Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 19 juin 2018 à 21h30
Immigration droit d'asile et intégration — Article 5

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Dans la période historique que nous traversons, il faut développer une certaine idée de la France.

Si nous ne sommes pas capables de faire des droits de la personne humaine, notamment des droits de la femme, compte tenu de cet immense drame qu’est l’avortement, un enjeu suffisamment important pour nous permettre d’affirmer ces libertés, de les protéger et de les garantir, nous ne serons pas à la hauteur de l’histoire que nous vivons. Partout, il y a des régressions. Partout, il y a des tentations de faire reculer ces droits.

J’entends beaucoup de commentaires de la part de certains de nos collègues quand les atteintes à ces libertés sont revendiquées au nom de tendances religieuses ou d’intégrismes, ici ou là. En revanche, quand c’est le droit lui-même qui, dans certains États, rend impossible l’avortement ou condamne des femmes qui ont avorté, ne pas dire haut et fort que ces pays ne peuvent pas être considérés par la République française comme des pays sûrs constitue un recul et écorne l’image que nous donnons de nous dans le monde.

Nous devons rester la flamme de la liberté, des droits des personnes, du respect et de la protection qui leur sont dus. De ce point de vue, l’argument fondé sur l’absence d’une liste de pays sûrs au niveau européen ne tient pas. Bientôt, il ne restera de toute façon plus beaucoup de pays sûrs, eu égard à tous les reculs que l’on constate en matière de droits des femmes sur notre propre continent, ou en matière de libertés : il n’est qu’à voir comment la Constitution de la Hongrie ou celles d’autres pays bafouent l’indépendance de la justice ! On est face à un important mouvement de recul dans certains États.

Nous devons donc tenir bon en Europe et considérer que, pour la France, ces pays qui pénalisent l’avortement ne sont pas sûrs.

Personnellement, je pense que le droit d’asile ne devrait pas dépendre de son appartenance à un pays sûr. Il s’agit d’abord d’un droit individuel qui doit être évalué au niveau de chaque personne : il faut déterminer si les demandeurs sont menacés, pour une raison ou pour une autre, dans un autre pays.

En attendant, puisqu’il existe une liste de pays sûrs, la France ne doit pas accepter dans cette liste un pays qui condamne des femmes qui ont avorté !

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