenseurs des droits de l’homme dans vos rangs !
M. Sébastien Meurant. Or nous avons des obsédés du continent européen. Nous avons un obsédé de l’Italie, un obsédé de la Hongrie, un obsédé de l’Autriche. Bientôt, ce sera le ministre de l’intérieur allemand que l’on va condamner !
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’Europe est un continent de liberté. Qu’en est-il des pays d’origine des migrants ? De la liberté religieuse, du sous-continent, des pays musulmans…
Chers collègues, je suspends la séance pour quelques instants, afin que tout le monde se calme. Nous ne pouvons pas continuer ainsi !
La séance est suspendue.
La séance, suspendue le mercredi 20 juin 2018, à zéro heure quinze, est reprise à zéro heure vingt.
La séance est reprise.
Monsieur Meurant, je vous invite à poursuivre votre explication de vote.
Merci, monsieur le président.
Intéressons-nous aux droits humains des Français avant tout. Avant de vouloir donner des leçons de morale, avant de condamner des pays européens et de leur jeter l’opprobre, voyons ce qui se passe à côté de nous, de l’autre côté du trottoir, près du théâtre de l’Odéon, par exemple. La misère est à nos portes, constatons-le. Elle gagne sans cesse du terrain, y compris dans le VIe arrondissement de Paris.
Il n’est pas nécessaire d’aller chercher trente femmes au Salvador ; regardons la pauvreté qui sévit autour de nous et occupons-nous des Français d’abord. C’est vers eux que doit être dirigée la politique de défense des droits humains. Nous sommes au Sénat de la République française, …
… nous sommes citoyens français, représentants du peuple français, et non les représentants des citoyens du monde !
Avant de donner des leçons de morale au monde entier, tâchons d’être exemplaires ! Pour reprendre ce qui a été dit à propos de l’amendement « élastique », regardons-nous d’abord ! Essayons de progresser, car nos marges de progression sont immenses.
À cet égard, n’oublions pas l’histoire, et prenons du recul par rapport à des événements passés. J’ai cité deux pays concernés par le féminicide, qui, comme vous le savez, est un acte excessivement grave.
Après la discussion que nous avons eue cet après-midi sur la transidentité, on voit, avec ce débat sur l’avortement, que l’on revient sur les mêmes problèmes et que l’on se heurte aux mêmes incompréhensions. Il s’agit de définir, non pas seulement ce qu’est un pays sûr, mais aussi ce qu’est une persécution.
Une définition de la notion de persécution semble donc nécessaire, car nous avons de ce terme une conception très limitée, alors même que son champ s’est élargi. Nous voyons bien, ici, que certains traitements subis par les transgenres ou l’impossibilité de recourir à l’avortement entrent dans la catégorie des persécutions.
Il serait intéressant de considérer la problématique sous cet angle avant de procéder au vote. Une question comme celle de l’avortement ne doit pas être considérée comme anodine : nous parlons bien de persécution !
Je trouve certains arguments avancés dans ce débat assez surréalistes. On parle de femmes, on parle de grossesse, on parle de droit à la naissance, et on caricature cet amendement jusqu’à évoquer ce que certains qualifient ici d’« amendement élastique ».
Je veux bien qu’on donne des leçons sur ce qui se passe dans d’autres pays de la planète, mais commençons par nous interroger sur ce qui nous permet d’attribuer certaines qualifications à certains amendements !
Oui, cher collègue Meurant, je vous ai bien entendu évoquer certains pays en vous faisant un peu donneur de leçon. Je regrette simplement que, en dépit de votre préoccupation soudaine, ici, ce soir, pour le droit des femmes, vous n’ayez pas tout à fait la même exigence lorsqu’il s’agit de faire du business avec ces mêmes pays. Il y a donc des États sur la planète, qu’on peut qualifier d’autoritaires, de non respectueux des droits humains, et avec lesquels, pourtant, on peut aussi faire des affaires. Comme quoi les dogmatismes, nous, nous savons très bien les faire tomber, alors que vous, vous avez plus de mal.
Bien évidemment, nous allons voter cet amendement. Il s’agit ici de préserver les femmes, tel qu’il est indiqué dans son objet, mais aussi de renforcer l’image de la France au regard du droit des femmes à disposer de leur corps, au-delà même de leurs origines ou des raisons qui peuvent les pousser à venir dans notre pays.
Je ne sais pas si la majorité sénatoriale est unanime sur les arguments que nous venons d’entendre – j’espère que non –, mais ceux-ci ne sont pas recevables. Nous nous y opposerons, car ils visent à remettre en cause le droit des femmes migrantes et, plus largement, le droit des femmes dans notre pays.
Je vais essayer d’apporter une réponse.
Une chose est certaine : nous devons tenir compte de l’application, dans certains pays, d’une législation pénale réprimant l’avortement et, de ce fait, accepter de ne pas renvoyer certaines de leurs ressortissantes, quand bien même ces pays figureraient dans la liste des pays sûrs.
Le problème est le suivant : la liste des pays sûrs ne peut être modifiée sans un accord international. L’adoption de cet amendement nous mettrait donc en difficulté sous cet angle.
Il serait sans doute souhaitable que l’on se donne un peu de temps pour réfléchir à la manière dont on pourrait – je parle au conditionnel, car cela exige de contrôler un certain nombre d’éléments juridiques – faire évoluer l’article L.712-1 du CESEDA, qui est relatif à la protection subsidiaire. La modification devra tenir compte de l’existence, dans certains pays, de sanctions pénales liées à la pratique de l’avortement et, ainsi, protéger les femmes encourant un risque de ce fait, en leur accordant le bénéfice de la protection subsidiaire. Mais, je le répète, cette évolution exige un contrôle sérieux au préalable. La rédaction doit être claire, et c’est pourquoi je n’ai pas de solution immédiate à proposer.
Par conséquent, je rejoins l’avis défavorable du Gouvernement sur l’amendement – pour des raisons strictement juridiques, et non des raisons de fond –, en espérant pouvoir travailler sur une proposition, d’ici à la fin de la semaine, qui consistera à modifier cet article du CESEDA relatif à la protection subsidiaire. Ainsi, nous pourrions, me semble-t-il, répondre aux attentes de tout le monde. Nous ne nous mettrions pas en difficulté au regard de la liste des pays sûrs, tout en apportant une réponse à une problématique réelle.
Ce que propose le rapporteur est une solution, mais encore faut-il trouver cette rédaction d’ici à jeudi. Dès lors que nous sommes en procédure accélérée, il n’y aura pas de deuxième lecture. Il faut que nous puissions défendre cette mesure lors de la CMP, laquelle arrivera assez rapidement.
Je veux seulement rappeler – parce que je ne saisis pas bien tout le sens du débat – que le droit d’asile est un droit individuel. Il existe, bien sûr, une liste de pays théoriquement sûrs et, à ce sujet, je suggère que chacun d’entre nous mesure bien ses propos. Quand j’entends certains de ceux qui ont été tenus ce soir – pardon de le dire à nos collègues du groupe socialiste –, à part un retrait de l’Union européenne, il n’y a pas beaucoup de solutions…
On peut constater que, en Italie, en Autriche ou en Allemagne, il n’y a plus de garanties, plus de certitudes, et en avoir peur. On peut s’inquiéter de ce qui se passe en Hongrie, en Pologne ou ailleurs. Mais en déduire, comme nos collègues le demandent, que ces pays ne sont plus sûrs, que nous ne pouvons plus avoir avec eux des relations « classiques », c’est compliquer à l’extrême la situation. Si tel était le cas, en effet, la France n’aurait plus d’autre solution que de se retirer de l’Union européenne, de s’extraire des règles européennes, considérant que ce qui se produit en Italie, en Allemagne ou en Autriche ne lui convient pas du tout.
Pour ma part, je préfère voir la France rester à l’intérieur de l’Europe, pour l’influencer positivement et conduire une politique favorable à une plus grande ouverture.
En tout cas, si la solution préconisée par le rapporteur peut être concrétisée d’ici à jeudi, nous pouvons parfaitement prévoir de revenir sur ce point pour intégrer, ce jour-là, une rédaction convenant à tous.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Je formulerai trois remarques.
Première remarque : je partage les propos de notre collègue Roger Karoutchi. On voit bien les limites de la procédure accélérée… On n’a d’ailleurs pas attendu le projet de loi Asile-immigration pour constater, ici, dans notre diversité, que la procédure accélérée ne montre pas sa totale efficacité quant à la richesse du dialogue et la hauteur de vue propre à notre parlement.
Deuxième remarque : si la tentative de réponse formulée par le rapporteur mérite qu’on l’examine, j’attire l’attention de ce dernier, au nom de mon groupe, sur le fait que les questions relatives aux violences et aux discriminations subies par les femmes, les filles ou les minorités sexuelles, en particulier l’impossibilité légale de recourir à l’avortement, ne se négocient pas.
Je ne vous mets pas en cause personnellement, monsieur le rapporteur, mais soyons clairs : lorsqu’on discrimine, qu’on porte atteinte à des enfants, à des femmes, à des minorités sexuelles, ou culturelles, aucune négociation n’est envisageable ! Je ne prétends pas que telle est l’intention, mais je le dis avec fermeté.
Troisième remarque, à l’attention de Sébastien Meurant, avec qui nous avons parfois des échanges en commission des finances et qui nous dit : « Les Français d’abord… ». Cher Sébastien Meurant, la Constitution, dans son préambule, affirme que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». C’est ça, les Français ! Et j’ajouterai : si c’est vrai pour les hommes, c’est vrai pour les femmes !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je mets aux voix l’amendement n° 411 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 139 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 57 amendements au cours de la journée ; il en reste 485.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 20 juin 2018, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (n° 464, 2017-2018) ;
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 552, 2017-2018) ;
Avis de M. Jacques Grosperrin, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 527, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 553, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à zéro heure quarante.